Intervention de Jean-Pierre Barbier

Réunion du 18 décembre 2013 à 9h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Barbier :

Au nom du groupe UMP, je tiens à saluer le travail de notre rapporteur. Le rapport de cette mission d'information, même s'il s'ajoute à de très nombreux rapports publiés depuis une dizaine d'années, était un travail nécessaire et ne restera pas, espérons-le, lettre morte. Je souhaite que nous trouvions une volonté politique commune, que ce soit dans le cadre de la future loi sur la santé publique ou bien dans un cadre législatif spécifique sur la santé mentale pour que nous puissions améliorer la prise en charge des personnes atteintes de troubles psychiques dans notre pays.

On peut simplement regretter que les travaux de la mission n'aient pas vraiment abordé les expériences étrangères car certains pays ont des politiques très novatrices.

La psychiatrie est un enjeu majeur de santé publique, un peu méconnu, oublié des débats et du financement de la recherche, alors qu'il a été démontré par l'OMS que les maladies mentales seront d'ici à une dizaine d'années au premier rang des causes mondiales de handicap, dépassant les maladies cardiovasculaires et les cancers.

Un Français sur cinq souffre, a souffert, ou souffrira au cours de sa vie d'une maladie mentale. Elles sont la première cause de mortalité chez les jeunes adultes avec 4 000 suicides recensés chaque année, plaçant ainsi la France dans le peloton de tête mondial.

En termes médico-économiques, le poids de la maladie mentale est considérable en matière de coûts directs, mais également indirects. Les maladies mentales constituent le deuxième motif d'arrêt de travail et la première cause d'invalidité. Elles réduisent notablement la qualité de vie des personnes atteintes et perturbent profondément celle de leurs proches. Si nous devons un jour intégrer dans les facteurs de pénibilité les risques psycho-sociaux ce sera un chantier très complexe.

Notre politique publique en matière de psychiatrie repose aujourd'hui essentiellement sur des plans de santé mentale. Le premier (celui de 2005 à 2008) a été évalué en 2011 par la Cour des comptes. Les crédits injectés sont considérables : 475 millions d'euros pour les dépenses de fonctionnement et 750 millions de crédits d'investissement. Le second plan (2011 à 2015) est en cours d'exécution, son programme de mise en oeuvre étant paru en février 2012. Même si des progrès ont été faits, la politique de santé mentale est largement perfectible, ce constat est largement partagé.

L'évaluation du Plan psychiatrie et santé mentale (2005-2008) faisait ressortir plusieurs problèmes abordés dans le présent rapport, notamment le cloisonnement persistant des soins à toutes les étapes de la prise en charge et l'absence de politique d'innovation et d'amélioration des soins.

Meilleure complémentarité entre l'offre publique et privée (notamment autour des schémas régionaux d'organisation des soins des agences régionales de santé), conseils locaux de santé mentale aux périmètres étendus, meilleure formation des médecins généralistes qui sont souvent le premier recours avant un diagnostic spécialisé, favoriser les échanges et la consultation de psychiatres au sein des maisons de santé, puis établir des passerelles entre les secteurs et les établissements médico-sociaux, voilà autant de mesures qui pourraient favoriser ce décloisonnement.

De même, l'innovation et l'amélioration des soins passeront avant tout par la recherche, et nous regrettons que la recherche française (qui est pourtant reconnue dans plusieurs domaines, notamment l'autisme) ne représente que 2,5 % des publications mondiales. Il existe une sous-dotation persistante qu'il va falloir corriger d'autant que de nouvelles perspectives de diagnostic et de soins s'ouvrent à la psychiatrie.

Nous déplorons les écarts de prise en charge et différences de pratiques qui existent dans les établissements et nourrissent parfois des polémiques stériles. Les professionnels qui travaillent dans les hôpitaux spécialisés que nous avons pu rencontrer font un travail remarquable et il me semble essentiel de tout faire pour ne pas alimenter ces polémiques.

Les décisions de mise sous contention doivent être encadrées mais il est indispensable que les professionnels puissent y avoir recours s'ils le jugent nécessaire pour la sécurité de tous (du malade et de l'équipe soignante).

Il pourrait être intéressant pour dépassionner ce débat de s'appuyer sur la Haute Autorité de santé qui est à même de mener un travail de consensus, en lien avec les professionnels et les représentants des patients pour élaborer des recommandations de bonnes pratiques. Sans être contraignantes, elles pourraient constituer des références pour les malades et leurs proches.

Vous avez enfin souhaité aborder à nouveau la difficile question du débat entre deux logiques qui peuvent se confronter : celle du soin et celle de la sécurité. Peut-être qu'il conviendrait d'apprendre à mieux les concilier.

Au-delà de la proposition d'évaluer l'application de l'article 122-1 du code pénal – on ne sait pas très bien ce que sous-tend une telle évaluation et comment elle pourrait avoir lieu –, il convient de favoriser une meilleure conciliation de ces deux impératifs. L'ouverture de structures comme les unités hospitalières spécialement aménagées est une réponse adaptée et le programme d'ouvertures qui a été commencé sous la précédente législature doit être maintenu. Nous souscrivons parfaitement à toute mesure visant à mieux sensibiliser les personnels pénitentiaires aux pathologies psychiatriques ou à renforcer le temps d'intervention des professionnels de santé psychique.

La question de la santé mentale est préoccupante mais elle est difficile à appréhender. On ne peut pas dire abruptement que la prison rend fou car certaines personnes détenues présentaient des fragilités psychiques qui se sont révélées en détention. Il n'en demeure pas moins que la fréquence des troubles mentaux en prison doit conduire à s'interroger sur une prise en charge sanitaire adaptée et sur la manière de former les personnels pénitentiaires pour limiter les conséquences néfastes de la détention.

Pour finir, il est clair que tout cela va demander des moyens supplémentaires et l'on peut déplorer que le Gouvernement se prive d'un certain nombre de marges de manoeuvre dans le budget de la sécurité sociale. Nous serons au rendez-vous, et attendons donc cette fameuse loi de santé publique que la ministre des affaires sociales et de la santé nous a promise.

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