Intervention de André Chassaigne

Séance en hémicycle du 7 janvier 2014 à 15h00
Agriculture alimentation et forêt — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

J’aurai également l’occasion de revenir sur ce même article, en défendant deux amendements qui portent sur deux concepts encore une fois laissés de côté. Ils constituent pourtant les deux premiers défis de l’agriculture européenne et mondiale. Je veux parler de la souveraineté et de la sécurité alimentaires. Ces deux défis ne font malheureusement plus partie du vocabulaire de nos gouvernements successifs, qui jugent plus utiles de les remplacer par ceux de « compétition internationale » et de « compétitivité », qui sonnent pourtant comme l’antithèse de toute politique alimentaire réfléchie.

Comme je conçois que l’on trouve mes propos sans doute un peu dur sur ces substitutions sémantiques qui ont pourtant beaucoup de sens, je m’appuierai sur le constat fait par une douzaine de chercheurs du Centre d’études et de recherches internationales de Sciences Po Paris, dans une note concernant l’avenir de notre politique agricole commune, chercheurs qu’on ne saurait accuser de manquer d’objectivité scientifique. Ils écrivaient alors que « les travaux des économistes, venus d’horizons les plus divers, convergent aujourd’hui sur un certain nombre de constats qui montrent qu’aucune augmentation significative du bien-être collectif ne peut résulter de la libéralisation des échanges agricoles. [… ] Pour exercer sa souveraineté alimentaire à partir d’une agriculture durable, l’Europe a besoin d’une politique agricole volontariste forte. Pour construire cette politique, il faut savoir s’affranchir des modes intellectuelles du moment et savoir tirer les enseignements d’une histoire alimentaire riche en retournements imprévus. Dans les premières périodes de sa construction, l’Europe a su se doter d’une politique agricole efficace pour répondre à ses besoins du moment. [… ] Il ne s’agit donc certainement pas de cultiver la nostalgie, pour prôner le retour à la politique agricole originelle qui fut conçue dans un autre contexte, avec des moyens adéquats. Mais rien ne serait à l’inverse plus absurde que de prétendre ignorer les enseignements du passé, lors de l’élaboration de la politique agricole d’avenir dont l’Europe a besoin. » Monsieur le ministre, réaffirmons donc les principes de souveraineté et de sécurité alimentaires dans ce texte. Nous n’en serons que plus visionnaires.

J’en viens rapidement aux outils et mesures inscrits dans le titre premier, qui est présenté comme le coeur de ce projet de loi. Qu’il s’agisse de la création des GIEE ou de la création de nouveaux outils concernant la réorientation des pratiques, ces mesures vont dans le bon sens. Elles répondent sans aucun doute à des demandes, notamment celles d’agriculteurs souhaitant s’engager dans des démarches environnementales, sociales et productives vertueuses. Ces outils témoignent également de la volonté d’élargir à de nouveaux acteurs, comme les collectivités territoriales, l’engagement et le soutien aux agriculteurs dans ces démarches.

En ce qui concerne la contractualisation, qui était le volet central de la précédente loi de modernisation de l’agriculture, je ne crois pas que la simple création d’un médiateur des relations commerciales agricoles règle le problème de fond. Car le problème de fond, c’est celui de la fixation des prix, et le médiateur n’aura pas de pouvoir sur cet enjeu essentiel. De même, il ne semble pas que de nouveaux pouvoirs lui soient confiés pour s’attaquer aux dispositions les plus nuisibles de la loi Chatel de 2007 ou de la loi de modernisation de l’économie de 2008. Là aussi, je crois que la représentation nationale pouvait, ou pourra, aller plus loin en poussant un véritable encadrement des prix agricoles, qui garantisse les revenus des agriculteurs et des relations commerciales réellement équilibrées.

Le titre II consacré à la protection des terres et au renouvellement des générations revêt une importance capitale au regard des objectifs de maintien de l’activité agricole et de l’installation.

La question foncière est devenue déterminante dans de nombreux pays européens, notamment en France. Les terres agricoles sont soumises à des pressions croisées avec, d’une part, une accélération du changement d’affectation des sols, en particulier en zone périurbaine, et, d’autre part, une volonté d’agrandissement des structures agricoles existantes, qui se fait clairement au détriment des reprises et des installations. Cela a déjà été dit. Notre politique foncière doit donc être remise en lien avec la construction d’un nouveau modèle agricole, riche en emplois, sur la base de productions relocalisées. Aussi proposons-nous de fixer des objectifs ambitieux de réduction du rythme d’artificialisation des sols, en faisant de la protection du foncier agricole une priorité, en particulier en zone périurbaine. Il s’agit de fixer des objectifs ciblés, territoire par territoire, en matière de limitation de la consommation des espaces.

Le rôle de l’Observatoire des espaces naturels, agricoles et forestiers doit à ce titre être clairement renforcé pour qu’il fasse, à partir de ses propres analyses, des propositions concrètes en termes d’objectifs de réduction du rythme de changement d’affectation des sols dans chaque département. Ces propositions pourraient très bien, ensuite, être déclinées au niveau des schémas de cohérence territoriale.

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