Monsieur le Premier ministre, le 11 juin 1957, un brillant mathématicien de vingt-cinq ans, ami du peuple algérien, était brutalement enlevé en pleine bataille d’Alger.
Malgré le maintien du secret-défense, malgré des archives militaires probablement nettoyées, la vérité a depuis fait son chemin. Une enquête approfondie vient apporter de nouveaux éléments accablants. Il n’y a aujourd’hui plus de place au doute : Maurice Audin, militant communiste, a été enlevé, torturé, et assassiné par le 10e régiment de parachutistes de l’armée française.
Le sinistre Aussaresses l’a reconnu clairement dans ses aveux révélés mercredi dernier par le journaliste Jean-Charles Deniau.
Monsieur le Premier ministre, la République doit reconnaître enfin ce crime d’État. Elle doit faire toute la lumière sur les responsabilités des plus hautes autorités militaires et politiques qui ont couvert, à l’époque, cet assassinat et les atrocités qui l’ont accompagné, au premier rang desquelles la torture.
Nous le devons à ses enfants et à sa femme, remarquables de courage et de ténacité.
Nous le devons aux Algériens ; Maurice Audin a payé de sa vie le combat pour leur indépendance. Nous le devons enfin et surtout au peuple français. Aucune démocratie ne peut se satisfaire du silence sur de si sombres pages de son histoire.