Intervention de Manuel Valls

Réunion du 17 décembre 2013 à 16h15
Commission des affaires européennes

Manuel Valls, Ministre de l'Intérieur :

Le droit de l'Union européenne est de plus en plus présent en matière de séjour et a fortiori en matière d'asile. C'est en matière d'asile que l'effort de transposition à venir est le plus important. Nous avons transposé la directive étendant le statut de résidant de longue durée aux réfugiés. Nous devons prochainement transposer la directive dite « qualification » et mettre nos recours en conformité avec les exigences du règlement Dublin III. Nous veillerons à ce que les adaptations de notre droit national puissent être effectuées dans les meilleurs délais. Dans le cadre de la loi à venir, nous devons transposer les directives « accueil » et « procédures ». Les nouvelles garanties prévues par ces textes, qui sont impératives, devront être compatibles avec notre volonté commune de réduire les délais de procédure et de fixer un délai de 9 mois à atteindre en 2015. Ces directives, qui donnent des droits aux demandeurs d'asile, sont en effet susceptibles d'allonger les délais de procédure.

Les dispositions les plus importantes des directives sur la lutte contre l'immigration irrégulière et le droit de séjour ont été transposées par les lois des 16 juin 2011 relative à l'immigration et du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour. La loi sur l'immigration qui devrait, je l'espère, être discutée en 2014 permettra d'améliorer cette transposition. Deux dispositions sont concernées : celle relative à l'interdiction du retour sur le territoire français qui est appliquée de manière trop aléatoire, et celle concernant l'assignation à résidence, dont notre droit ne fait pas assez une alternative réelle à la rétention. L'assignation à résidence doit être clarifiée et renforcée.

S'agissant de Frontex et du règlement sur les frontières maritimes, qui est un sujet difficile, le drame de Lampedusa nous a rappelé, une nouvelle fois, la nécessité de disposer d'une gestion commune et efficace des frontières extérieures de l'Union européenne. Le Conseil JAI a nommé une « task force » dont la Commission a repris à son compte les conclusions, qu'elle a présentées au Conseil JAI des 5 et 6 décembre. Les grands chapitres d'action de cette communication de la Commission européenne nous conviennent du point de vue français. Le rôle de l'agence Frontex est questionné, voire critiqué : certains voudraient que le sauvetage en mer relève de Frontex ; or cela n'est pas son rôle. Je milite en revanche pour que son rôle opérationnel soit renforcé. Cette position a reçu beaucoup de soutien de l'Espagne et de l'Allemagne. Pour lutter efficacement contre les passeurs, nous devons empêcher le départ des embarcations depuis les côtes Sud de la Méditerranée. De ce point de vue, la coopération entre l'Espagne et la Mauritanie et le Sénégal est très intéressante. Il n'est toutefois pas aisé de conclure des accords avec certains États, tels que la Libye, ce qui est un sujet de grande préoccupation.

Le nouveau règlement Eurosur mutualise l'information. S'agissant précisément de la surveillance des frontières maritimes, les États membres viennent d'adopter un nouveau règlement qui permet de mieux encadrer la coopération opérationnelle coordonnée par Frontex.

S'agissant des frontières intelligentes, le renforcement des contrôles aux frontières – tout en préservant la fluidité de la circulation des voyageurs - constitue un enjeu majeur pour l'Union européenne comme pour chacun des États membres. Le paquet « frontières intelligentes » présenté cette année par la Commission européenne s'efforce de répondre à cet enjeu. Il prévoit deux systèmes technologiques d'enregistrement : le système entréessorties permettra de connaître les ressortissants des pays tiers en temps réel, et un second système visera le franchissement des contrôles via des bornes automatisées. Les négociations devraient être très longues. Ce système pourrait gagner en qualité s'il faisait d'emblée référence aux données biométriques. Il me semble également indispensable d'assurer l'interopérabilité de ces deux nouveaux systèmes avec le SIS II, comme avec le système d'information sur les visas.

La proposition de règlement de la Commission européenne portant sur Europol, déposée en mars 2013, vise à accroître l'efficacité d'Europol. Cette proposition tient compte des dispositions du traité de Lisbonne et accroît la responsabilité d'Europol à l'égard des parlements nationaux et du parlement européen. Elle renforce en outre la protection des données à caractère personnel. Je défends le principe du contrôle parlementaire, qui devra s'exercer par l'intermédiaire d'une commission mixte, rassemblant des représentants européens et nationaux. Il me semble cependant important de délimiter le périmètre du contrôle exercé sur le directeur exécutif : ce contrôle ne doit à mon sens pas porter sur ce qui relèverait du fonctionnement interne. Europol doit rester un outil opérationnel tourné vers les besoins des États membres. Enfin, je désapprouve l'idée de la fusion du collège européen de police (CEPOL), avec Europol, dans la mesure où aucune synergie nouvelle ni économie d'échelle ne semblent devoir se dégager de cette fusion.

Le système Schengen fait quant à lui l'objet d'interrogations, portant tant sur le projet politique européen que sur la question des frontières. Une prise de conscience est nécessaire, sur l'organisation de nos frontières communes, sur le rapport avec les pays qui veulent établir de nouvelles relations avec l'Union européenne, sur le système de visas, ainsi que s'agissant de la demande d'entrée de la Bulgarie et la Roumanie dans l'espace Schengen. Aucun de ces sujets n'est simple. Par exemple, je suis inquiet de la situation d'un pays comme l'Albanie, dont les ressortissants sont exemptés de visas. Le débat se poursuit sur l'entrée de la Bulgarie et de la Roumanie dans l'espace Schengen et rien n'est décidé. La discussion porte sur la possibilité de lever les contrôles aux seules frontières aériennes. L'entrée de ces deux pays dans Schengen les rendrait responsables de la surveillance extérieure des frontières de l'Union européenne : ceci suppose que ces deux pays - pour laquelle la même décision doit être prise au même moment - soient en capacité d'assumer une telle responsabilité. Or, ils ne sont pas prêts, même si des progrès ont été constatés dans les mécanismes de surveillance.

Par ailleurs, il n'existe pas, actuellement, d'avancées significatives pour aider les pays ayant beaucoup de ressortissants des communautés roms. Des financements existent, et il appartient à la Commission européenne et à ces pays d'organiser les dispositions d'intégration, notamment s'agissant de la scolarisation des enfants. Nous y sommes très attentifs.

Enfin, la question des réfugiés syriens n'est pas régie par l'Union européenne et dépend de chacun des États membres. Plus de 5 000 citoyens syriens séjournent en France. L'asile est actuellement accordé à 98 % des Syriens qui viennent en France et qui en font la demande. Le Président de la République a décidé d'accueillir 500 réfugiés syriens ; un préfet a été nommé à cet effet. Ce travail se fait exclusivement avec le HCR.

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