La gestion des brouillages aux frontières sera un point important des discussions que nous mènerons à propos de l'affectation de la bande des 700 MHz. Le dispositif de réception par satellite mis en place dans la Manche, où un brouillage se produisait les jours de beau temps, semble donner satisfaction. Si cependant certaines zones connaissaient des problèmes particuliers, nous pourrions bien évidemment les évoquer dans un cadre bilatéral.
Quant à la taxe sur l'excédent brut d'exploitation (EBE), elle a en effet un impact assez fort sur le secteur des télécommunications, comme du reste sur toutes les entreprises de réseau, dont EDF. Le secteur des télécommunications est déjà touché par une surfiscalité importante, de l'ordre de 900 millions d'euros, par rapport à d'autres entreprises. Je tiens donc – et c'est du reste un engagement du Président de la République – à ne pas augmenter la fiscalité affectée, c'est-à-dire prélevée sur le secteur des télécoms et affectée à d'autres secteurs, car elle ne correspond aujourd'hui à aucune logique économique. Au demeurant, s'il est vrai qu'un contribuable est assez fortement impacté par le projet de taxe sur l'EBE à un taux de 1 %, il est également vrai qu'il a aussi subi l'impact très positif du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE). Nous réfléchissons parallèlement à la manière dont nous pourrions réduire d'autres formes de surfiscalité touchant le secteur des télécoms, comme la taxe Copé ou la taxe sur les services de télévision (TST), afin d'éviter d'alourdir la charge fiscale pesant sur les opérateurs de télécommunications à un moment où leur sont demandés d'énormes investissements d'infrastructures supposant qu'ils disposent de marges suffisantes. Cette taxe sera, en tout état de cause, discutée dans les jours ou les semaines qui viennent.
Madame Dubié, si nous avons renoncé à créer un opérateur unique – un « France fibre » –, nous avons modélisé, en commençant à travailler sur le déploiement du très haut débit, tous les scénarios. Celui qui consistait à scinder France Telecom en deux en séparant les infrastructures, comme cela a été fait pour ERDF ou RFF, aurait tout d'abord posé à l'entreprise d'importants problèmes sociaux liés à la gestion du changement. Surtout, ce modèle économique ne permettait pas de couvrir l'ensemble du territoire, car il n'était rentable que jusqu'à une couverture de 60 % à 70 %. En outre, certaines collectivités, comme l'Auvergne ou la Bretagne, étaient déjà assez largement engagées dans des projets qu'il aurait été difficile d'interrompre brutalement pour recommencer à zéro.
Nous avons donc préféré reprendre le cadre existant en limitant ce qui nous paraissait être des zones de faiblesse ou d'incertitude pour les collectivités, en renforçant les obligations des opérateurs et en assurant un financement pérenne sur toute la durée du plan. Celui-ci représente aujourd'hui un montant d'environ 20 milliards d'euros, dont un tiers financé par les opérateurs, un autre tiers avancé par les collectivités avant d'être remboursé par les opérateurs lorsque les activités seront devenues rentables et un troisième tiers constitué, pour couvrir ce qui n'est pas rentable, de subventions publiques. Ce dernier tiers, d'un montant de l'ordre de 6 milliards d'euros, sera partagé entre les collectivités et l'État, lequel apportera donc 3,3 milliards d'euros dont le financement est déjà précisément connu : il sera assuré par un résidu d'environ 900 millions d'euros du Fonds pour la société numérique, permettant d'engager les premiers réseaux d'initiative publique et les premiers schémas de déploiement puis, au moyen d'un véhicule financier qui reste à déterminer – budget de l'État, Caisse des dépôts ou Commissariat général à l'investissement –, par l'affectation des redevances liées à l'utilisation de la bande de fréquences des 1 800 MHz, payées aujourd'hui par Bouygues Telecom, au fonds destiné à financer la péréquation dans les zones les moins denses ou les moins rentables, soit 2,6 ou 2,7 milliards d'euros sur les dix prochaines années.
Pour ce qui est de savoir si l'accès au très haut débit mobile deviendra un substitut au très haut débit fixe, il est vrai que certaines zones seront couvertes par la 4G avant de l'être par la fibre et que le très haut débit mobile, qui offre un confort excellent, peut représenter une solution transitoire. Il ne peut cependant s'agir que d'une solution transitoire et l'État doit veiller à financer principalement des investissements visant à terme à apporter la fibre jusqu'à l'habitant. La partie du financement de la montée en débit sur le réseau cuivre, évoquée tout à l'heure, qui pourrait le cas échéant être financée grâce à des subventions de l'État, se limite à des investissements réutilisables ultérieurement pour tirer la fibre jusque chez l'habitant. Nous avons donc veillé à privilégier une technologie, même si le pragmatisme nous interdit de refuser à nos concitoyens l'accès à un haut débit de qualité dans l'attente du déploiement de la fibre.
Quant à savoir, madame Abeille, s'il faut privilégier Internet plutôt que la télévision, les usages évoluent et un nombre croissant de personnes – 55 % des usagers aujourd'hui – regardent la télévision par Internet. Il nous faut veiller à préserver pour nos concitoyens, au moins jusqu'à ce que les usages aient évolué, la capacité à regarder gratuitement la télévision sans abonnement. C'est là un scénario que nous avons envisagé, tout comme le renouvellement du parc d'équipement : tout cela se séquence dans le temps. L'expérience réussie de la gestion du premier dividende numérique, pour lequel le parc d'équipement a été renouvelé sur dix ans, avec trois ans de montée en charge et sept ans jusqu'à la disparition des anciennes normes, nous laisse penser que nous saurons assez bien gérer aussi la rotation du parc liée au deuxième dividende.
Quant au fait que les investissements iraient en priorité aux zones denses, c'est aux collectivités territoriales qu'il appartient de désigner, dans leurs schémas de déploiement et dans les conventions qu'elles passent avec les opérateurs, au besoin sous le regard de l'État, les zones qui ont besoin d'être équipées en priorité, avant les zones denses des centres-villes déjà bien couvertes en ADSL.