Lors de notre réunion du 4 décembre dernier, M. Guy Geoffroy, M. Jean-Jacques Urvoas et moi-même avons présenté une proposition de résolution européenne portant création du parquet européen, qui a été présentée devant notre Commission, puis adoptée par la commission des Affaires européennes.
Il s'agissait là d'une innovation procédurale, car, pour la première fois, une commission permanente prenait l'initiative d'une proposition de résolution. C'est là une démonstration de la volonté de notre Commission de s'impliquer davantage et plus directement que sous les précédentes législatures dans le contrôle des affaires européennes, en concertation avec la commission des Affaires européennes.
Le parquet européen est un sujet sur lequel notre intervention et notre vigilance, le plus en amont possible de la procédure d'adoption du futur règlement européen, sont particulièrement justifiées, car il concerne une prérogative régalienne située au coeur des compétences de la commission des Lois et dont la mise en oeuvre pourrait d'ailleurs nécessiter une révision constitutionnelle.
Sans revenir en détail sur le contenu de la proposition de résolution, qui n'a pas été modifiée par la commission des Affaires européennes, je me contenterai d'en rappeler les points essentiels.
La résolution a d'abord pour objet de rappeler le soutien constant de l'Assemblée nationale à la création d'un parquet européen, soutien qui s'est exprimé notamment dans deux résolutions adoptées en 2003 et en 2011. Elle souligne cependant que plusieurs des modalités retenues par la Commission européenne ne nous paraissent pas satisfaisantes.
Elle rappelle également que l'Assemblée nationale souhaite que le parquet européen soit compétent en matière de lutte contre la criminalité grave ayant une dimension transfrontière et ne se limite pas à la seule protection des intérêts financiers de l'Union européenne. Les attentes des citoyens européens portent en effet davantage sur la lutte contre le terrorisme ou la traite des êtres humains que sur la fraude au budget européen.
La proposition de résolution souligne aussi que la compétence du parquet européen ne devrait pas être exclusive, mais partagée avec celle des autorités judiciaires des États membres. Je salue à ce propos la constance avec laquelle M. Guy Geoffroy a su réaffirmer cette préoccupation de collégialité à travers plusieurs législatures.
Plusieurs paragraphes de la proposition de résolution sont consacrés à la structure du parquet européen. Celui-ci devrait être institué sous une forme collégiale et composé de membres nationaux ancrés dans leurs systèmes judiciaires respectifs, élisant en leur sein un président, et non sous la forme, proposée par la Commission européenne, où un procureur européen unique serait assisté par de simples adjoints et par des délégués auxquels il adresserait ses instructions. Cette structure collégiale conférerait une plus grande légitimité au parquet européen, faciliterait son acceptation et la prise en compte de la diversité des traditions juridiques des États membres et renforcerait ainsi son efficacité.
La proposition de résolution souligne également la faiblesse de la proposition de la Commission européenne en matière de contrôle juridictionnel des actes du parquet européen, qu'elle propose de confier exclusivement aux juridictions nationales, ainsi qu'en matière d'admissibilité des preuves et de prescription.
Cette proposition de règlement de la Commission a reçu un « carton jaune » de la part de quatorze chambres des parlements de l'Union européenne – dont le Sénat français –, qui l'ont jugée contraire au principe de subsidiarité. Notre choix est différent : même si nous sommes en désaccord avec certaines des modalités retenues par la Commission européenne, nous ne contestons nullement la plus-value de l'intervention de l'Union européenne sur ce sujet. Les difficultés soulevées ont donc trait à la proportionnalité, et non à la subsidiarité – il me semble important de ne pas confondre ces deux principes. L'interprétation faite par certains de la position du Sénat français, présenté comme hostile à la création d'un parquet européen alors qu'il y est favorable, montre qu'il n'est pas sans risque d'opter pour la voie de la subsidiarité et de se trouver ainsi aux côtés de chambres telles que la Chambre des Lords ou celle des Communes, car cette interprétation brouille le message.
Il s'agit pour nous d'acter cette résolution européenne. Nous continuerons à suivre de près ce dossier au titre de la veille européenne et nous vous présenterons régulièrement un état des lieux des négociations devant conduire, à terme, au déclenchement d'une coopération renforcée réactivant le débat sur le parquet européen.