Ce projet suscite aussi doutes et interrogations chez les élus et les acteurs économiques. Votre excellent travail, monsieur le député, comporte des avancées, notamment l'abandon du PPP, l'intermodalité et le renoncement à des plateformes trop rapprochées. Il marque donc le retour à la rationalité.
Toutefois, je regrette le ton un peu incantatoire sur la croissance que le projet devrait insuffler, le nombre d'emplois qu'il devrait créer, le transfert modal qu'il provoquerait. Je n'ai pas trouvé de réponses au rapport de l'IGF et du CGED selon lequel « Les prévisions de trafic et donc de recettes doivent être revues à la baisse [car] les risques résultant d'évolutions significatives du potentiel transportable n'ont pas été pris en compte par VNF ; […] la concentration des financements européens sur le projet SNE provoquerait un effet d'éviction sur d'autres projets français ». Il suggérait de mieux utiliser le canal du Nord dont le fonctionnement pouvait être amélioré. Ainsi, le rapport mettait en cause l'opportunité même du projet et insistait sur son caractère irréaliste. Votre rapport tente d'éviter l'obstacle mais quand l'enjeu porte sur 4,5 milliards d'euros, on ne peut pas se contenter d'invoquer le volontarisme et l'intérêt de certains acteurs pour le projet. Nous devons prendre en considération toutes les conséquences.
Le projet reconfiguré conserve les mêmes caractéristiques techniques – le gabarit Vb est maintenu – tandis que le reste du réseau au Nord et au Sud n'est accessible qu'à des convois de 3 000 tonnes. Ainsi, cet équipement, présenté comme le « chaînon manquant » du réseau européen serait relié à des voies navigables de gabarit plus petit où les ouvrages d'art ne permettent pas de superposer les conteneurs. Il faudrait donc transborder à l'entrée et à la sortie, selon une logique qui n'est pas sans rappeler celle des Shadoks, à moins de programmer le passage au grand gabarit de la vallée de l'Oise, de la traversée de Compiègne, du réseau fluvial au nord de Marquion, à quoi s'ajouteraient les aménagements de la vallée de la Seine. Vous l'écrivez d'ailleurs entre les lignes : « Ce développement économique se fera dans le temps. » Je vois l'intérêt de conserver la même DUP et de postuler aux fonds européens dans l'urgence. Mais pourquoi ce tronçon central à 4 400 tonnes si le reste du réseau n'est pas au même gabarit ? Et quelle serait la facture totale d'une telle harmonisation ?
Deuxièmement, vous indiquez la possibilité d'un cofinancement à hauteur de 40 % par l'Union européenne. Si le projet de canal Seine-Nord atteint effectivement ce taux d'intervention de l'Europe, quels sont les autres projets qui seront évincés ?
Enfin, les ports du Havre et de Rouen sont peu présents dans votre rapport. Ce sont pourtant les portes d'entrée naturelles du Bassin parisien. Pourquoi les collectivités françaises devraient-elles cofinancer à la même hauteur que l'État l'hinterland d'Anvers et de Rotterdam ?