La proposition que fait le groupe SRC est d’avoir une discussion assez générale avec le rapporteur et le ministre sur la question de la maîtrise du foncier, ce qui garantira une plus grande fluidité et une meilleure cohérence de nos débats sur cet article et les suivants.
Il est inutile de répéter ce que nous avons dit dans la discussion générale comme en commission : les politiques foncières sont des politiques mères en matière agricole.
Réguler n’est pas d’abord interdire, mais permettre de garantir la vitalité de l’installation et la création d’emploi en matière agricole. Il y a consensus dans un arc syndical important pour constater que de multiples facteurs ont provoqué un relâchement de la politique des structures, à cause de la loi de 2006 mais pas seulement : on a vu apparaître, de façon marginale mais peut-être exponentielle, un phénomène de démembrement juridique, une absence de transparence sur les capacités d’intervention dans les sociétés, une capacité qui existait avant 2006 mais qui s’est amplifiée de réaliser sur les biens de famille ce qu’on appelle « le fusil à deux coups » dans l’installation et qui peut provoquer des agrandissements non maîtrisés.
On a vu un relâchement des dispositifs de contrôle pour des raisons multiples : peut-être moins de prégnance et de présence syndicales et professionnelles et des moyens administratifs en régression. Et on a vu, pour terminer cet inventaire à la Prévert, les fausses donations servir à échapper à ce contrôle des structures.
Notre attente est forte, parce que nous croyons que chaque pas qu’on fait dans la maîtrise du marché foncier sert à la fois l’installation et le projet agro-écologique que nous partageons tous.
Je voudrais, monsieur le ministre, à ce stade, saluer les progrès contenus dans le projet de loi d’avenir et annoncés par la proposition de loi du groupe socialiste que j’avais déposée avec Christian Paul, Jean-Michel Clément et d’autres, qui visait à rétablir des moyens de contrôle importants. Grâce au dialogue que nous avons eu, des éléments se trouvaient dans le texte initial. Et puis, vous faites des propositions qui sont des avancées importantes : la capacité pour les SAFER d’intervenir sur l’usufruit, la possibilité d’intervenir dans les sociétés à 100 % des parts sociales quand il y a un enjeu d’installation, la redéfinition du contrôle des structures et des seuils de contrôle qui permettront d’éviter les abus que nous avons constatés.
Vous proposez d’organiser, en lien avec nos propositions, une capacité d’observation intense des sociétés quatre ans après leur dernière demande d’autorisation et enfin vous combattez par des dispositions très claires les donations à titre gracieux, qui représentaient une voie marginale mais délétère et potentiellement dangereuse.
Je voudrais saluer ces avancées et vous remercier, mais aussi vous indiquer deux niveaux d’attente. Pour tout de suite, dans l’élaboration de cette loi, des marges de progrès semblent à notre portée : pas aujourd’hui, mais dans les mois qui viennent. Et puis, nous avons un rendez-vous dans le futur. C’est bien de maîtriser l’usufruit, mais au vu de nos analyses, l’enjeu de la nue-propriété est extrêmement important dans les capacités de préemption des SAFER.
Les dispositifs d’intervention tels qu’ils sont mis en place sont certes modernisés et amplifiés mais ils restent peut-être insuffisants. À l’avenir, il conviendrait sans doute de trouver d’autres façons de procéder.
Nous aimerions que la capacité des SAFER à intervenir en maîtrise à 51 % des sociétés soit réenvisagée, comme il en avait été question.
D’ici la deuxième lecture du texte, nous aimerions également vérifier avec vous que les dispositions concernant les biens de famille sont parfaitement claires et sans faille.
Enfin, s’agissant de l’intervention des SAFER, il nous semble que la consolidation d’exploitation pour parvenir à un seuil de structure rentable et économique constitue une priorité aussi respectable que celle qu’est la primo-installation.
Nous devons réfléchir à de tels sujets, qui vont d’ailleurs dans le sens de ce que vous souhaitez faire. Je sais qu’ils se heurtent à des difficultés juridiques et, parfois, administratives que nous ne méprisons pas. Au contraire, nous les avons prises en compte et nous serons toujours très satisfaits des avancées qui pourront être réalisées par le dialogue et la recherche de solutions à travers des expertises croisées.
Lorsque tout cela sera réalisé, nous serons encore confrontés à d’importants risques et périls qui pèseront sur le modèle agricole français. Je pense, en particulier, au développement possible du travail à façon qui peut être certes pertinent mais qui peut aussi miner le modèle agricole du travail et du rapport avec le travail des agriculteurs.
Je souhaite également évoquer le lien qu’il pourrait y avoir entre contrôle des structures et prime de la PAC. Ce sujet n’est pas tabou et sans doute devrons-nous y réfléchir.
Au fond, ces questions nous ramènent à une seule : qu’est-ce qu’un agriculteur en France au XXIe siècle ? Le registre de l’agriculture pourrait sans doute permettre de commencer à y répondre.
Je vous remercie pour le dialogue que vous avez engagé et que nous poursuivons ainsi.