Intervention de Huguette Bello

Séance en hémicycle du 7 janvier 2014 à 21h30
Agriculture alimentation et forêt — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHuguette Bello :

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, il y a moins d’une semaine, l’agriculture réunionnaise a été anéantie par un épisode cyclonique qui n’a épargné aucune région de l’île et n’a laissé indemne aucune filière. À peine commencée, la saison des fruits est terminée. Quant au maraîchage, la production est détruite à 100 %. La canne à sucre, pourtant réputée plus résistante, a beaucoup souffert également. Les dégâts et les pertes sont considérables. Et l’on mesure encore mieux l’ampleur de ce désastre quand on sait que la production locale de fruits et légumes satisfait près de 80 % de la consommation locale.

Cette catastrophe naturelle intervient alors que se profile un nouveau règlement sucrier porteur de réelles menaces et qui, lui, est la conséquence directe de l’idéologie ultralibérale que l’Organisation mondiale du commerce et l’Union européenne appliquent aussi à l’agriculture.

La suppression en 2017 des quotas et des prix garantis signe la fin de l’accès préférentiel au marché européen jusqu’ici réservé au sucre produit à la Réunion, lequel sera désormais soumis aux fluctuations des cours internationaux.

Grâce à de lourds et constants investissements, notamment en matière d’irrigation et de mécanisation, à une productivité élevée et à un centre de recherche performant, classé parmi les cinq premiers mondiaux, la filière canne à sucre a de réels atouts, comme l’attestent des rendements en constante augmentation, en dépit d’une situation foncière plus ou moins stable. Mais il est évident que pour La Réunion, premier producteur européen de sucre de canne, le bouleversement qui s’annonce est majeur.

Nous avons cru comprendre qu’une étude sur ce sujet avait été commandée par le ministre des outre-mer. Si elle doit inspirer les décisions gouvernementales qui accompagneront cette mutation, ses recommandations sont, bien sûr, attendues par les 15 000 actifs directement concernés, mais plus largement encore par l’ensemble des Réunionnais.

Culture traditionnelle ayant façonné les paysages, la canne participe aujourd’hui au défi du développement durable en produisant un tiers des énergies renouvelables de La Réunion. La triple performance économique, environnementale, mais aussi sociale, visée par le titre Ier, est pleinement remplie par la filière canne-sucre.

Celle-ci est également à la base de la diversification agricole. Si les fruits et légumes sont devenus la première production agricole de la Réunion et contribuent à la sécurité alimentaire, c’est pour une large part grâce aux revenus garantis liés à la canne. Loin de s’opposer, la canne et la diversification sont deux piliers complémentaires.

Le commissaire européen à l’agriculture a d’ailleurs souligné, lors de son passage à la Réunion, la « capacité d’entraînement de la canne ». Fragiliser l’une des filières, notamment dans le POSEI, c’est remettre en cause l’équilibre de l’ensemble du système, que d’aucuns n’hésitent pas à qualifier de modèle.

Cette solidarité se retrouve à plusieurs niveaux. Ainsi du foncier agricole, qui est limité mais surtout menacé par une urbanisation pas toujours maîtrisée. La préservation des terres est indispensable pour l’ensemble du secteur agricole et les 7 000 hectares de terres en friche recensées sont destinés à être mises à la disposition des deux filières.

Assurer l’avenir de la canne, c’est permettre d’aller plus loin dans la diversification et dans le développement d’une industrie de transformation agroalimentaire, dont les perspectives sont considérables en termes de débouchés et de création d’emplois, ainsi que vient de le chiffrer une étude récente.

À cet égard, il est souhaitable que le plan régional de l’agriculture durable aborde de manière prioritaire la structuration des différentes filières de la diversification. Elle seule peut non seulement éviter les fluctuations brutales des productions ou des prix, mais aussi répondre aux exigences de traçabilité et de sécurité alimentaire.

Plus qu’ailleurs, les jeunes agriculteurs d’outre-mer rencontrent des difficultés pour s’installer. Du manque de foncier aux retraites trop modestes des exploitants agricoles, en passant par d’inextricables indivisions, les causes sont identifiées et demandent à présent des réponses qui vont au-delà de celles que prévoit le titre II, consacré au renouvellement des générations.

Toujours en direction des jeunes, l’enseignement agricole est appelé à évoluer de manière à anticiper et à accompagner l’agriculture du futur. Comment les mesures prévues se traduiront-elles dans les outre-mer ?

De même, tout en saluant le développement d’une grande industrie de biocontrôle, les professionnels s’interrogent sur l’attention que l’Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail – l’ANSES –, désormais en charge des missions relatives aux produits phytosanitaires, accordera aux caractéristiques d’une agriculture tropicale.

À vrai dire, notre approche de ce texte a été constamment guidée par la nécessité d’adapter à nos régions des mesures élaborées pour une agriculture de zone tempérée. Nous avons déposé à cet effet plusieurs amendements. Le plus simple et sans doute aussi le plus efficace, monsieur le ministre, aurait été de travailler à partir d’un texte consacré aux agricultures d’outre-mer.

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