Intervention de Marie-Christine Dalloz

Séance en hémicycle du 19 décembre 2013 à 15h00
Réseaux de soins des mutuelles — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Christine Dalloz :

Cet article va mettre en difficulté notre filière française de la lunetterie, sans pour autant aider le consommateur, et en augmentant les risques de baisse de la qualité. Nous sommes dans un jeu perdant à 100 %.

J’en arrive enfin au texte du jour. Rappelons-le, il ne visait au départ qu’à autoriser les mutuelles à pratiquer des modulations des prestations servies à leurs adhérents si ces derniers recouraient à un professionnel, un service ou un établissement de santé membre d’un de leurs réseaux de soins, les fameux et bien nommés circuits fermés.

Très substantiellement modifié, il instaure désormais une différenciation entre les professions médicales suivant qu’elles bénéficient ou non d’un remboursement majoritaire de l’assurance maladie, et fait, au sein de cette différenciation, un sort particulier aux seuls opticiens. C’est tout simplement inacceptable et aberrant.

Parce que l’assurance maladie se désengage, à tort, de l’optique – comme l’a très justement souligné le denier rapport de la Cour des comptes –, faudrait-il donc que les opticiens et les lunetiers soient pénalisés, outre les patients et consommateurs qui perdront le libre choix de leur professionnel de santé ?

La santé n’a pas de prix, mais elle a incontestablement un coût, qui ne peut être supporté exclusivement par les professionnels de santé. Je vous cite quelques éléments de réflexion relatifs au régime obligatoire : les tarifs de référence pour l’optique n’y ont pas été réévalués depuis plus de vingt ans ; les montants pris en charge par l’assurance maladie y sont de 12,5 fois inférieurs à la consommation globale des produits d’optique ; les taux de remboursement des produits relevant de la liste des produits et prestations établie par l’assurance maladie y ont été ramenés à 60 % ; enfin, les lunettes relèvent d’une TVA à 19,6 % qui passera à 20 % au 1erjanvier prochain, alors même qu’il s’agit de dispositifs médicaux.

Je me permets de vous rappeler quelques éléments généraux autour de cette proposition de loi.

Tout d’abord, il convient de noter que le conventionnement en lui-même ne porte pas atteinte au code de la mutualité : c’est bien la modulation des remboursements qui a été remise en cause par un arrêt de la Cour de cassation du 18 mars 2010. Le conventionnement est tout à fait légitime s’il permet d’obtenir des tarifs plus avantageux pour les assurés, mais il ne doit en aucun cas porter atteinte au droit du patient à choisir librement son praticien et son établissement de santé, droit érigé en principe fondamental de la législation sanitaire par le code de la santé publique. Suite à ce texte, les assurés seront pour la plupart contraints de faire le choix le moins onéreux.

Ce texte n’est pas du tout anodin, ainsi qu’on a tenté de nous le faire croire. En effet, il modifie profondément les règles de la prise en charge des patients dans notre pays. Il n’y aura plus guère de contrôle possible sur les conditions de tarification des réseaux, notamment sur les engagements de qualité et les conditions des contrôles. La procédure de mise sur le marché des dispositifs médicaux ne permet pas de contrôle a priori. Le danger est donc réel de favoriser l’importation de produits low cost potentiellement dangereux pour la santé, madame la ministre.

Les entreprises nationales qui fabriquent des dispositifs médicaux et investissent fortement en recherche et développement risquent de voir leurs produits de plus en plus contrefaits à coût évidemment cassé. Si c’est cela que vous souhaitez, vous l’obtiendrez.

Quel gain en espérez-vous ? Éventuellement des fermetures d’entreprises, des délocalisations, de nouvelles destructions d’emplois – au point où nous en sommes – et une perte irrémédiable de nos savoir-faire. Par ailleurs, il paraît utile de le rappeler, la qualité et la sécurité des soins relèvent avant tout des pouvoirs publics, qui en sont les responsables exclusifs.

Partant de ces constats, je tiens à souligner quelques points qui portent à croire que ce texte est clairement inconstitutionnel. Tout d’abord, il engendre une rupture d’égalité devant la loi entre les mutuelles et les autres organismes complémentaires d’assurance maladie.

Le texte de cette proposition de loi se donne pour but de « faciliter l’accès à des soins de qualité pour le plus grand nombre ».

Son article 1er, totalement réécrit en première lecture, met au même niveau les mutuelles, d’une part, et les institutions de prévoyance et assureurs privés d’autre part.

En effet, aujourd’hui, les premières ne peuvent avoir recours à aucune modulation, le code de la mutualité l’interdisant expressément, alors que les seconds peuvent librement constituer des réseaux de soins et moduler leurs tarifs.

En somme, il s’agit d’une nouvelle tentative, tout à fait inconstitutionnelle, d’égalitarisme. En effet, l’égalité devant la loi est un principe à valeur constitutionnelle, affirmé tant à l’article 1er de la Constitution, qui garantit l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion, qu’à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, aux termes duquel la loi doit être la même pour tous.

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