Intervention de Martial Saddier

Séance en hémicycle du 7 janvier 2014 à 21h30
Agriculture alimentation et forêt — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartial Saddier :

…votre projet de loi reste en deçà de nos espérances et des attentes des professionnels et exploitants du secteur agricole. Les mesures qui y figurent ne permettront absolument pas à ce secteur, fer de lance pour de nombreux territoires, de se moderniser, d’innover et encore moins d’être compétitif face à nos partenaires étrangers. J’en suis, en tout cas, persuadé à ce stade, mais nous verrons ce qu’il ressortira de nos discussions d’ici à vendredi.

Votre majorité prône un « choc de simplification », promesse réitérée par le Président de la République lors de ses voeux aux Français le 31 décembre dernier. C’est pourtant franchement un véritable choc de complexification que vous imposez aux acteurs de ce secteur. Augmentation du nombre de données, réforme du fonctionnement des interprofessions, modification des critères relatifs au contrôle des structures et à l’assujettissement au régime des non-salariés agricoles : autant de mesures prises probablement de bonne foi mais qui alourdiront très rapidement le quotidien des agriculteurs.

Notre inquiétude est d’autant plus grande que les mesures que la majorité a adoptées ces dix-huit derniers mois ne vont pas du tout dans le bon sens. Dans ma circonscription, les nombreux agriculteurs que je rencontre – et l’agriculture représente environ la moitié de l’activité économique dans ma circonscription – me font par de leur désarroi face à une pression fiscale qui devient tout simplement insupportable et à une baisse considérable des aides à l’installation et à la modernisation des exploitations dans les différentes lois de finances. Leurs charges ont drastiquement augmenté du fait de la réforme du dispositif d’exonération des cotisations patronales pour l’emploi de travailleurs saisonniers agricoles.

Pour moi qui étais chargé du secteur viticole, horticole et arboricole, les signaux donnés à ces secteurs de l’agriculture qui emploient le plus de main-d’oeuvre en Europe sont véritablement insuffisants dans ce texte de loi. C’est, pour moi, le plus grand manque, car leurs attentes sont immenses. À côté des dispositions qui ont déjà été catastrophiques pour le secteur agricole, ce projet de loi, sous couvert d’un « verdissement » de l’agriculture risque de stigmatiser un peu plus cette profession en supposant, ce qui est totalement faux, qu’elle n’intégrerait pas les critères d’un développement durable.

Par des mesures telles que le groupement d’intérêt économique et environnemental, votre majorité risque de favoriser une agriculture à deux vitesses en conférant aux agriculteurs qui pourront être membres de ce groupement la possibilité de voir leurs aides bonifiées alors qu’il n’en sera pas de même pour les autres. L’article 4 a été l’objet d’intenses débats au sein de nos différentes commissions. À l’heure actuelle, je ne suis toujours absolument pas convaincu du bien-fondé de la généralisation du bail environnemental.

S’agissant du volet concernant la politique forestière, j’ai lu avec beaucoup d’intérêt – et je suis certain que vous également – l’avis du Conseil économique, social et environnemental, qui s’interroge sur l’efficacité des actions prévues par la loi ; je partage pleinement ce point de vue. Alors que les plans pluriannuels régionaux de développement forestier commencent à porter leurs fruits, vous souhaitez, monsieur le ministre, mettre en place des programmes régionaux de la forêt et du bois dont on ne perçoit pas les réelles améliorations qui pourraient être apportées.

De plus, la pérennité des actions déjà engagées dans les PPRDF n’est pas garantie. Je vous ai déjà interpellé sur l’engagement des chambres d’agriculture dans ce domaine, qui ont embauché du personnel, avec un statut spécial, celui des chambres d’agriculture. Elles ne peuvent pas, du jour au lendemain, d’un claquement de doigts, stopper les actions en cours. Je vous demande donc de les accompagner sur ce point et de leur accorder une période de transition.

Je défendrai notamment un amendement visant à réduire le seuil des GIEEF en zone de montagne. Certes, un geste a été fait, mais vingt propriétaires regroupant 100 hectares, c’est encore trop élevé dans certaines zones de montagne. Je vous ai interrogé sur ce point lors d’une réunion de la commission des affaires économiques, mais je n’ai pas obtenu de réponse claire. Les collectivités territoriales pourront-elles, oui ou non, faire partie d’un GIEEF dans les zones de montagne ? Ne pas les associer, alors qu’elles possèdent la plupart du temps les plus grandes surfaces forestières, ce serait exclure les GIEEF des zones de montagne.

Mes chers collègues, il est impératif qu’à l’issue de nos débats, vendredi, ce texte devienne une réelle loi d’avenir pour notre agriculture et nos territoires. J’en conviens, la tâche est rude, mais elle est primordiale, car l’agriculture est une de nos richesses fondamentales. Elle est le fruit du travail acharné de femmes et d’hommes passionnés par leur métier et qui se donnent sans compter. Nos terres, nos territoires, notre terroir sont l’un des biens les plus précieux que nous avons et que nous laisserons à nos enfants. Il est donc de notre devoir de travailler et d’adopter un projet de loi qui définisse de réelles orientations à long terme.

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