Les 55 milliards de dépenses de recherche n'ont pas été financés uniquement sur fonds publics et, même, la proportion, de 70 % à l'origine, était tombée à 40 % en 2010 – le reste venant des exploitants dont la contribution est ainsi devenue prépondérante. Nous n'avons pas examiné ce qu'il en était pour les autres sources d'énergie, notamment pour les sources d'énergie renouvelables qui bénéficient elles aussi de financements publics.
Notre estimation du coût des investissements à réaliser, également de 55 milliards, mériterait d'être actualisée. À l'époque où nous rédigions notre rapport, EDF avait prévu de doubler le rythme de ses investissements de maintenance, qui contribuent à prolonger la vie des centrales – étant entendu que cette prolongation est autorisée par l'ASN, chaque fois pour une durée de dix ans. Le président de l'ASN, André-Claude Lacoste, avait alors évalué à une dizaine de milliards le coût des mesures complémentaires de sûreté à demander à EDF, mais admettait qu'une partie de celles-ci était comprise dans les investissements ainsi programmés. Le rapport de l'ASN n'ayant été disponible que trois semaines avant la publication du nôtre, nous n'avons pu établir que tel était bien le cas, mais je n'ai pas eu le sentiment de divergences majeures sur ce point entre l'autorité de sûreté et l'entreprise.
Faut-il inscrire dans le hors bilan les charges futures incombant à la collectivité ? Je serai prudent sur ce point dans la mesure où sont en jeu à la fois des considérations comptables et des considérations politiques. La logique conduirait à répondre positivement à la question, mais cela supposerait d'être en mesure d'évaluer ces charges et de vérifier si, en stricte méthode comptable, ces risques peuvent être pris en compte. Comme vous le savez, il existe des charges vraisemblables – charges d'accident ou de procès – qui sont rarement, ou inégalement, provisionnées dans les comptes des entreprises. Décider ce qu'il pourrait en être en l'espèce exigerait un travail technique que nous n'avons pas fait.
Nous n'avons pas évalué le coût d'une catastrophe nucléaire – nous ne saurions du reste pas le faire. Comme je l'ai dit, nous disposions sur le sujet d'une unique étude, conduite par une petite équipe de l'IRSN, qui avançait un montant de 70 milliards. Nous avons repris ce montant pour le cas où il aurait été décidé de constituer un fonds sur quarante années – soit la durée de vie d'une centrale nucléaire telle que fixée à l'époque –, mais nous n'avons pas parlé d'assurance : il serait bien difficile en effet de déterminer la probabilité, sans doute faible – mais non nulle –, à mettre en face d'un risque au coût très élevé.
Traitant des actifs dédiés, nous ne nous sommes pas penchés sur l'emploi qu'on pourrait en faire ; nous avons seulement examiné, d'une part, si leur montant était à la hauteur du risque actualisé et, d'autre part, s'il s'agissait d'actifs indépendants de l'industrie nucléaire et immédiatement réalisables le jour où serait entreprise une opération de démantèlement ou de stockage des déchets, puisque tel est l'objet auquel ils sont destinés. Nous avons constaté que l'indépendance de certains à l'égard de l'industrie nucléaire pouvait être contestée : autrement dit, si cette industrie venait à connaître de grandes difficultés, leur valeur en serait amoindrie de sorte que nous pourrions ne pas disposer de toutes les sommes nécessaires au moment où nous en aurions besoin – ainsi, quelle garantie offriraient les actions d'AREVA en cas de catastrophe nucléaire ? Par ailleurs, nous nous sommes interrogés sur l'affectation de la moitié des titres de RTE au portefeuille d'actifs dédiés d'EDF, la possibilité de réaliser ces titres apparaissant discutable.