Intervention de Charles de Courson

Séance en hémicycle du 7 janvier 2014 à 21h30
Agriculture alimentation et forêt — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Si vous voulez assurer l’avenir de l’agriculture, monsieur le ministre, il convient de rééquilibrer les relations entre la grande distribution et le monde agricole. La France connaît, en matière de produits alimentaires, le système de distribution le plus concentré du monde occidental : cinq centrales d’achat tiennent environ les deux tiers du marché, et la situation s’aggrave de décennie en décennie. J’ajoute que, si l’on se penche sur les chiffres locaux, zone de chalandise par zone de chalandise, on s’aperçoit qu’il ne s’agit pas des deux tiers, mais parfois de 80 % du marché ! Or en termes de droit de la concurrence, c’est le critère pertinent.

Face à l’éparpillement de l’offre dans beaucoup de secteurs, les centrales d’achat peuvent imposer leur volonté aux producteurs – avec les méthodes que chacun connaît –, mais aussi, et plus souvent d’ailleurs, aux industriels de l’agroalimentaire qui eux-mêmes répercutent sur les producteurs, aussi bien en matière de prix que de conditions de vente.

Une politique courageuse ne consiste pas à prôner la contractualisation. Cette idée de notre collègue Le Maire, quoique sympathique, n’a que peu réussi, voire pas du tout, pour la bonne raison qu’elle ne pouvait pas réussir : vous aurez beau préconiser autant que vous le voudrez la contractualisation, cela ne peut pas marcher quand il existe un tel déséquilibre entre l’offre et la demande.

En la matière, seule vaut une politique de décartellisation qui consiste à établir que l’on ne peut pas occuper plus de 5 % ou 7 % d’un marché, sinon il n’y a plus de libre concurrence.

Hélas, la part des matières premières agricoles dans le prix des aliments baisse constamment. Il y a quelques exceptions, par exemple le champagne. Dans ce cas, cela s’explique facilement : un cartel fait face à un autre. Dans cette situation, soit on tombe d’accord, soit c’est l’épreuve de force. En Champagne, on a toujours réussi à conclure des accords, lesquels, vous le savez, accordent un tiers du prix de la bouteille au producteur. C’est pour cette raison que le raisin vaut entre 5,50 euros et 6 euros le kilo. Si les producteurs étaient dispersés, comme c’est le cas dans d’autres zones viticoles, avec une multitude de syndicats qui se tirent dans les pattes face à un cartel des acheteurs, il est évident que le prix du raisin baisserait – pas besoin d’avoir fait des études d’économie poussées pour le comprendre.

Or, sur cette question, qu’y a-t-il dans votre texte ? Vous mettez en avant l’idée de médiation. C’est sympathique ; c’est gentil, comme dirait notre rapporteur, mais en réalité, monsieur le ministre, vous ne vous attaquez pas au problème de fond qui est celui de la cartellisation.

Quand un gouvernement courageux osera-t-il s’attaquer au problème et fixer des plafonds par zone de chalandise – et non en déterminant un taux national ? C’est possible ; d’autres pays l’ont fait, dont les États-Unis.

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