Intervention de Véronique Louwagie

Séance en hémicycle du 7 janvier 2014 à 21h30
Agriculture alimentation et forêt — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Louwagie :

…avec, par exemple, la transmission de données supplémentaires, l’augmentation du nombre de déclarations, une réforme alourdie du fonctionnement des interprofessions ou encore la modification des critères relatifs au contrôle des structures et à l’assujettissement au régime des non-salariés agricoles.

Le poids des normes, notamment en milieu rural, est étouffant, vous le savez bien, monsieur le ministre. Il ne faudrait pas que vos intentions en matière d’agroécologie soient marquées par le sceau normatif.

Toutefois, en ce début d’année, il convient de se réjouir de la mesure consistant à indemniser les agriculteurs en cas d’arrêt maladie. Cette avancée doit cependant être retravaillée car l’indemnité perçue ne couvre pas le coût du service de remplacement tandis que la cotisation peut sembler élevée pour certains exploitants, étant précisé qu’environ 70 % des exploitants ont un revenu inférieur au SMIC.

Ce projet de loi doit répondre aux questions que se posent et que nous posent les agriculteurs. Comment assurer leur bonne installation et le renouvellement générationnel ? Comment leur assurer un revenu garanti ?

Le rôle des agriculteurs et des éleveurs est essentiel mais souvent le circuit distributif ne leur est pas favorable. Plus concrètement, certains secteurs comme celui de la viande connaissent une crise. Or le poids de la grande distribution dans notre pays n’a pas d’équivalent en Europe. Cette place dominante entraîne une baisse des marges et des prix tirés vers le bas.

De plus, la concurrence européenne, allemande notamment, se révèle d’une férocité rare. Nombre d’abattoirs dans nos territoires sont dans une situation précaire et connaissent des difficultés notables.

Par ailleurs, la directive sur le détachement des travailleurs ne facilite pas la donne. Pour autant, ce projet de loi ne semble pas répondre à l’enjeu de la concurrence loyale ou déloyale en Europe.

Vous proposez donc la création d’un médiateur des relations commerciales agricoles dont le rôle sera précisément de favoriser une meilleure application des contrats, comme ce fut le cas pour le lait il y a quelques mois. Sur le principe, tout dispositif consistant à fluidifier les relations entre acteurs doit être expérimenté.

Vous souhaitez sectoriser les actions via des programmes stratégiques par filière afin d’assurer leur développement et leur compétitivité, notamment pour la volaille ou le porc.

Au travers de l’article 11 du projet de loi, vous envisagez de régionaliser la politique agricole via les plans régionaux de l’agriculture durable dits PRAD. Cependant, il faudra être vigilant pour que votre projet de loi ne fragilise pas le système coopératif français qui a fait ses preuves et qui demeure une spécificité appréciée par les acteurs concernés.

Nous prenons bonne note de vos orientations mais est-il utile de rappeler ici que le monde agricole souffre tout autant des mesures budgétaires et fiscales décidées par votre majorité comme la baisse des crédits, ce qui a un impact négatif sur les volets installation et modernisation des exploitations et des équipements ?

La place de l’enseignement agricole – déjà évoquée – est décisive car, outre ses nombreuses missions, il lui incombe de former le vivier des agriculteurs de demain. Il convient donc de le rendre plus attractif auprès de nos jeunes qui s’interrogent sur leur avenir.

Alors que le Président de la République a déclaré vouloir recourir à la pratique des ordonnances de l’article 38 de la Constitution, votre projet de loi inaugure ou avait anticipé cette volonté puisque l’article 10 le prévoit, notamment pour la simplification des procédures relatives aux AOC et AOP.

Pour conclure, je m’aventurerais à utiliser une citation issue du Dictionnaire des idées reçues et émanant de Gustave Flaubert qui nous donne une définition de l’agriculture : « L’agriculture : une des mamelles de l’État – l’État est du genre masculin, mais ça ne fait rien. On devrait l’encourager. Elle manque de bras. »

Cette citation est toujours d’actualité car si notre agriculture présente des aspects positifs, il n’en demeure pas moins que des éléments singuliers d’inquiétude, avec comme trame et même drame sous-jacents la perte de compétitivité.

Il est à craindre, hélas, que ce projet de loi ne réponde que partiellement à ces enjeux décisifs et déterminants pour assurer la pérennité de notre modèle agricole.

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