C’est un texte qui pourrait s’inscrire dans un grand débat sur les réformes de structure et l’adaptation de la France à la mondialisation. Nous parlons des métropoles : comme plusieurs d’entre vous l’ont dit, elles constituent des pivots dans la réorganisation de nos territoires, au moment où sont bouleversés, nous le voyons chaque jour, les schémas établis et les organisations imaginées il y a plusieurs dizaines, voire centaines d’années.
Pour autant, est-ce qu’on s’est posé la question de savoir quelles métropoles nous voulons ? Une chose est de reconnaître et d’affirmer les métropoles, une autre est de définir de quelles métropoles nous avons besoin. En fin de compte, la question essentielle, celle de la vocation d’une métropole, se l’est-on seulement posée ? S’est demandé à quoi sert une métropole ?
Dans un pays comme le nôtre, le rôle d’une métropole n’est pas forcément le même que celui que l’on observe aux quatre coins du monde, dans des pays émergents comme le Brésil, la Chine ou l’Inde. Les métropoles, dans ces pays, ont la particularité d’avoir une vocation productive. Si vous allez dans ces mégalopoles des pays émergents, qui comptent plusieurs millions d’habitants, vous y trouverez des fonctions productives que nous n’avons pas dans les métropoles françaises.
Le seul intérêt d’une métropole réside dans l’articulation avec le reste du territoire. Pour nous, le seul intérêt d’une métropole est son articulation avec nos territoires à faible densité, ceux-là mêmes qui ont une vocation productive. À quoi sert d’avoir des fonctions tertiaires, des fonctions créatives, des fonctions à valeur ajoutée, si l’on ne les met pas au service du reste de notre territoire, celui qui a une vocation productive et bénéficie des principaux avantages comparatifs ?
C’est pourquoi, en scindant les débats, en examinant aujourd’hui les métropoles et demain les région, vous commettez déjà une erreur manifeste. Si l’on ne part pas de ce que la France a et que les autres n’ont pas, on commet une erreur grave pour l’avenir de nos territoires.
L’économie métropolitaine n’est pas une économie différenciatrice. On trouve dans toutes les métropoles du monde les mêmes tours, de plus en plus souvent le même urbanisme et les mêmes savoir-faire. Nous souffrons, de ce point de vue, d’un désavantage compétitif, puisque nous avons moins de capitaux que la plupart des pays émergents. La métropole n’a donc de sens que si elle se met au service de notre économie industrielle, de notre économie agricole, de notre économie artisanale, de notre économie touristique. L’unique question est de savoir si, en France, on a tout fait pour que des métropoles soient au service de nos territoires.
Il ne suffit pas de dire : « Il existe des métropoles, faisons comme les autres. » Cette vision est erronée et ne constitue pas un bon point de départ.
Avec quelques parlementaires et des universitaires, nous avons fait un petit travail. Nous avons interrogé cinquante grandes entreprises françaises en leur demandant leur carte de France. Nous avons sollicité les grandes centrales d’achat, des entreprises d’assurance, des banques et nous avons rassemblé cinquante cartes de France : les cartes de France de cinquante organisations qui font vivre notre économie. Nous avons porté chaque carte sur un calque et nous avons superposé ces cinquante calques, pour obtenir la carte de la France qui vit, la carte économique, la carte commerciale, la carte professionnelle, la carte sociale… Nous avons vu se dessiner une carte comportant huit à dix grandes régions et huit à dix métropoles. Cette carte n’est pas celle d’un modèle administratif, c’est celle d’une France qui vit.
La manière dont nous construisons, dans cet hémicycle, les futures métropoles, les futures régions, converge-t-elle vers les modèles d’organisation qu’ont déjà adoptés ceux qui ont la charge de faire vivre la France au plan économique ? Nous nous sommes aperçus que non. Non seulement nous n’observons pas une telle convergence, mais nous constatons que les présupposés ne sont pas les mêmes : sur ce projet, on est parti sur la simplification, la reconnaissance des métropoles, mais sans que se rencontrent la France telle qu’elle vit et la France que vous imaginez administrativement.
La grande erreur, c’est de ne pas avoir une approche d’aménagement du territoire, mais une approche technocratique, administrative, voire corporatiste.