Intervention de Daniel Lenoir

Réunion du 8 janvier 2014 à 9h30
Commission des affaires sociales

Daniel Lenoir, directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales, CNAF :

Certaines dispositions de la COG sont en cours de mise en oeuvre et leur traduction se retrouvera dans des contrats pluriannuels d'objectifs et de gestion, qui seront signés avec les CAF avant la fin du mois de janvier.

Les circulaires de la CNAF sont désormais publiées sur notre site caf.fr.

Nous transmettrons des éléments techniques à MM. Hutin et Vercamer pour les aider dans leur mission.

L'ordonnance du 4 octobre 1945 dispose que la sécurité sociale est une politique nationale ; néanmoins, celle-ci se trouve déclinée localement. La COG est un instrument de mise en oeuvre de nombreuses politiques publiques, importantes pour la société. La CNAF déploie des politiques pour la famille et pour la solidarité, qui sont appréciées de nos concitoyens et des collectivités locales.

Un organisme de sécurité sociale est une structure privée chargée d'une mission de service public ; sa gouvernance s'avère particulière, car elle diffère de celle des administrations comme de celle des établissements mutualistes reposant sur un exécutif formé d'un conseil d'administration et de son président. Dans un organisme de sécurité sociale, le conseil d'administration représente les parties prenantes – salariés, employeurs, Union nationale des associations familiales (UNAF) et unions départementales des associations familiales (UDAF) – et le directeur général de la CNAF assure le rôle d'exécutif de la branche famille. Des distorsions peuvent se créer comme à Marseille où l'on a suspendu le conseil d'administration et nommé un administrateur provisoire en novembre dernier.

L'un des avantages de la COG est d'assurer au gestionnaire la pérennité des fonds pour une période de cinq ans. Cette contractualisation pluriannuelle avec l'État – car si la CNAF assure une mission de service public, elle ne fait pas partie de l'État – garantit l'augmentation du Fonds national d'action sociale (FNAS) de 2,5 milliards d'euros, soit 7,5 %, dans les cinq ans à venir.

La visibilité du versement nourrit le consentement à la solidarité. Le coût de la protection sociale consomme 60 % des prélèvements obligatoires, et l'adhésion à cette politique financée par quelque 30 % du PIB exige d'établir un lien clair entre le prélèvement et le service dans les domaines de la maladie, de la vieillesse et de la famille. Lorsque je dirigeais la caisse nationale d'assurance maladie (CNAM), j'avais adressé à l'ensemble des assurés une fiche indiquant que chacun d'entre nous payait en moyenne 400 euros par mois pour la branche maladie permettant de financer des prestations : ainsi, la prise en charge annuelle d'une personne atteinte d'un cancer nécessitait six années de cotisations. Ce raisonnement peut être appliqué à la branche famille. À ce titre, le dispositif – contenu dans la loi de financement de la sécurité sociale – de compensation du transfert de cotisations familiales vers les cotisations patronales reposant sur une affectation d'une fraction supplémentaire du produit de TVA revenant à la sécurité sociale ne répond pas à cet objectif de visibilité. Néanmoins, le Premier ministre a adressé une lettre à Mme Mireille Elbaum le 19 décembre dernier dans laquelle il insiste sur la nécessité d'assurer une meilleure perception de l'affectation des recettes aux différentes dépenses.

Les premières prestations versées sous condition de ressources datent des années soixante-dix et concernaient la branche famille. En revanche, l'universalité est préservée pour l'ensemble des personnes remplissant les conditions posées pour l'attribution d'une prestation.

Les prestations familiales monétaires ou prenant la forme d'un service possèdent sans doute un impact sur la natalité, puisque le taux de fécondité reste supérieur à 2 enfants par femme et proche du seuil de renouvellement des générations. Néanmoins, de nombreux débats se sont développés sur les autres facteurs stimulant la natalité ; il convient en tout cas de favoriser à la fois les prestations monétaires – car certaines familles en ont besoin pour vivre – et celles de service – qui permettent de mieux concilier la vie familiale et la vie professionnelle, d'où la légitimité de la contribution des entreprises au financement de la branche famille, mais également les différents rythmes de la vie contemporaine.

Le développement des structures d'accueil de la petite enfance répond à une logique de politique nationale devant s'appliquer territorialement ; ainsi, les schémas territoriaux seront départementaux : dans 16 départementaux de préfiguration, la commission départementale d'accueil des jeunes enfants (CDAJE) et la commission de la parentalité fusionneront, ce qui apportera de la simplification et assurera la cohérence de l'action publique. Ces nouvelles commissions accueilleront l'ensemble des partenaires et seront placées sous l'égide du préfet, du fait du caractère national de cette politique ; elles élaboreront des schémas départementaux qui permettront de développer les relais d'assistantes maternelles, de donner la priorité à l'accueil collectif ou individuel, de tenir compte des spécificités rurales ou d'intégrer les 75 000 places en classes passerelles de l'éducation nationale selon des modalités qui dépendront des caractéristiques du territoire concerné.

Le département de la Seine-Saint-Denis dispose d'une capacité d'accueil de 25 % des enfants âgés de 0 à 3 ans, alors que ce taux atteint 90 % dans certains départements : la diversité des situations fait que certains droits restent virtuels à certains endroits. Les schémas départementaux et le fonds de rééquilibrage permettront à ces départements d'améliorer leur situation grâce à des actions adaptées à leurs spécificités. Ces schémas – qui s'inscrivent dans la pratique de planification à la française à laquelle je suis attaché – traiteront également du remplacement des assistantes maternelles, dont beaucoup partiront en retraite dans les cinq ans à venir. Ils seront donc la déclinaison territoriale de la politique nationale, et leur généralisation bénéficiera de l'expérience accumulée dans les 16 départements de préfiguration.

Comment généraliser les dispositifs de médiation dans les conflits familiaux ? La COG permet d'augmenter la capacité de médiation de 20 % dans les cinq ans à venir ; j'ignore si cela répondra aux objectifs que fixera le projet de loi sur la famille, mais cet effort est conséquent bien qu'il ne suffise pas à généraliser la médiation, dont il conviendrait d'ailleurs de définir les conditions. Les dispositifs de médiation et d'appui à la parentalité seront intégrés dans les schémas départementaux.

Nous avons dressé la carte des services à la petite enfance non par département, mais par zone d'emploi – notion de l'INSEE, qui recouvre les bassins de vie – car il existe des zones déficitaires dans des départements qui ne le sont pas.

Nous inciterons, par le biais d'une circulaire discutée avec l'Association des maires de France (AMF), les communes à prendre en charge les couches et les repas dans les crèches, et nous aiderons celles qui ne peuvent pas encore financer intégralement un tel dispositif.

Un amendement parlementaire devrait permettre de verser le complément optionnel de libre choix d'activité (COLCA) dès le deuxième enfant ; je tiens à informer la représentation nationale que la CNAF ne sera pas en mesure d'assurer l'expérimentation de cette réforme dès le 1er juillet prochain. Une telle disposition, si elle était votée, devrait prévoir une mise en oeuvre à partir du 1er janvier 2015.

S'agissant des rythmes éducatifs, la prise en charge des heures périscolaires a suscité de nombreuses inquiétudes. La CNAF étendra la possibilité de dérogation des taux d'encadrement ouverte par le décret du 2 août 2013 aux heures non libérées, dès lors qu'elles se situent dans la continuité des heures libérées. Cette mesure, transitoire, a été adoptée afin de préparer dans les meilleures conditions la rentrée prochaine, car 20 % des enfants sont couverts par la réforme des rythmes scolaires et ses conséquences en termes de rythmes éducatifs. Nous allons dresser un bilan, du point de vue des CAF, de l'AMF, des ministères concernés – famille, éducation nationale, jeunesse et sports – afin de disposer d'une image précise et objective de ce qui fonctionne et de qui réussit moins. À titre d'exemple, il semble que le dispositif d'accueil périscolaire pour les maternelles ne suscite pas un grand intérêt. Placée sous l'égide du Premier ministre et pilotée par la CAF, cette évaluation permettra d'adapter les dispositifs existants – par exemple de gratuité ou de reste à charge.

En matière de non-recours aux droits, nous connaissons les raisons liées à la lourdeur des procédures, à la capacité d'accueil individuel, aux effets de stigmatisation liés à certaines prestations, mais nous ne disposons pas d'étude complète sur le sujet. J'ai donc demandé que le programme d'études de la CNAF en 2014 soit consacré à l'identification des causes de non-recours aux droits. Nous devons mener ce travail en partenariat avec l'administration, les collectivités locales, les centres communaux d'action sociale (CCAS) et adopter une démarche plus proactive – les renseignements que nous avons collectés à l'issue de la précédente COG nous ont montré qu'un tiers des bénéficiaires potentiels du RSA socle ne le demandaient pas – qui exige des échanges d'informations avec Pôle emploi et la direction générale des finances publiques (DGFIP).

La télétransmission ne doit pas être opposée au lien humain, car les gains de productivité qu'elle induit permettent de concentrer des effectifs sur l'accueil et l'accompagnement des usagers qui en ont besoin. J'ai pu constater l'enclenchement de ce cercle vertueux à la CNAM après la mise en place de la carte Sesam-Vitale. À la prochaine rentrée, nous souhaitons que l'intégralité des formulaires d'allocation logement pour les étudiants soit dématérialisée. L'objectif ambitieux des 100 000 rendez-vous pour l'accès aux droits s'inscrit dans cette démarche proactive envers les allocataires potentiels.

Les simplifications sont avant tout conçues pour les allocataires, et nous commencerons par simplifier les courriers que nous envoyons. Elles permettent également d'alléger les charges.

Mon passage à la MSA m'a montré que la fraude nourrissait les contestations à acquitter les cotisations, si bien que j'ai toujours cherché à lutter contre la fraude des allocataires, des cotisants et des professionnels de santé. D'un point de vue financier, les fraudes aux prestations familiales ne sont pas les plus lourdes, mais il faut tout de même les combattre. Les pièces justificatives ne constituent pas une garantie contre la fraude, raison pour laquelle nous effectuons des contrôles sur place. Nous ciblons les personnes contrôlées – même si nous maintenons les examens aléatoires – et celles qui ne fraudent pas ne sont pas mécontentes d'être contrôlées – du moins à la condition que les vérifications n'aient pas lieu chaque année, biais que nous essaierons de corriger. Ces actions ont permis d'augmenter notre recouvrement, la fraude devant également déboucher sur des sanctions. Au total, ce système s'avère plus efficace que les contrôles administratifs opérés derrière un écran de pièces justificatives pouvant être contrefaites.

Le montant des prestations indûment versées est bien supérieur à celui des fraudes et dépasse 1 milliard d'euros. L'erreur peut provenir de l'allocataire ou de la caisse qui liquide la prestation ; la Cour des comptes a pointé les failles de la branche famille dans ce domaine et nous tâchons d'améliorer nos dispositifs. La COG énonce le principe de payer à bon droit, qui repose sur l'accès aux droits et sur la lutte contre les indus. Une partie des indus provient des changements de la réglementation et du délai nécessaire entre le fait générant la fin du versement de la prestation et l'arrêt effectif de celui-ci ; nous avons donc décidé que la date d'effet se situe à la fin du mois suivant l'entrée en vigueur du changement de situation. Les récupérations de prestations prennent en compte les situations des allocataires en étalant si nécessaire ce remboursement.

Nous avons lancé une procédure de dialogue compétitif pour changer de prestataire de système d'information, afin d'en diminuer les coûts de gestion. La branche famille gère entre 12 et 15 prestations qui reposent chacune sur un processus, d'où la complexité de notre système d'information qui représente 120 millions d'euros de fait générateur.

La CNAF a conduit dans de bonnes conditions un travail portant sur la certification du NIR. En revanche, il est difficile d'échanger avec d'autres administrations : la loi sur l'informatique et les libertés du 6 janvier 1978 empêche la DGFIP d'utiliser le NIR si bien que, lors des transferts des fichiers de la DGFIP, nous échouons à identifier 2 millions de personnes ; nous tenterons dans les six prochains mois de réduire le plus possible ce nombre, en développant notamment notre accès aux fichiers de la CNIL au moment où nous en avons besoin et pas seulement une fois par an. Le résultat de cette évolution sera bien entendu soumis à l'autorisation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), et cette démarche sera étendue à Pôle emploi et à d'autres administrations. Ces informations nous permettront de lutter contre la fraude et d'identifier des bénéficiaires potentiels inconnus des CAF. La Belgique a mis en place il y a 20 ans un dispositif généralisé d'échange entre les administrations, qui permet à l'usager de ne transmettre une même information qu'à une seule administration ; j'aimerais que l'on puisse développer un tel projet d'« armoire électronique ».

Nous commençons à recueillir les effets des mesures que nous avons prises pour réduire les délais, ceux-ci, au 2 janvier, étant inférieurs de trois jours à leur niveau de l'année dernière à la même date. La CAF de Marseille souffre des délais les plus longs avec 14 jours en moyenne, alors que la moyenne nationale atteint 6,2 jours. Dans la COG, nous avons fixé un objectif d'appui d'une quinzaine de CAF souffrant de ces difficultés – dites CAF à fort enjeu.

La branche famille a connu lors des deux dernières années une « crise de production », qui a nourri un allongement des délais, celui-ci alimentant son propre développement puisque l'extension des délais induit une augmentation des sollicitations des agents par les usagers. L'embauche de 700 personnes permettra de rompre ce cercle vicieux et de rendre notre production plus efficace. Toutefois, ces recrutements ne constituent que des anticipations des 5 000 départs en retraite. Parmi ces 700 recrutements, 500 sont occupés par des emplois d'avenir, dont 450 sont déjà en poste et dont 75 % proviennent d'une zone urbaine sensible (ZUS) ou d'une zone de revitalisation rurale (ZRR) ; la branche famille assume ainsi son rôle d'employeur socialement responsable. Ces jeunes reçoivent une formation et ont la perspective d'occuper un emploi stable alors qu'ils étaient la plupart du temps très éloignés de l'emploi. En outre, 200 personnes, concentrées sur les activités mutualisées entre les caisses, sont en cours de recrutement.

La dotation du FNAS a augmenté de 2 milliards d'euros, mais les fonds placés à la disposition des conseils d'administration des caisses ont diminué car les aides sont de plus en plus ciblées sur des politiques nationales comme celle du rééquilibrage territorial des capacités d'accueil de la petite enfance. Il convient néanmoins de veiller à éviter tout désengagement de la branche famille dans une région.

Dans le cadre du partenariat avec les conseils généraux, nous pâtissons de l'hétérogénéité des dispositifs de gestion – notamment des systèmes d'information – d'un département à l'autre. Les conventions entre les CAF et les conseils généraux s'avèrent également très diverses et elles n'ont souvent pas été renouvelées depuis longtemps.

Nous allons engager des revues de processus de l'ensemble des procédures gérées par les CAF – en commençant par le RSA – afin d'identifier les possibilités de simplification, d'amélioration de la gestion partenariale et administrative, et de renforcement de la garantie du paiement à bon droit – ce dernier élément étant important pour la certification des comptes de la branche famille par la Cour des comptes. Ce chantier important nécessitera des évolutions réglementaires et très probablement législatives.

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