Intervention de Gabriel Serville

Séance en hémicycle du 7 janvier 2014 à 21h30
Agriculture alimentation et forêt — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabriel Serville :

Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, permettez-moi en préambule de saluer l’ambition affichée par notre gouvernement d’apporter un souffle nouveau à notre agriculture en l’inscrivant définitivement dans un processus durable à travers le double objectif de performance économique et environnementale.

Monsieur le ministre, vous avez voulu, à travers ce texte, mettre en exergue les spécificités des outre-mer pour y apporter des réponses adaptées en prévoyant un titre spécifique consacré à nos territoires. Je retiens notamment la possibilité qui sera désormais offerte à aux indivisaires de répondre efficacement à une problématique bien connue de l’ensemble des territoires d’outre-mer puisque l’unanimité ne sera plus requise, à savoir l’insalubrité et l’inexploitabilité des biens immobiliers du fait de la généralisation de l’indivision. Toutefois, je ne peux faire l’économie de certaines observations, au premier titre desquelles une grande focalisation sur la thématique de l’agriculture au détriment de l’alimentation, et surtout de la forêt qui aurait peut-être mérité qu’un véhicule législatif lui soit entièrement dédié.

Les différentes dispositions de ce projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt ayant déjà été pour la plupart largement commentées, je consacrerai l’essentiel de mon intervention au territoire de la Guyane.

Voyez-vous, monsieur le ministre, la Guyane présente des caractéristiques uniques au sein de la république française : d’une part, l’immensité de son territoire, équivalent à celui du Portugal, recouvert à 97 % par la forêt amazonienne, d’autre part, un dynamisme démographique qui a conduit au triplement de la population en vingt-cinq ans avec, désormais, près de la moitié âgée de moins de vingt ans. Ces particularismes se traduisent automatiquement dans les secteurs agricole et sylvicole. Ainsi, dans un contexte national de baisse du nombre d’agriculteurs, le secteur agricole guyanais est particulièrement dynamique et représente désormais 5 % du PIB local et 7,5 % de la population active, avec une croissance de l’ordre de 20 % du nombre des exploitations en dix ans. Il mérite donc une attention toute particulière. Celle-ci doit tout d’abord concerner la question du foncier puisque 90 % du territoire relève du domaine privé de l’État. Sa mise à disposition aux agriculteurs est rendue notamment plus difficile du fait que le foncier agricole n’est pas géré par une SAFER mais par l’outil législatif ad hoc que constitue l’Établissement public d’aménagement de la Guyane. Les compétences de ce dernier dépassent largement le champ agricole, et il octroie un très fort pouvoir décisionnel aux communes tout en péchant par l’absence de représentants des filières agricoles, pourtant les premières concernées.

L’attention devrait aussi se porter sur la question des phytosanitaires. En effet, je ne puis que regretter que les amendements déposés en ce sens par mes collègues de l’intergroupe aient été rejetés en commission. À défaut de faciliter la mise sur le marché de produits nécessaires à la survie d’exploitations en territoires dits « inhospitaliers » du fait de l’omniprésence d’espèces prédatrices aux cultures locales, il aurait fallu instaurer de véritables leviers d’incitation à la mise en place d’alternatives adaptées aux climats subtropicaux et aux réalités équatoriales amazoniennes. Je rappelle au passage que seul 29 % des besoins en produits phytosanitaires sont couverts dans les régions ultramarines.

Nous regrettons aussi l’absence de dispositions claires et fermes en matière de recherche et de production d’organismes génétiquement modifiés dans les milieux amazoniens, milieux particulièrement fragiles et propices aux proliférations accidentelles, alors que la Guyane bénéficie de la présence de nombreux organismes de recherche.

Cela dit, nous notons toutefois que le titre II de la loi répond en partie à l’enjeu majeur du renouvellement des générations. Cela est important dans une région ou près de la moitié des moins de vingt-cinq ans souffrent du chômage. Le principe du contrat de génération adapté au secteur agricole nous semble à cet égard particulièrement bienvenu en Guyane, et au-delà dans tout l’outre-mer.

Pour ce qui est du titre V relatif à la forêt, je me réjouis de l’objectif affiché d’un renforcement du caractère durable de la gestion des forêts. Je retiens toutefois que la politique actuellement en place sur le territoire de la Guyane semble quelque peu contradictoire avec l’ambition déclinée par le projet de loi. Difficile en effet de ne pas mettre celle-ci en parallèle avec les réalités de l’exploitation de cette ressource, pourtant omniprésente en Guyane puisqu’elle s’étend sur huit millions d’hectares : la filière sylvicole guyanaise ne concerne en effet actuellement qu’un volume annuel, quelque peu dérisoire, de 16 000 arbres, soit environ 65 000 mètres cubes de grumes produits sur 850 000 hectares de forêt aménagée et dédiée. La filière, largement bridée par des normes de production certifiée, peut-être trop contraignantes, souffre d’un véritable déficit de structuration qui, hélas, ne fait pas l’objet d’une attention particulière dans le projet de loi. Il est dommage, au regard des difficultés rencontrées par la filière, à l’échelle de la Guyane et de la France entière, qu’il n’ait pas repris les nombreuses recommandations de l’avis rendu en 2012 par le Conseil économique, social et environnemental, notamment pour ce qui concerne les dimensions environnementales, sociales ou économiques.

S’il se veut critique, mon propos ne modifie en rien le soutien que j’apporte à ce projet de loi car de toute évidence il a le mérite de présenter de véritables avancées en matière d’agriculture ultramarine, bien souvent délaissée par la majorité précédente.

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