Intervention de Jean-Luc Hees

Réunion du 18 décembre 2013 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Jean-Luc Hees, président-directeur général de Radio France :

Nous avons effectivement fêté hier soir le 50ème anniversaire de l'inauguration de la Maison de la Radio par le Général de Gaulle.

Il est toujours étonnant de rendre compte d'un exercice à la fin de l'année suivante, mais, pour une fois, cela me rend service car en 2012 le groupe a retrouvé la forte audience qu'il avait connue en 2003. Cela dit, ma fonction m'a appris l'humilité et je sais que la radio n'est pas une science exacte et qu'il convient sans cesse de rééquilibrer les nombreuses antennes du groupe.

Dans le contexte que nous connaissons, nous sommes tous amenés à traverser des périodes difficiles sur le plan financier. Nous avons élaboré le contrat d'objectifs et de moyens en considérant que dans une période difficile comme celle que nous traversons, la maison devait produire davantage et continuer à se développer, faute de quoi elle ne pourrait mener à bien sa mission. Au cours de l'année 2012, Radio France a particulièrement honoré ses engagements, tant sur le plan financier qu'en termes d'emploi et d'audience.

En plus des contraintes budgétaires, la maison doit faire face à des contraintes propres à son histoire puisqu'elle fait actuellement l'objet d'un gigantesque chantier de réhabilitation qui arrivera à son terme, si tout se passe bien, à la fin de l'année 2016. Ces travaux compliquent la vie de l'entreprise et agissent sur l'humeur des personnels, mais nous sommes convaincus que cette réhabilitation, qui était indispensable pour des raisons de sécurité, est une chance inouïe pour l'avenir de notre maison et une formidable opportunité pour les cinquante prochaines années.

Mon métier de base étant l'antenne et l'information, je vous présenterai tout d'abord les différentes antennes qui constituent Radio France, en commençant par France Inter.

L'année 2012 a été une année faste pour cette radio puisqu'elle a retrouvé le niveau qu'elle avait atteint il y a une dizaine d'années. Ce résultat est lié à l'élection présidentielle et qui a amené France Inter et France Info à couvrir plus étroitement la vie politique. Mais lorsque cette actualité intense a cessé, nous avons dû nous adapter à un contexte différent.

Faire de la radio, c'est s'intéresser aux personnes qui font vivre les antennes pour essayer de comprendre, collectivement, ce qui se passe dans la société française et nous en rapprocher le plus possible. Ce n'est pas une science exacte. Depuis le début de l'année 2013, nous poursuivons notre objectif pour être en résonance avec l'humeur du pays et son état d'esprit. Ce n'est pas toujours aisé et nous sommes parfois stressés d'apprendre que notre radio a fait l'objet de mauvais sondages, mais nous faisons un métier passionnant. Quoi qu'il en soit, je suis très optimiste, à court terme, pour France Inter.

Le cas de France Info est plus complexe car notre époque étant en perpétuelle évolution, les chaînes d'information doivent adopter des stratégies à court terme. Lorsque j'ai pris mes fonctions, France Info perdait des auditeurs du fait du développement de nouveaux outils comme le smartphone, qui rend compte de façon immédiate de tout ce qui se passe sur la planète. Ces évolutions nous obligent à mener une réflexion permanente. Lorsque l'actualité est riche, la station d'information se porte bien, mais ce n'est plus le cas dès lors que l'information devient plus « normale ». J'ai demandé aux personnels et aux journalistes de France Info d'apporter une valeur ajoutée à leurs contenus. C'est un défi qu'ils doivent relever en permanence. Je salue leur courage et leur engagement.

Il faut tout de même savoir qu'avec 8 points d'audience, France Info réalise une audience au moins deux fois supérieure à celle des radios d'information continue en Angleterre ou aux États-Unis. Je tiens à saluer cette performance, même si nous avons tous l'obsession des sondages, qui sont l'une des composantes de notre mission de service public. Sachant que les contribuables investissent chaque année plusieurs centaines de millions d'euros dans Radio France, nous nous attachons à obtenir les meilleurs résultats possibles.

France Bleu est pour nous un sujet de satisfaction, une mission de service public et un axe de développement très important. Ses 44 stations représentent une véritable puissance de feu. Sa bonne gestion et la clarté de ses objectifs permettent de motiver les troupes et d'obtenir de bons résultats. Nos concurrents des radios généralistes regardent avec beaucoup d'intérêt le développement du réseau de France Bleu. Je vous rappelle qu'une convention signée avec l'État garantit à Radio France l'utilisation de deux réseaux prioritaires en cas de difficultés majeures qui surviendraient dans notre pays : France Inter, grâce à l'émetteur d'Allouis, et France Bleu, pour laquelle je réclame un maillage absolument étanche. Malgré un certain nombre de difficultés et avec l'aide de quelques élus, que je remercie, nous avons réussi à renforcer ce maillage en ouvrant trois nouvelles stations, mais France Bleu ne couvre à ce jour que 80 % du territoire français. Or, 100 % des contribuables paient leurs impôts et ont droit, à ce titre, de bénéficier des services publics. Je milite pour ce maillage et regrette que certains déclarent, de façon désordonnée, vouloir octroyer plus de fréquences à des radios privées.

France Culture se porte à merveille, pourtant cette radio n'a pas été créée pour dépasser le million d'auditeurs par jour… Je remercie les journalistes pour la qualité du travail qu'ils effectuent au sein de cette antenne qui s'autogère et qu'ils ont su rendre accessible. L'image de France Culture s'est ainsi modifiée ces dernières années.

Quant à France Musique, elle est en compétition permanente avec une autre radio, que j'apprécie également beaucoup. Notre antenne est moins bavarde. Nous ne voulons pas non plus faire de France Musique un robinet à tubes du classique mais une chaîne au service de la musique, dans le respect de notre mission pédagogique et de promotion des quatre grandes formations musicales de Radio France – l'Orchestre philharmonique de Radio France, l'Orchestre national de France, le Choeur et la Maîtrise de Radio France. France Musique respecte une sorte d'intégrité artistique.

J'en viens au Mouv' qui, bien que tout aussi prometteur, obtient des résultats plus aléatoires. C'est un chantier extrêmement difficile – que je n'ai pas gagné, certes, mais que je n'abandonnerai jamais car il représente le plus beau projet politique de Radio France. Cette antenne, j'en conviens, a connu une meilleure audience. Nous aurions pu diffuser uniquement du rap pour satisfaire une clientèle très ciblée, mais cela ne correspondait pas à l'idée que je me faisais de ce projet.

Il y avait plusieurs façons de traiter ce problème. La première consistait à laisser s'écouler un robinet à musique, mais ce n'est pas ce dont les jeunes ont besoin aujourd'hui puisqu'ils ont accès à toute la musique qu'ils souhaitent. En outre, ce n'est pas une mission de service public. La seconde façon consistait à fermer l'antenne en déclarant, pour masquer notre échec, que nous n'avions pas « rencontré notre public ».

Je ne vous mentirai pas, je n'ai pas réussi à faire du Mouv' une machine à auditeurs. Mais je peux vous rassurer sur un point : un auditeur du Mouv' ne coûte que 0,58 euro par an, soit cinq à six fois moins qu'un auditeur de France Culture. Nous ne pouvons pas reprocher aux jeunes de ne pas lire, de ne pas s'intéresser à l'information ou au théâtre, voire de ne pas voter, si nous ne nous occupons pas d'eux. N'abandonnons pas le Mouv', mais analysons nos échecs et essayons à nouveau de le faire vivre.

Nous avons aussi engagé une révolution numérique qui aura un impact sur notre gestion dans les années qui viennent. Nous devons donc veiller à ne pas nous tromper dans nos investissements. Or, le Mouv' s'adresse à une génération totalement digitale. J'en ai longuement discuté avec le directeur des nouveaux médias du groupe, auquel je rends hommage pour ses innombrables idées qui nous ont beaucoup fait avancer. Le numérique n'est pas uniquement une technologie, c'est une façon de vivre et c'est celle de la génération que nous cherchons à atteindre. Cela étant, le Mouv', qui ne dispose que de 32 fréquences, reste une antenne de radio et n'est en aucun cas une web radio.

La nouvelle grille du Mouv' sera mise en place le 6 janvier prochain. Je vous demande instamment, mesdames et messieurs les députés, d'écouter, ne serait-ce qu'une heure, cette antenne de grande qualité. Nos personnels, qui se sont énormément investis pour parvenir à ce résultat, méritent d'obtenir enfin un sondage satisfaisant. Je vous demande de ne pas abandonner le Mouv' et de faire confiance à Radio France.

J'en terminerai avec FIP. Voilà une station qui, après 40 ans d'existence, se porte très bien et dont l'audience poursuit sa progression, notamment à Paris. C'est un magnifique objet radiophonique dont nous sommes très fiers.

Le Président de la République, qui nous a fait l'honneur de nous rendre visite à l'occasion du 50ème anniversaire de la Maison de la radio, a constaté que notre maison était également dédiée à la musique. Les musiciens professionnels, auxquels je rends hommage, représentent 10 % du personnel de Radio France. Nous ne pouvons imaginer cette maison sans son activité musicale d'excellence. Je vous invite à venir dans quelques mois visiter nos nouveaux studios, dont le studio 104 qui sera doté d'une acoustique exceptionnelle. Quant à l'auditorium de Radio France, réservé à la musique symphonique, il sera inauguré le 14 novembre prochain à 20 heures.

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