Au nom du groupe socialiste républicain et citoyen, je souhaite tout d'abord saluer le travail du rapporteur et du président qui nous a permis d'approfondir ces sujets importants. Une première question se pose : fallait-il un rapport de plus alors que la production de ces dernières années est déjà très riche ? Comme cela a été dit, les rapports précédents ont eu peu d'effet et leurs préconisations n'ont pas été suivies. Le constat de ce statu quo peut s'expliquer par trois raisons principales :
– l'inadaptation des propositions ;
– la force d'inertie des professionnels et acteurs de la psychiatrie ;
– l'absence de volonté politique.
Les enjeux humains – des millions de nos concitoyens sont concernés et le coût pour la collectivité, en termes de perte d'activité et de dépenses médicales – ont déjà été soulignés. Le diagnostic sur les dysfonctionnements majeurs fait aujourd'hui consensus.
Notre travail a été scindé en deux puisque la mission s'est d'abord penchée sur la question des soins sans consentement qui a abouti à la loi du 27 septembre 2013 pour répondre aux exigences de la décision du Conseil constitutionnel. La mission parlementaire s'est ensuite intéressée aux maladies psychiatriques.
Malgré les critiques dont elle a pu faire l'objet, la sectorisation psychiatrique doit être confortée car elle permet des soins de proximité, diversifiés et adaptés aux pathologies mentales. Le secteur a permis des avancées considérables en sortant les patients des hôpitaux et en les réintégrant dans la cité. Grâce aux progrès thérapeutiques de ces cinquante dernières années, les soins ambulatoires ont été facilités et la réinsertion sociale des malades a pu progresser. Le nombre de lits en psychiatrie a été diminué de moitié en vingt-cinq ans passant de 130 000 à 65 000 alors que les soins ambulatoires représentent aujourd'hui 75 % des prises en charge.
Certains points doivent être encore améliorés : le diagnostic de la maladie mentale reste encore trop souvent tardif, et malgré une bonne qualité de la relation médecin-patient, certains malades, tout particulièrement les plus précaires, ne parviennent pas à accéder à une prise en charge. Les structures de soins entre le secteur médical et le secteur médico-social restent très cloisonnées alors même qu'avec le vieillissement de la population de nouveaux problèmes se posent, tout particulièrement pour les maladies neuro-dégénératives et les démences séniles.
Enfin, la forte présence de malades mentaux en détention pose de redoutables difficultés pour la gestion des établissements pénitentiaires et pour assurer une prise en charge sanitaire adaptée.
Certaines propositions ont suscité des divergences entre les membres de la mission comme celle relative à la nécessité d'évaluer l'application de l'article 122-1 du code pénal qui permet de déterminer si un délinquant doit voir sa responsabilité atténuée, en raison de l'altération de son discernement, ou en être totalement exonéré du fait de son abolition au moment de l'infraction.
Selon les rares études disponibles, on estime à 20 % ou 30 % le pourcentage de malades mentaux en prison. Cet état de fait, qui va semble-t-il en s'aggravant, ne peut laisser indifférent. Le développement des UHSA, qui offrent aujourd'hui 440 places et qui en offriront 705 à l'issue de la montée en charge du programme de construction, n'est pas suffisant pour traiter un problème aussi complexe.
Les autres propositions relatives à la formation des infirmiers et des personnels pénitentiaires, à la meilleure prise en charge somatique, à la coordination entre les structures de soins publiques et privées et au développement de la recherche ont fait consensus.
Je voudrais insister sur celle qui propose que les psychologues cliniciens interviennent en premier recours, avec une prise en charge par l'assurance maladie, ainsi que sur la reconnaissance du travail des infirmiers afin de permettre d'accélérer le premier diagnostic et d'éviter les états de crise non soignés.
Enfin, il me paraît très important de reconnaître les apports à la recherche des praticiens qui, hors cadre universitaire, poursuivent des travaux de grande qualité. Il faut pour cela définir des modalités précises d'évaluation pour recueillir le fruit de ces travaux et les intégrer dans la pratique médicale sans risquer une quelconque suspicion sur le sérieux de la démarche scientifique.
Nous attendons avec impatience la future loi de santé publique qui aura un volet santé mentale. Le choix d'une grande loi transversale a notre préférence même si certaines personnes auditionnées auraient préféré une loi spécifique pour la psychiatrie. Ce rapport pourra servir de boite à outil et nous espérons la traduction législative de nombreuses de ses propositions.