Intervention de Fleur Pellerin

Réunion du 1er octobre 2013 à 17h15
Commission des affaires économiques

Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique :

Il conviendrait en effet que cette démarche soit généralisée.

La France a inscrit la fiscalité numérique à l'ordre du jour de plusieurs sommets internationaux et la mettra à nouveau sur la table des discussions de la prochaine réunion du Conseil européen. Les travaux ont bien avancé dans le cadre de l'OCDE sur les moyens permettant d'imposer un établissement stable et virtuel aux entreprises dont seul le siège est établi dans des pays à fiscalité avantageuse. Nous devons avancer d'une manière consensuelle au sein de l'OCDE, mais cette démarche est difficile, car les États-Unis préfèrent souvent des solutions nationales pour rapatrier sur le territoire américain des liquidités des principaux opérateurs et assurer une fiscalisation des entreprises américaines sur le territoire américain. Les États-Unis se montreront donc moins désireux de voir aboutir ces discussions au sein de l'OCDE.

L'Europe a donc un rôle majeur à jouer et doit continuer à réfléchir à des actions telles que la directive relative à une assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS), afin de définir – en fonction par exemple des bénéfices, du chiffre d'affaires ou du nombre d'utilisateurs – une assiette taxable pour les opérateurs présents sur le territoire de l'Union et une clé de répartition entre les pays. C'est là une piste activement explorée par la Commission européenne comme par les États membres, qui souhaitent que ce dossier progresse.

Madame Got, la suppression des frais d'itinérance ne me semble pas être la meilleure idée, notamment parce qu'il serait d'abord préférable d'attendre que soit pleinement appliquée la récente directive européenne qui a fortement encadré les tarifs de l'itinérance au sein de l'Union européenne. En outre, cette mesure serait de nature à diminuer les capacités d'investissement des opérateurs à un moment où elles sont très sollicitées. Nous avons intérêt à développer nos infrastructures sensibles avant que ce déploiement soit le théâtre d'une concurrence trop forte – je pense par exemple à une société du Kansas qui, après avoir posé de la fibre dans cet État américain, envisage d'étendre ses activités au reste du monde. Mieux vaut donc que les opérateurs européens disposent des marges d'investissement leur permettant d'installer nos réseaux, avant que des entreprises over the top ne s'en chargent.

L'intervention de ces gros acteurs pose une question de régulation, car ces entreprises sont devenues une sorte de passage obligé de l'accès aux services ou à l'information, ce qui devrait leur imposer aussi des obligations. Nous sommes en train d'en convaincre progressivement nos homologues européens.

Monsieur Pupponi, vous avez évoqué des relations parfois difficiles avec les opérateurs. N'hésitez pas à nous informer des situations concrètes et précises que vous pourriez rencontrer, afin que nous puissions faire passer le message. J'espère cependant que ce n'est pas une situation universelle et qu'elle tient seulement au fait que vous ayez pu avoir affaire à de mauvais interlocuteurs.

En cas de défaillance constatée de l'opérateur au regard des engagements pris dans le cadre des conventions, comme il semble que cela se soit produit dans votre circonscription, les collectivités territoriales pourront reprendre la main sur le déploiement des réseaux. C'est là une demande formulée par les collectivités et à laquelle il sera donné suite dans le cadre d'une nouvelle convention-type.

Madame Bonneton le déploiement dans les zones rurales n'est pas seulement, en effet, une question d'aménagement du territoire, mais aussi de développement économique. De fait, de nombreuses entreprises s'enquièrent de la possibilité d'avoir accès à la fibre avant de décider de leur implantation. Les touristes font de même, par exemple dans certaines zones de montagne. Nous souhaitons donc que les zones rurales soient équipées en priorité, mais à l'initiative des collectivités territoriales. Il faut donc mobiliser les différents niveaux de collectivités afin que cela soit inscrit dans le cadre des conventions.

Quant à la péréquation, elle s'opère déjà : les 3,3 milliards d'euros apportés par l'État proviennent des redevances acquittées par les opérateurs pour l'utilisation des fréquences de la bande de 1 800 MHz. Il s'agit bien d'une ressource de l'État versée par celui-ci aux collectivités sous forme de subventions, et c'est donc bien la péréquation qui permet d'aligner le coût de la prise dans une zone de montagne ou des zones très rurales sur celui qui prévaut dans les zones denses. C'est précisément pour tenir compte de la différence des situations que nous avons pris en compte le coefficient de ruralité parmi les conditions applicables aux subventions.

Madame Rabin, le montant de 3 milliards d'euros évoqué pour le dividende numérique est une estimation fondée notamment sur le montant du premier dividende. L'ordre de grandeur est vraisemblable, mais le montant exact est difficile à prédire, car il dépend du calendrier de libération des fréquences.

Les opérateurs du secteur ont déjà accès aujourd'hui à des prêts bonifiés octroyés par la Banque européenne d'investissement – Free en a d'ailleurs contracté un cette année. Ces prêts sont beaucoup plus intéressants que ceux que distribuait le guichet mis en place par le précédent gouvernement, dont les conditions financières étaient si peu intéressantes que, pour 1 milliard d'euros disponibles, aucun opérateur n'en a sollicité. Je rappelle que, dans le cadre de l'utilisation des fonds d'épargne, le Gouvernement a décidé de réserver 20 milliards d'euros aux projets d'infrastructures des collectivités territoriales. Celles-ci pourront donc se financer à des taux vraiment intéressants, sur des maturités très longues et en bénéficiant de différés de remboursement. Des prêts à 30 ou 40 ans assortis d'intérêts très faibles ont, en réalité, un caractère subventionnel.

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