Intervention de Antoine Herth

Séance en hémicycle du 7 janvier 2014 à 15h00
Agriculture alimentation et forêt — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAntoine Herth :

C’étaitle temps où l’on ne choisissait pas d’être paysan : on l’était par naissance, c’était un statut social, souvent une fatalité. La jeune génération, elle, n’aspire pas à cette confusion entre la vie privée et l’activité professionnelle. D’ailleurs, l’un des conjoints choisit souvent de travailler hors du monde agricole.

En vérité, l’un des outils majeurs de cette conquête de liberté est l’émergence de l’agriculture sociétaire, commencée avec les GAEC avant que les EARL et, aujourd’hui, d’autres types d’entreprise, ne fassent à leur tour leur apparition – selon les propres mots du président Brottes, il s’agissait de sortir l’agriculture de son cocon patrimonial. Ces sociétés ont l’immense avantage de distinguer les biens privés de la famille des outils strictement professionnels. À travers elles, l’agriculteur s’est révélé entrepreneur.

C’est là un progrès social majeur, que le parti socialiste a pourtant décidé de bannir, tant par une répartition des aides de la PAC défavorable à ces sociétés que par une fiscalité sociale confiscatoire. Pour vous, en dehors du GAEC – et encore : certains d’entre vous ne tolèrent pas même cette forme de société –, la société agricole, c’est le diable ! J’affirme, quant à moi, que c’est la meilleure façon de protéger le présent et l’avenir des familles d’agriculteurs.

Ce qui, au fond, me choque le plus, c’est le regard condescendant que vous portez sur les paysans d’aujourd’hui. Avant d’être des acteurs économiques, ils doivent, selon vous, démontrer leur fidélité aux traditions des terroirs de France. Personnage quasi mythique sur lequel la société projette tantôt ses aspirations au retour à la nature, tantôt ses frustrations et ses critiques, l’agriculteur est, en quelque sorte, le nouveau « bon sauvage » dont nous parlait Jean-Jacques Rousseau.

Voilà le commentaire qu’en fait l’universitaire canadienne Jany Boulanger : « Le mythe du bon sauvage est associé à la période des grands bouleversements de la révolution industrielle – réorganisation sociale, développement technologique, productivité, propriété privée –, il représente un havre de paix pour toutes les âmes agitées par un futur incertain » – le genre d’âmes qui, à mon avis, ne manquent pas à gauche ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

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