Sur toutes ces questions, beaucoup de choses ont évolué au cours des derniers mois. Certes, peu d'accords ont été signés jusqu'à présent dans les branches professionnelles, mais un nombre considérable d'accords sont en cours de négociation dans les entreprises depuis l'adoption de la loi portant création des emplois d'avenir qui a introduit une sanction en cas de non-respect par une entreprise de son obligation de mettre en place un plan d'égalité salariale et d'évolution professionnelle.
Sur des sujets aussi importants, les évolutions sociales ne peuvent être que lentes, mais nous devons veiller à ce qu'il n'y ait pas de régression.
L'accord sur la sécurisation de l'emploi, qui a été signé par une majorité d'organisations syndicales, encadre le temps partiel en fixant à 24 heures hebdomadaire la durée minimale du temps partiel, ce qui oblige les branches concernées à engager une négociation. Au cas où le temps partiel n'atteint pas 24 heures, le travail doit être concentré sur une partie de la journée pour éviter les emplois du temps morcelés qui ont des conséquences néfastes sur la vie personnelle des salariés.
La règle des 24 heures peut paraître insuffisante aux yeux de certains, mais sachez qu'elle est extrêmement difficile à mettre en oeuvre. Les représentants de certaines branches, comme la grande distribution mais surtout les entreprises du secteur social, pourraient vous le confirmer. Il serait intéressant que votre Délégation les auditionne. Les associations de maintien à domicile, en particulier le réseau des ADMR (aide à domicile en milieu rural), nous ont fait part de leurs difficultés et nous demandent de revenir sur cette disposition. Si j'avais un message à vous délivrer, ce serait de faire preuve de la plus grande prudence en la matière, car l'application de cette disposition pose de réels problèmes. La durcir amènerait un grand nombre de secteurs à s'y opposer.
Je suis fermement décidé à faire respecter la loi sur la sécurisation de l'emploi et à rechercher les moyens d'adapter cette disposition, mais je vous invite, mesdames et messieurs les députés, à être prudents. Imposer un temps partiel d'une durée minimale de 24 heures est déjà un progrès considérable. Il convient de conforter ce progrès. Le jour où il sera réellement mis en place et que de nouvelles habitudes seront prises, nous pourrons progresser encore.
Nous avons également été alertés par le secteur des particuliers employeurs. Nous devons mettre en place des mécanismes susceptibles de permettre aux femmes qui travaillent à temps partiel – car ces emplois concernent majoritairement des femmes – de comptabiliser un nombre d'heures de travail décent, ce qui peut passer par le regroupement de différents employeurs.
Toutes ces branches doivent améliorer le dialogue social. Il est difficile pour les femmes qui travaillent à temps partiel de faire valoir leurs droits, d'autant qu'elles occupent parfois plusieurs emplois qui dépendent de branches différentes.
Les personnes qui travaillent à temps partiel sont celles qui bénéficient le moins de la formation professionnelle : or, elles ont besoin d'augmenter leur qualification. Mais pour construire un parcours de formation et mettre en place les financements correspondants, il faut une certaine stabilité. Cette exigence est l'un des sujets majeurs de la négociation en cours sur la formation professionnelle qui s'achèvera dans quelques jours et que je vous invite à suivre, car elle traite de sujets dont votre délégation pourrait se saisir lorsque viendra l'examen du projet de loi portant réforme de la formation professionnelle. Le public des travailleurs à temps partiel est fragile, au même titre que les jeunes sans formation et les chômeurs, et à ce titre, il doit pouvoir bénéficier des crédits de la formation professionnelle.
J'en viens à l'accord interprofessionnel du 19 juin 2013 intitulé «Vers une politique d'amélioration de la qualité de vie au travail et de l'égalité professionnelle », dit accord QVT. Il faut naturellement aller plus loin en matière d'égalité salariale, mais les obstacles à l'égalité professionnelle ne relèvent pas uniquement du salaire. Les différences salariales entre des personnes qui effectuent les mêmes tâches et disposent des mêmes compétences constituent une inégalité insupportable, mais la principale inégalité vient du fait que les femmes, même si elles ont les mêmes capacités et le même engagement que les hommes, gravissent moins rapidement les échelons de la hiérarchie. Je peux vous citer l'exemple d'un grand journal français dont les 17 rédacteurs en chef étaient tous des hommes, avant que les femmes membres de la rédaction ne protestent.
L'accord s'attache à cette question. Il est clair que développer l'accueil des très jeunes enfants dans une entreprise ou ouvrir une crèche à l'extérieur sont des outils propres à favoriser l'égalité entre les femmes et les hommes. Car les employeurs considèrent qu'une jeune femme dont l'enfant n'est pas accueilli dans de bonnes conditions, sera plus souvent absente, qu'elle aura des retards, et hésitent à lui confier un poste qualifié dont les horaires sont peu compatibles avec sa vie familiale.
Des avancées étaient donc nécessaires sur ce point et tel était l'objectif général de l'accord QVT. Nous avançons étape par étape, en commençant par l'égalité salariale. Il convient de consolider cette étape avec les outils juridiques dont nous disposons et qui obligent les entreprises à respecter leurs obligations en la matière.