Intervention de Fleur Pellerin

Réunion du 1er octobre 2013 à 17h15
Commission des affaires économiques

Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique :

Si tel est le cas, je répondrai en même temps à la question de M. Fasquelle.

Je me suis assez longuement entretenue de cette question la semaine dernière avec mes homologues, qui semblent reconnaître assez universellement le bien-fondé des objectifs Mme Kroes – rattraper le retard de l'Europe en matière d'infrastructures 4G et de très haut débit fixe, relancer l'investissement des opérateurs et faire en sorte que ces derniers puissent concurrencer les grands opérateurs américains ou chinois.

En revanche, les solutions ou les instruments préconisés par la commissaire européenne pour obtenir ce résultat sont loin de faire l'unanimité parmi mes homologues. Nous sommes en effet dubitatifs lorsqu'on nous explique qu'il faut à la fois relancer l'investissement et réduire à zéro les frais de roaming. À quelques dispositions près, ce projet soumis aux parlements dans la hâte est loin de recueillir tous les suffrages, tant sur le fond que sur la méthode. La Grande-Bretagne a du reste émis sur ce projet de règlement une opinion assez critique et la position vers laquelle on s'oriente consistera sans doute à évoquer les sujets numériques sans réguler davantage le secteur des télécoms, au motif que quinze années de régulation n'ont pas produit de résultats à la hauteur des ambitions que l'on concevait voilà une dizaine d'années en la matière. Il conviendra donc de se donner plus de temps pour appliquer les derniers règlements et la dernière directive relative au prix de l'itinérance, sans voter dans la précipitation un texte de régulation des télécoms avant d'en avoir mesuré les conséquences sur le marché des télécommunications. Cette position de prudence sera probablement partagée par la plupart des autres grands pays avec lesquels nous avons échangé sur ces sujets.

Le Conseil européen de la fin de ce mois abordera bien évidemment d'autres questions, comme la fiscalité, la protection des données et la neutralité de l'Internet. Comme l'exprime un document diffusé à l'ensemble de nos partenaires européens, nous souhaitons promouvoir une réflexion sur la neutralité des plates-formes. De fait, au-delà de la neutralité des réseaux, les acteurs bénéficiant d'une position dominante dans les magasins d'application, les plates-formes de contenus vidéo ou les moteurs de recherche, tels qu'Apple, utilisent cette position dominante pour exercer ce qui est quasiment un droit de vie et de mort sur certains acteurs économiques latéraux ou dépendants de cette plate-forme pour exister ou avoir un modèle économique.

Cette situation heurte jusqu'aux plus libéraux de nos homologues et les Britanniques eux-mêmes sont disposés à ouvrir une véritable réflexion sur la neutralité de plates-formes. Dès lors qu'un opérateur occupe 98 % du marché et qu'il est indispensable de recourir à ses services pour accéder à d'autres services ou informations, cet opérateur devrait être tenu à certaines obligations. Une telle réflexion a vocation à prospérer.

Nous demandons également une révision du safe harbour, l'accord que nous avons conclu avec les États-Unis pour le transfert de données – je n'insisterai pas sur les raisons qui rendent opportune une telle révision. La dépendance dans laquelle nous nous trouvons vis-à-vis d'acteurs américains – et, dans une moindre mesure, asiatiques – est l'effet collatéral ou le symptôme d'une maladie : notre incapacité à créer une économie numérique performante en Europe. Nous n'aurions pas ces problèmes si nous avions su traiter cette question.

Pour ce qui concerne le haut débit de mauvaise qualité évoqué par M. Fasquelle et par Mmes Abeille et Dubié – et dont j'ai moi-même fait l'expérience jusqu'à une date assez récente –, le conventionnement doit définir avec les collectivités les zones qui doivent être couvertes en priorité par le très haut débit. Il revient donc aux collectivités de cibler les zones dépourvues d'un haut débit de qualité. L'objectif, je le rappelle, est un haut débit de qualité à l'horizon de cinq ans et le très haut débit à l'horizon de dix ans – car il serait inacceptable de demander tout simplement à certains de nos concitoyens d'attendre dix ans l'installation de la fibre. C'est également la raison de notre pragmatisme en matière de mix technologique, même si la fibre optique reste la technologie à privilégier.

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