Intervention de Didier Quentin

Réunion du 18 décembre 2013 à 16h15
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Quentin, co-rapporteur :

Nous vous proposons cet après-midi de dresser, à la veille du Conseil européen des 19 et 20 décembre, un deuxième bilan d'étape du chantier de l'approfondissement de l'Union économique et monétaire.

Force est de constater que l'état d'avancement des quatre volets de l'UEM définis par le président Herman Van Rompuy en décembre 2012 est inégal. Alors que le volet bancaire progresse rapidement, la coordination des politiques économiques s'avère plus poussive et l'union budgétaire et politique semble même faire du sur-place.

Commençons par le chantier le plus abouti, celui de l'union bancaire, et plus particulièrement son premier pilier, qui est le mécanisme de supervision unique.

Celui-ci devrait être effectif le 4 novembre 2014, c'est-à-dire dans moins d'un an. Les règlements créant le mécanisme européen de supervision ont en effet finalement été adoptés en octobre dernier, après l'obtention, par le Parlement européen, d'un droit de veto sur la nomination du président du Comité de surveillance de l'autorité de supervision et de pouvoirs de contrôle approfondi sur cette procédure de nomination. Le Parlement européen a d'ailleurs approuvé, le 11 décembre dernier, la nomination de Mme Danièle NOUY, secrétaire générale de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, comme présidente du Comité de surveillance. Cette nomination a été entérinée par le Conseil avant-hier, le 16 décembre.

Le nouveau mécanisme européen de supervision, que nous avons abordé en détail dans notre précédent rapport d'étape, va couvrir 6 000 banques européennes, dont 128 – les plus importantes – feront l'objet d'une supervision directe de la part de la Banque centrale européenne (BCE). Cette dernière couvrira ainsi 85 % des actifs bancaires de la zone euro, 95 % du marché bancaire français et 75 % du marché allemand.

Les enjeux de la mise en place effective de ce mécanisme sont lourds.

Il s'agit tout d'abord, pour la Banque centrale européenne, de relever un défi fonctionnel. Il lui revient en effet de développer dans un délai rapide une expertise qu'elle ne possède pas actuellement. Cela suppose de nombreuses embauches – un ordre de grandeur de 800 personnes a été avancé de manière informelle – ainsi que des relations soutenues avec les autorités nationales de supervision.

La mise en place du mécanisme de supervision unique va également conduire à une harmonisation des méthodes de contrôle. À cet égard, il est essentiel que cette harmonisation se fassent par le haut, c'est-à-dire qu'elle privilégie un contrôle de fond à un simple contrôle de forme.

Le mécanisme unique va par ailleurs faire évoluer la nature des relations entre superviseur et supervisé. La proximité sera certainement moins grande qu'aujourd'hui, ce qui devrait assurer une plus grande indépendance. Pour autant, il faudra que les nouvelles équipes évitent l'écueil d'un mode de supervision trop abstrait, ne tenant pas compte des spécificités nationales, et qu'elles mènent des contrôles sur place.

Mais le principal enjeu aujourd'hui, c'est celui de l'évaluation du bilan et du profil de risques des banques, qui doit être menée avant l'entrée en vigueur effective du mécanisme de supervision.

Cette « opération-vérité » sur les bilans des banques est essentielle. Elle doit en effet permettre une plus grande transparence et restaurer la confiance dans la solidité des banques de la zone euro et la qualité de leur bilan. Elle devrait ainsi contribuer à « dégripper », si je peux employer cette expression de garagiste, l'atonie actuelle du secteur bancaire, qui résulte notamment du fait que les banques ne se prêtent plus entre elles car elles ne savent pas ce qu'il y a derrière.

L'exercice doit être conduit par la BCE, en lien avec l'Autorité bancaire européenne pour les tests de résistance. L'enjeu est de taille pour les deux institutions. La Banque centrale européenne doit en effet asseoir sa crédibilité tandis que l'Autorité bancaire européenne doit faire oublier les ratés des précédents tests de résistance qu'elle avait conduits et qui n'avaient pas permis de détecter les faiblesses des banques irlandaises et espagnoles.

Le 23 octobre dernier, la BCE a présenté les modalités de cet exercice inédit de par son ampleur. 128 établissements devraient être concernés, dont 24 en Allemagne et 13 en France. On y trouve bien sûr les 4 grandes banques françaises, mais aussi PSA Finance et la Caisse de refinancement de l'habitat.

Les avis émis régulièrement par la Banque de France laissent penser que l'évaluation des actifs ne devrait pas poser de problème. Le président de la BCE avait lui-même indiqué, lors de son audition le 26 juin dernier, que l'exercice ne devrait pas révéler de faille fondamentale en Europe, et en particulier en France. Acceptons en l'augure.

Pour autant, les résultats de la revue des actifs et surtout des tests de résistance, et par conséquent, les besoins en fonds propres qui pourraient en découler, vont dépendre des hypothèses retenues pour mener ces exercices, en particulier dans l'appréciation des portefeuilles immobiliers et des dettes souveraines. Le curseur devra ainsi être fixé de manière subtile pour garantir la confiance des marchés financiers tout en ne mettant pas en difficulté certains États.

Au total, il devrait être davantage question de renforcement de fonds propres que de mise en résolution à proprement parler.

Le Conseil a défini, le 15 novembre dernier, les règles qui présideraient aux processus de recapitalisation. Les banques devront d'abord augmenter leurs fonds propres. Si cela ne suffit pas, les fonds de résolution et mécanismes de soutien public nationaux interviendront avant une éventuelle mobilisation du Mécanisme européen de stabilité, sous forme de prêt ou bien dans le cadre de son dispositif de recapitalisation directe de 60 milliards d'euros, qui n'est toutefois pas encore complètement finalisé.

Au total, même si des inconnues subsistent, le nouveau mécanisme de supervision semble sur de bons rails. Il doit toutefois être complété par un mécanisme de résolution unique, dont les négociations sont difficiles.

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