Intervention de Fanélie Carrey-Conte

Séance en hémicycle du 19 décembre 2013 à 15h00
Réseaux de soins des mutuelles — Discussion d'une proposition de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFanélie Carrey-Conte, rapporteure de la commission des affaires sociales :

Rappelons ainsi que, sur la requête d’un adhérent mutualiste contestant le niveau de remboursement, la Cour de cassation avait, dans un arrêt rendu le 18 mars 2010, interdit à une mutuelle de pratiquer des modulations dans le niveau de prestation, selon que l’adhérent consulte, ou non, un praticien conventionné par cette mutuelle. Plusieurs mutuelles encourent, aujourd’hui encore, des condamnations pouvant intervenir à brève échéance. Une modification du code de la mutualité était donc nécessaire, afin de sécuriser juridiquement les réseaux de soins constitués par les mutuelles.

La volonté d’agir pour en finir avec cette inégalité n’était pas nouvelle. Il est même une époque où elle venait du côté droit de l’hémicycle, puisqu’une première proposition de loi avait été déposée en ce sens en 2010, cosignée par notre ancien collègue Yves Bur et par Jean-Pierre Door. Puis ce fut au tour de la proposition de loi dite Fourcade d’introduire une telle disposition, sans que la chose aboutisse, puisque le Conseil constitutionnel a considéré, comme vous vous le rappelez, qu’il s’agissait d’un cavalier législatif.

Au-delà de cette insécurité juridique pour les réseaux constitués par les mutuelles, la situation se caractérisait par le fait que les réseaux de soins existaient bien dans les faits, mais s’étaient développés depuis plus d’une dizaine d’années sans que ne soient posées les questions de l’encadrement de leur mode de fonctionnement, sans que soient fixés des principes de régulation de ces réseaux.

Qu’avons-nous fait face à cette situation ? Je vais, à ce stade, vous résumer le travail législatif réalisé par les deux assemblées. J’en profite pour saluer le travail remarquable effectué par mon collègue Yves Daudigny, rapporteur du texte au Sénat, et pour remercier Mme la ministre pour son soutien constant à toutes les étapes du processus.

Tout d’abord, nous avons inscrit à l’article 1er de la proposition de loi la modification du code de la mutualité qui permettra désormais aux mutuelles de mettre en place des remboursements différenciés, et donc de sécuriser leurs réseaux de soins. Cet article a été voté conforme par le Sénat.

Dans un deuxième article, ajouté en commission des affaires sociales lors de la première lecture à l’Assemblée, nous avons inscrit dans la loi les grands principes devant désormais encadrer le fonctionnement des réseaux, ainsi que leur périmètre. Un amendement porté par la présidente de la commission a exclu les médecins des conventionnements tarifaires dans les réseaux de soins.

Le Sénat a proposé une nouvelle rédaction globale de cet article. Il maintient les principes posés par l’Assemblée, notamment la liberté de choix du patient ou l’existence de critères objectifs, transparents et non discriminatoires de sélection des professionnels. Mais, au-delà, cette nouvelle rédaction vient, sans dénaturer les objectifs initiaux du texte, préciser un certain nombre de points importants.

Il a ainsi été décidé que les conventions conclues ne peuvent porter atteinte aux principes d’égalité et de proximité dans l’accès aux soins. Il a été ajouté le principe d’un conventionnement qui distingue, parmi les professionnels de santé, ceux pour lesquels la dépense de l’assurance maladie est majoritaire. Pour ces derniers, les conventions avec les organismes d’assurance maladie complémentaire ne pourront comporter de clauses tarifaires liées aux actes et prestations fixés par l’assurance maladie, ce qui signifie que les conventions comportant des clauses tarifaires ne concerneront que les soins prothétiques dentaires, la lunetterie et les audioprothèses.

Il a également été précisé que, pour les médecins, le niveau de remboursement par les organismes d’assurance maladie complémentaire ne pourra être modulé selon que le patient consulte ou non un médecin membre d’un réseau.

En outre, il a été décidé de limiter la possibilité de mettre en oeuvre des réseaux fermés au seul secteur de l’optique, au vu des problématiques spécifiques de cette profession, notamment d’un point de vue démographique.

Pour achever la récapitulation du travail législatif sur ce texte, rappelons que nous avions également, lors de la première lecture à l’Assemblée, ajouté un article 3 établissant une évaluation régulière de la pratique des réseaux de soins afin de mettre en place une démarche de suivi et de réajustement du fonctionnement des réseaux si nécessaire. Cet article a été modifié à la marge au Sénat.

Enfin, les sénateurs, pour rendre compte de la globalité et de tous les aspects du travail législatif ainsi accompli, ont modifié le titre de la proposition de loi.

Avant d’en venir à ma conclusion et à mon appréciation finale, je souhaite vous faire part de quelques commentaires autour des grands sujets de polémique qui ont pu intervenir autour de ce texte. On a dit beaucoup de choses fausses sur les réseaux de soins. Ainsi, ils feraient obstacle à la liberté du patient : rappelons une dernière fois que le principe de libre choix du patient a été réaffirmé pour qu’il soit écrit noir sur blanc dans le texte de loi. Les assurés restent libres de consulter les professionnels de leurs choix qu’ils soient ou non membres du réseau de leurs complémentaires. Ils seront remboursés dans tous les cas : mais, dans les réseaux, ils bénéficient de prestations supplémentaires.

Il a aussi été dit que les réseaux de soins mettraient en danger les professionnels de santé, et en particulier les opticiens. Cette idée est liée au fait que la proposition de loi dans sa version actuelle maintient une situation existante, celle qui veut qu’aujourd’hui des réseaux fermés, à numerus clausus, existent, et ce quasi exclusivement pour les opticiens. Nous y reviendrons dans le débat, mais cette situation s’explique par le seul fait de la démographie particulière de cette profession, qui n’est pas régulée. Dans certains territoires où les opticiens sont surnuméraires, le fait de pouvoir mettre en place des réseaux fermés permet de rendre ces réseaux attractifs pour les professionnels de santé, en leur garantissant un surcroît de clientèle. Cette situation n’a pas empêché, ces dernières années, l’augmentation du nombre de points de vente d’optique sur l’ensemble du territoire.

Enfin, les réseaux de soins nous conduiraient, prétendent certains, vers un modèle à l’américaine de privatisation du système de santé. Cette comparaison est malhonnête car, dans le système américain, il n’y a pas de couverture santé universelle comme c’est le cas en France, et le rôle des assurances est en outre dérégulé. Avec ce texte, nous faisons précisément l’inverse : nous encadrons le rôle de régulation que peuvent jouer les complémentaires pour faire baisser le reste à charge.

Sur ce dernier point, je rappelle que ce texte ne prétend pas, à lui seul, définir les contours d’une politique de santé dans sa globalité, ni apporter une réponse exhaustive aux inégalités d’accès aux soins : les réseaux de soins constituent un outil parmi d’autres pour l’amélioration de cet accès aux soins. Mme la ministre a rappelé le chemin parcouru depuis un an, en citant un certain nombre d’éléments de cette politique globale de santé mise en oeuvre depuis l’année dernière, que ce soit autour de la stratégie nationale de santé ou concernant les rapports entre assurance maladie obligatoire et assurance maladie complémentaire, à propos desquels nous avons voté des mesures importantes dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 : la régulation et la refonte des contrats responsables, l’évolution de la fiscalité liée ou encore l’encadrement des garanties complémentaires à destination des personnes pouvant bénéficier de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé.

J’en viens donc à ma conclusion, et j’inviterai l’ensemble des parlementaires à s’intéresser aux effets concrets de leur vote.

Ne pas voter cette proposition de loi, c’est accepter l’inégalité de traitement entre les organismes complémentaires, et l’absence de cadre de régulation et d’encadrement pour les réseaux de soins.

Voter cette proposition de loi, c’est mettre fin à l’insécurité que rencontrent les mutuelles et à l’inégalité de traitement entre les différents organismes complémentaires tout en définissant un cadre juridique satisfaisant et équilibré pour le fonctionnement de l’ensemble des réseaux de soins – ce qui n’avait jamais été fait au préalable – ainsi que pour leur évaluation, la détermination de leur périmètre et de leur champ.

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