Intervention de François-Michel Lambert

Séance en hémicycle du 19 décembre 2013 à 15h00
Modernisation de l'action publique territoriale et affirmation des métropoles — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois-Michel Lambert :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles n’est pas anodine, et les dynamiques territoriales qu’elle met en oeuvre toucheront l’ensemble des Français dans leur vie quotidienne. Autant vous le dire dès à présent, nous n’avons pas eu la grande loi que nous attendions, et de nombreux points doivent être jugés comme négatifs. Toutefois, les métropoles, telles qu’elles sont créées par cette loi, permettront, nous semble-t-il, d’adapter la France aux réalités d’aujourd’hui entre centralités urbaines et richesses rurales, et ce dans une vision régionale forte.

Je commencerai par aborder les points décevants, dont certains posent de vrais problèmes.

Nous devons vous dire notre désappointement devant la simplification des structures administratives. Entre une architecture administrative issue de la fin du XVIIIe siècle, fondée sur la commune et le département, et une autre, moderne, datant de la fin du XXe siècle, fondée sur les communautés de communes et les régions, cette loi ne permet pas de véritable choix face aux nouveaux défis posés par l’action territoriale. Le fameux millefeuille ne sera donc pas simplifié par ce texte, à notre grand regret. Il n’a ni l’ambition ni le souffle des lois Defferre de 1982, et il n’emprunte pas suffisamment la voie entrouverte par la révision constitutionnelle de 2003 établissant l’organisation décentralisée de la République,

Désappointement encore devant la suppression pure et simple du Haut Conseil des territoires par la commission mixte paritaire, qui a trouvé là, il est vrai, une possibilité d’accord. Cette instance officielle de dialogue entre l’État – et plus particulièrement le Gouvernement – et les associations nationales d’élus locaux était pourtant l’un des points forts de la campagne de François Hollande, qui s’était engagé à associer les élus locaux à la nouvelle étape de la décentralisation. Cette instance aurait dû favoriser la concertation en amont de la procédure législative et aurait aussi enrichi le travail parlementaire.

Mais brisons l’énumération, relativement longue, de nos désaccords avec le texte tel qu’il devrait être voté aujourd’hui. Allons de l’avant, madame la ministre !

L’avenir de notre pays passera par ses régions. Il a été établi dès l’introduction de cette loi qu’elles feraient l’objet d’un second volet de la loi sur la décentralisation. Soit. Nous avons entendu le Premier ministre annoncer le 13 décembre dernier, à Rennes, que le texte serait présenté au Parlement au mois d’avril prochain, et s’engager à lancer – enfin ! – une véritable décentralisation. Ainsi, la perspective d’une régionalisation se fait désormais plus claire avec l’annonce de transferts de compétences nouvelles, l’exercice différencié de certaines compétences, ou encore un pouvoir accru d’adaptation réglementaire donné aux régions en fonction des spécificités territoriales. Ces annonces sonnent bien. Toutefois, le groupe écologiste veillera tout particulièrement à ce qu’elles se traduisent dans la loi à venir.

Un constat s’impose : tous les États d’Europe occidentale de taille comparable à la France ont adopté soit un système fédéral où toutes les régions participent au processus normatif dans son entièreté – c’est le cas de l’Allemagne –, soit un système différencié d’autonomies régionales pouvant s’appliquer à l’ensemble du territoire, comme c’est le cas en Espagne, en Italie ou, dans une certaine mesure, au Royaume-Uni.

Il est en effet bon de rappeler ce qui est à l’oeuvre chez nos voisins : la région partage avec l’État le pouvoir normatif et les assemblées ou parlements régionaux s’imposent en droit et en fait aux autres niveaux de collectivités, y compris les métropoles, sans que cela soulève de contestation. Car si le fait métropolitain doit permettre d’organiser des fonctions essentielles – pour ne pas dire vitales – d’attractivité économique, il appartient au fait régional d’assurer une juste répartition des richesses, des services publics, et plus généralement de préserver le lien social sur l’ensemble du territoire concerné.

Entendons-nous bien, ce que nous défendons, c’est bien que les métropoles servent l’ensemble du territoire et que toutes les collectivités locales tirent dans le même sens.

Cela étant précisé, notre groupe constate que la loi sur laquelle il nous est demandé de nous prononcer aujourd’hui énumère clairement les compétences confiées aux conseils régionaux, à savoir la promotion du développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique de la région et l’aménagement de son territoire. Autre sujet qui nous tient particulièrement à coeur, à nous écologistes : le conseil régional doit assurer la préservation de l’identité régionale ainsi que la promotion des langues régionales, et ce – mais c’est une évidence – dans le respect de l’intégrité, de l’autonomie et des attributions des départements et des communes.

Nous constatons également avec satisfaction que l’article 3 de la loi maintient la région comme chef de file pour la protection de la biodiversité, le climat, la qualité de l’air, l’énergie, l’intermodalité et la complémentarité entre les différents modes de transports, sans oublier l’enseignement et la recherche ; autant d’enjeux dont chacun s’accorde à dire qu’ils dépassent largement la sphère métropolitaine.

Le renforcement de la démocratie est une exigence permanente. En cela, la décision d’imposer le suffrage universel direct aux élections de 2020 est une avancée notable que nous saluons, et nous remercions le Gouvernement de nous avoir écoutés. Cependant, le suffrage universel direct pour toutes les élections est une exigence défendue depuis toujours par les écologistes, soucieux de lier les citoyens au projet de leur territoire et aux élus appelés à le défendre, soucieux de lier le peuple à la direction de son destin commun. Mais l’arbitrage de la commission mixte paritaire a introduit un biais législatif dans le suffrage universel direct, ce que nous dénonçons.

Sur ce point également, le groupe écologiste saura se montrer extrêmement vigilant : jamais nous n’accepterons l’émergence de métropoles semblables à de vastes ensembles technocratiques, au sein desquels les décisions, touchant plusieurs millions de personnes et représentant des budgets colossaux, seraient prises par une oligarchie d’experts et de fonctionnaires non élus et n’ayant pas reçu de mandat direct de leurs habitants.

Les débats sur la métropole de Paris ont permis des avancées. Divers points mériteraient d’être améliorés, qu’il s’agisse de l’intégration des départements dans la métropole, de l’équilibre entre les EPCI actuels et la future métropole, ou d’une meilleure répartition des rôles entre la région Île-de-France et la métropole.

Rappelons que certains de nos amendements ont permis des progrès, notamment celui relatif au logement et à la circulation dans Paris, soutenu par tous les élus parisiens, témoignant ainsi des attentes de ceux qui veulent assumer localement leurs responsabilités. Cependant, les avancées pour la métropole de Paris sont encore insuffisantes, voire biaisées.

La métropole de Lyon apporte des réponses à un certain nombre d’interrogations et offre une perspective intéressante, que nous aurions aimé appliquer à des territoires comme l’Alsace ou le Pays Basque.

Quant à la métropole Aix-Marseille-Provence, qui, il faut bien le reconnaître, a été bloquée dès la première lecture au Sénat, nous regrettons qu’il ait été impossible de l’enrichir. Cependant, les dispositions essentielles sont lancées. Ce territoire, qui n’a pas su se mobiliser collectivement autour d’atouts remarquables, dont chaque commune porte une part qu’il faut protéger, dispose à présent d’une feuille de route, d’un horizon collectif, d’une ambition : celle de devenir ce territoire remarquable, ce territoire de référence en termes de transition écologique, de gouvernance moderne et apaisée.

Ce territoire a tout pour réussir. Vous nous en donnez en tout cas les moyens grâce à la mission de préfiguration que vous avez instituée autour du préfet Laurent Théry. Ce débat public auquel vous vous êtes engagés – demain aura lieu la deuxième édition de la conférence métropolitaine – et qui se tiendra sur deux années, permettra aux citoyens du territoire de s’emparer du projet. Nous avons en effet besoin de tous les citoyens pour l’enrichir et, sans attendre, avancer sur cette future gouvernance.

Ce faisant, vous permettez à tous, qu’ils soient élus ou citoyens, de construire ensemble l’avenir de la métropole Aix-Marseille-Provence, un avenir d’ambition. J’appelle tous les élus, les forces sociales, les forces économiques et les citoyens de ce territoire à saisir cette chance, à sortir de leurs guerres de clochers pagnolesques, afin de permettre à ce territoire de devenir la référence d’un nouveau modèle de développement.

Au vu de toutes ces avancées mais aussi des manquements, voire des inquiétudes concernant les métropoles et le suffrage universel direct, le groupe écologiste s’abstiendra ; cette décision a été prise après la réunion de la commission mixte paritaire. Nous voulons tout de même rappeler avec force que nous serons toujours au rendez-vous d’une décentralisation ambitieuse et de la responsabilisation des acteurs locaux, validée par un réel suffrage universel direct.

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