Intervention de Jeanine Dubié

Séance en hémicycle du 7 janvier 2014 à 15h00
Agriculture alimentation et forêt — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanine Dubié :

…mais résulte d’une tendance structurelle, et il ne s’agit pas de blâmer les précédents gouvernements ou majorités.

Certes, la loi d’orientation agricole de 2006 comme la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche ont eu des effets positifs ponctuels, comme le rappelle le rapporteur de la commission des affaires économiques, mais force est de constater qu’elles n’ont pas été à la hauteur des enjeux et qu’elles n’ont pas permis de résoudre la crise ou de résorber l’affaissement.

La crise que traverse notre agriculture a des causes multifactorielles dont une bonne partie dépend de l’Union européenne ou des règles des échanges internationaux. Il est toujours intéressant de les analyser, mais il est beaucoup compliqué d’y apporter des réponses.

Monsieur le ministre, nous sommes conscients que vous n’avez pas la baguette magique de Merlin l’enchanteur et que les mesures contenues dans votre projet de loi ne pourront agir sur ces causes externes.

Par exemple, nous savons que concomitamment à cette érosion française, nos concurrents européens à niveau de vie et structure de production comparables, comme l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, le Danemark ou les Pays-Bas, connaissent une progression inversement proportionnelle à notre baisse. Chacun de ces pays ne possède qu’un seul avantage comparatif par rapport à la France : un coût du travail agricole qui varie entre 4 à 8 euros de l’heure alors qu’il est aux alentours de 10 euros pour nos salariés occasionnels et de 14 euros pour les salariés permanents. Pouvons-nous rester passifs et continuer de voir nos agriculteurs, pour lesquels le coût du travail représente 50 à 60 % du coût total, subir cette injustice sans rien faire ?

Nous savons, monsieur le ministre, que vous vous êtes bien battu à Bruxelles tout au long des débats pour la préparation de la nouvelle PAC, et nous comptons sur vous pour accélérer le phénomène d’harmonisation sociale au niveau européen. De manière plus générale, nous devons répondre aux demandes des agriculteurs qui veulent pouvoir lutter à armes égales avec leurs concurrents européens.

En France, pour l’agriculture, nous sommes les champions concernant la lourdeur des contraintes administratives, sanitaires et environnementales. Il ne s’agit certes pas de fermer nos marchés, d’autoriser l’utilisation de produits dangereux ou d’abaisser notre SMIC et notre protection sociale, mais nous devons faire preuve d’imagination pour élaborer des réponses afin de redonner de l’espoir, notamment à tous nos jeunes agriculteurs car ils représentent l’avenir de notre agriculture.

Monsieur le ministre, vous avez déclaré que votre objectif principal est de « valoriser dans le cadre européen le potentiel de l’agriculture, et faire en sorte que cette agriculture reste un atout pour notre pays. » Vous l’avez compris, nous partageons cet objectif et nous sommes convaincus de la nécessité de l’ensemble des mesures contenues dans votre texte.

En tant qu’Européens convaincus et résolument attachés à une politique agricole commune forte et équitable, les députés du groupe RRDP tiennent à saluer votre engagement pour la défendre dans les combats à Bruxelles et votre méthode consistant à décliner sur le plan national l’encadrement juridique européen.

Il n’y aura pas d’agriculture française moderne et compétitive sans une politique agricole forte et ambitieuse. C’est le niveau pertinent d’action pour avoir les moyens d’intervenir efficacement lorsque les marchés s’effondrent ou lorsque les difficultés s’accumulent. C’est bien avec la PAC que nous pourrons assumer les surcoûts d’une agriculture durable, performante écologiquement.

Convaincus également par l’importance de la compétitivité économique pour le développement des exploitations agricoles, nous tenons à saluer l’application du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi au monde agricole. Même s’il reste des difficultés pour les coopératives, c’est un bol d’air qui va aider des milliers d’exploitations.

De manière plus générale, nous sommes en phase avec les quatre grands objectifs qui constituent la colonne vertébrale du texte.

Premier objectif : des filières plus compétitives. En la matière, nous soutenons les mesures pour la limitation de la volatilité des prix des matières premières agricoles par une clause de renégociation des contrats, la mise en place d’un fonds stratégique pour concourir au financement des investissements et innovations dans la filière forêt-bois et les mesures de renforcement du contrôle des structures pour limiter les agrandissements excessifs.

Deuxième objectif : développer l’agroécologie au coeur de pratiques innovantes. La création des groupements d’intérêt économique et environnemental pour la promotion des démarches collectives entre agriculteurs y contribuera en diminuant le recours aux engrais et aux produits phytosanitaires, ainsi que le suivi post-autorisation de mise sur le marché et l’interdiction de la publicité de ces produits à destination du grand public.

Troisième objectif : conformément aux engagements du Président de la République, vous avez décidé de donner la priorité à la jeunesse. Au nom des députés du groupe RRDP, je tiens à vous dire notre satisfaction particulière sur ce point. Nous sommes persuadés que notre agriculture construira son avenir en favorisant les jeunes agriculteurs, en encourageant leur capacité d’installation et notamment hors cadre familial. Avec les mesures contenues dans votre texte sur l’installation progressive, sur l’adaptation des contrats de générations au secteur agricole, ou encore sur le renouvellement des formations centrées sur la double performance économique et écologique, nous allons dans la bonne direction.

Je veux saluer ici la mobilisation constructive des jeunes agriculteurs que nous avons pu apprécier lors de leur audition en commission des affaires économiques. Nous ne devons pas les décevoir.

Quatrième objectif : vous prônez un dialogue rénové entre l’agriculture et la société. Il passe par le développement du modèle coopératif agricole en lien avec l’économie sociale et solidaire, par le renforcement du rôle du médiateur des contrats agricoles et par un attachement important à la préservation du foncier agricole avec le renforcement des outils à la disposition des SAFER afin qu’elles puissent pleinement jouer leur rôle de régulateur.

Globalement, ce texte qui répond à de nombreuses attentes reste largement perfectible, et vous pouvez compter sur nous pour soutenir tout au long de nos débats des amendements pour l’améliorer.

Concernant la baisse du foncier agricole disponible, nous perdons l’équivalent d’un département tous les sept ans. Nous devons réagir et aller plus loin que ce que propose le projet de loi initial.

Nous avons proposé des amendements pour mettre en oeuvre des mesures compensatoires pour la consommation de terres agricoles comme celles qui existent pour la biodiversité. Un autre amendement répond à la problématique de la perte de foncier liée à la non-dissociation du bâti et du non bâti lors de rétrocessions de biens agricoles, notamment dans les zones intermédiaires de montagne. Hélas, les fourches caudines impitoyables de l’article 40, évoquées par le président Brottes, ont très largement limité notre possibilité d’amendements qui visaient à donner des moyens juridiques d’interventions supplémentaires aux SAFER et nous le regrettons profondément.

Nous ne pouvons pas, d’un côté, décider de rester une grande puissance agricole mondiale et, de l’autre, continuer à utiliser les meilleures terres agricoles pour les supermarchés, les pavillons ou les aménagements urbains. À proximité des agglomérations françaises, les terres agricoles sont consommées sans modération. Nous devons pouvoir utiliser tous les moyens disponibles, y compris des moyens coercitifs si besoin est.

Au sujet de la priorité donnée à la jeunesse, nous considérons que nous devons aller plus loin pour donner des perspectives d’avenir à nos jeunes. L’agriculture, c’est avant tout des hommes et des femmes qui doivent pouvoir espérer vivre de leur travail d’agriculteur. Or c’est un métier dans lequel les jeunes ne veulent plus s’engager parce que les conditions de vie sont trop dures et que les revenus sont trop faibles. C’est un métier qui risque mécaniquement de disparaître.

Nous vous proposerons des amendements pour faciliter les installations, pour améliorer l’enseignement agricole et la formation continue, pour renforcer la professionnalisation de l’activité agricole par le conditionnement de l’autorisation d’exploiter à l’acquisition d’un diplôme ou d’une capacité professionnelle reconnus. Ce sont des conditions essentielles pour redonner aux jeunes l’envie de se lancer dans l’aventure de ce métier passionnant.

En conclusion, si ce projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt ne répond certes pas à tous les enjeux et ne permettra pas de donner du jour au lendemain des conditions idéales à nos paysans, les députés du groupe RRDP le soutiendront car il contient de bonnes dispositions.

À l’heure où nous allons débattre des amendements, je forme le voeu que nous gardions tout au long de nos débats des idées simples : nous n’aurons pas une alimentation saine et de qualité si nous ne défendons pas nos paysans ; nous n’assurerons pas la sécurité et l’autonomie alimentaire française si nous ne défendons pas nos paysans ; nous ne renforcerons pas notre balance commerciale, la vitalité de nos territoires et l’image de notre pays dans le monde si nous ne défendons pas nos paysans.

Nous avons beaucoup d’atouts pour réussir. Apprenons à les cultiver et faisons confiance à l’ensemble du monde agricole pour que la France développe la force de son modèle agricole.

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