Attention à ne pas truquer les chiffres, monsieur le rapporteur ! Lorsqu'on entreprend d'intégrer la prise en compte des risques dans l'évaluation des coûts de la filière nucléaire, il ne faut pas comprendre n'importe quoi dans cette notion. On estime à quelque 700 milliards le coût d'une catastrophe comme celle de Fukushima, qui résultait à la fois d'un tremblement de terre, d'un tsunami et d'une mauvaise conception de la centrale. Mais quel serait le coût de la rupture du barrage de Sainte-Croix si elle se soldait par une submersion de la vallée faisant 500 000 morts ? Allez-vous le prendre en compte pour comparer les énergies nucléaire et hydraulique, comme la cohérence l'exigerait ? Si ce n'est pas le cas, nous n'avancerons jamais. Toute activité comporte des risques : quand vous prenez le volant, la probabilité que vous écrasiez vingt personnes n'est pas nulle. Je souhaite donc que nous soyons très précis sur ces questions.
J'ai apprécié l'intervention de notre collègue Christian Bataille. Je n'en dirai pas autant, monsieur Levy, de votre remarque à propos de la cinquantaine de milliards consacrés à la recherche : ce milliard par an, avez-vous dit, aurait permis d'occuper les chercheurs du CEA. Sous-entendiez-vous que cette dépense n'avait pas lieu d'être, ou au contraire qu'elle était insuffisante ? Pour ma part, je pense que si nous avions davantage investi dans la recherche nucléaire, nous n'en serions plus aujourd'hui à l'EPR, mais déjà à la quatrième génération de réacteurs et nous aurions avancé dans le traitement des déchets – car ce sont deux technologies différentes même si, en 2007, deux candidats à l'élection présidentielle les confondaient ! Le général de Gaulle a su anticiper mais, ensuite, l'effort de recherche n'a pas été poursuivi comme il aurait fallu, de sorte que le premier choc pétrolier nous a condamnés durablement au déficit budgétaire. Il importe aujourd'hui de reprendre cet effort. Or, en mettant l'accent sur les coûts de la filière, on peut en arriver à accréditer bien des idées erronées. Le fait que le nucléaire soit l'énergie la moins chère gêne ? On insiste alors sur sa dangerosité pour conclure que c'est en fait la plus chère, bien que l'histoire n'ait rien démontré de tel, même en prenant en compte Three Mile Island et Tchernobyl – étant entendu qu'il est encore trop tôt pour mesurer les effets exacts de Fukushima.