Intervention de André Chassaigne

Réunion du 17 juillet 2013 à 15h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Le groupe GDR voit en ce texte un baume appliqué pour soulager les douleurs infligées par la loi relative à la sécurisation de l'emploi, qui permet de licencier sans entraves. Il ne s'agit ici que de trouver des pistes permettant que les licenciements se fassent dans les meilleures conditions possibles.

J'illustrerai mon propos par l'exemple d'une entreprise de ma circonscription. Elle appartient au groupe Hamelin, propriétaire des marques Oxford, Canson et Bantex, dont l'effectif est de 4 200 personnes. Le chef d'entreprise a attendu le lendemain de la publication du décret précisant les modalités d'application de la loi relative à la sécurisation de l'emploi pour annoncer la fermeture du site, où travaillent 63 salariés. Il considérait que la nouvelle loi lui permettrait de licencier plus facilement, ce qui a été démontré au cours d'une réunion de travail à laquelle j'ai participé. Et c'est ainsi qu'un groupe dont la famille propriétaire figure dans la liste des 500 première fortunes de France établie par le magazine Challenges – avec un patrimoine de 85 millions d'euros –, un groupe dont le chiffre d'affaires a décuplé en vingt ans pour atteindre 700 millions d'euros, peut supprimer plusieurs sites sans entraves, au seul motif de la recherche d'une meilleure rentabilité.

Il peut le faire d'autant plus facilement qu'en l'absence de comité central d'entreprise, la nouvelle loi prévoit que le plan de sauvegarde de l'emploi ne sera pas applicable au niveau du groupe mais dans chaque entreprise concernée par les restructurations. C'est une aubaine pour les dirigeants, en ce que cela limite à deux mois le délai durant lequel le comité d'entreprise pourra donner un avis, dans la mesure où le nombre de licenciements annoncés est inférieur à 99 sur chaque site.

Par ailleurs, en supprimant la possibilité d'intervention du juge des référés durant la procédure, la loi relative à la sécurisation de l'emploi a désarmé les représentants des salariés en les privant de mesures provisoires et rapides destinées à sauvegarder leurs droits, et restreint à deux mois le délai dans lequel l'expert désigné par le comité d'entreprise peut produire un avis sur la validité du motif économique des licenciements.

Ce cas d'école montre les conséquences désastreuses de la loi de sécurisation de l'emploi que vous avez fait adopter et que notre groupe a combattue avec la dernière énergie.

La proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui ne remet pas en cause les licenciements boursiers – elle les légitime en creux, puisque ses auteurs admettent que l'on ne peut s'y opposer –, mais suggère des mesures d'accompagnement. Certaines auront des effets positifs et nous soutiendrons ce qui va dans le sens de l'intérêt général, le bien public et l'intérêt des salariés. J'observe cependant que, contrairement à ce qui a prévalu pour la loi de sécurisation de l'emploi, qui ne fixe pas ce seuil, le champ des entreprises concernées est très restrictif : seules seront obligées de rechercher un repreneur les entreprises de plus de 50 salariés appartenant à un groupe de plus de 1 000 salariés. L'entreprise auvergnate dont j'ai parlé compte 63 salariés – ils auraient pu être 49 – mais, jusqu'au mois dernier, il y avait aussi 40 intérimaires. Que se passe-t-il quand les intérimaires ne sont pas comptés dans les effectifs ? Par ailleurs, fixer à trois mois le délai dans lequel le dirigeant doit trouver un repreneur est irréaliste : il suffit pour s'en convaincre de se rappeler les difficultés éprouvées dans le cas de Petroplus, alors même que le Gouvernement était à la manoeuvre.

Concernant le droit de recours des salariés, quand bien même le tribunal de commerce établirait le manque de loyauté de l'employeur dans sa recherche, il ne pourrait lui infliger qu'une pénalité insignifiante – on image aisément que des dirigeant d'entreprise à la tête d'une fortune de 85 millions d'euros seront pris de panique à l'idée de devoir verser une pénalité équivalente à 20 fois le montant mensuel du SMIC par emploi supprimé ! Plus grave encore, le tribunal de commerce ne pourra pas imposer à l'employeur de faire droit à une offre crédible et sérieuse qu'il aurait repoussée, et les salariés seront, quoi qu'il en soit, licenciés.

Telles sont les limites d'une proposition que nous soutiendrons si elle apporte quelque chose aux salariés. Mais qui a voté la loi de sécurisation de l'emploi ne peut se présenter en sauveur des salariés dont l'emploi est menacé par les fermetures de sites.

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