Intervention de Maud Olivier

Réunion du 8 janvier 2014 à 17h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMaud Olivier, députée, co-rapporteur :

Le deuxième objectif majeur que se fixent les CSTI est celui de l'efficacité du système éducatif et de recherche, objectif devenu presque obsessionnel dans le contexte de concurrence exacerbée de la mondialisation.

Cet objectif vise d'abord à lutter contre l'échec scolaire et la promotion de la formation tout au long de la vie, dans un souci de cohésion sociale En second lieu, les systèmes éducatifs et les organismes de recherche ont visé à rechercher l'excellence, en raison du rôle joué par les classements internationaux et par l'Union européenne.

Le Programme international de suivi des acquis (PISA) dirigé par l'OCDE, pour ce qui est de l'enseignement scolaire, et le classement de Shanghai, pour l'enseignement supérieur, sont deux des classements les plus connus.

Les résultats à ces classements sont devenus, dans certains États, des éléments du débat public sur l'efficacité de leur système éducatif.

Aussi l'Allemagne a-t-elle connu ce que l'on y a appelé le Pisa Schock qui a incité les Länder à entreprendre des réformes et en particulier à envisager un assouplissement du système de sélection de l'entrée au lycée.

En ce qui concerne la France, Pisa a suscité des critiques, notamment sur la pertinence du classement et des tests utilisés. Mais, comme en Allemagne, les mauvais résultats enregistrés par la France depuis plusieurs années déjà donnent lieu à un large débat public, qui a d'ailleurs été pris en compte par l'annexe de la loi sur la refondation de l'école.

Pour ce qui est du classement de Shanghai, il suscite également des critiques, notamment parce qu'il ne prend pas en considération l'enseignement dispensé et les débouchés professionnels, ce qui a conduit Mme Geneviève Fioraso à encourager l'Europe à se doter de son propre système de classement appelé U-Multirank. Ce dispositif, dont la première édition interviendra au printemps 2014, reposera sur des critères relatifs à l'enseignement, aux formations à la recherche et à l'innovation.

Les États membres – la France avec les investissements d'avenir – ont pris diverses mesures pour développer la compétitivité de leur système de recherche. Pour sa part, dans la ligne de la stratégie de Lisbonne lancée en 2000, l'Union européenne renforce une telle orientation dans le programme appelé Horizon 2020. Couvrant la période 2013-2020, ce programme – doté de 70 milliards d'euros – a notamment pour objectif de renforcer l'excellence scientifique de l'Europe.

La seconde partie du rapport expose les motifs des recommandations et les cadres d'actions que nous avons souhaité proposer en vue, d'une part, d'améliorer le partage des savoirs et, d'autre part, de promouvoir une meilleure gouvernance des CSTI, tout en rappelant les dispositions concernant les CSTI contenues dans les lois sur la refondation de l'école et sur l'enseignement supérieur et la recherche.

Le premier point de nos recommandations vise à inscrire, de façon systématique et transversale, le partage des CSTI dans le système éducatif.

Ainsi, s'agissant de la formation des enseignants, clé de la réussite d'une pédagogie basée sur la promotion des CSTI, nous avons jugé nécessaire de l'inscrire dans leur formation initiale et continue en particulier dans celle des enseignants formés dans les écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE), qui ont été ouvertes lors de la rentrée de septembre 2013.

De même serait-il souhaitable qu'à tous les niveaux d'enseignement – de la maternelle à l'enseignement supérieur – le goût des sciences et de la technologie soit développé et entretenu à travers la systématisation de l'expérimentation, comme la pratiquent les Schülerlabor allemands, par exemple, et que les propositions de l'Académie des sciences concernant le développement de l'informatique soient mises en application.

Mais, dans un pays confronté au défi de la ré-industrialisation, il est également essentiel que les élèves soient sensibilisés au volet industriel des CSTI, à travers notamment l'instauration d'un module au collège et au lycée.

Améliorer le partage des savoirs, c'est aussi le rendre plus accessible au plus grand nombre. Or, notre système éducatif a connu, selon les termes des spécialistes, une démocratisation ségrégative ce qui vaut à la France d'être taxée de championne des inégalités dans les derniers résultats de Pisa. On peut également rappeler les chiffres de la Cour des comptes : en 2010, 18 % des élèves issus d'une classe défavorisée obtenaient un bac général contre 78 % des élèves issus d'une classe sociale favorisée.

Dans ce contexte doivent être menés le chantier de la lutte contre les inégalités sociales et les inégalités entre femmes et hommes.

Concernant la correction des inégalités sociales, nous émettons plusieurs propositions sur la sélectivité et le manque de porosité des filières au collège et au lycée, mais aussi sur l'orientation professionnelle : les filières techniques et professionnelles doivent être valorisées et les cultures scientifique, technique et industriel de tous les élèves renforcées.

Quant aux inégalités entre les femmes et les hommes, force est de noter que, malgré des avancées non négligeables qui ont permis la réussite scolaire des filles et des femmes, leur accès aux carrières scientifiques et techniques demeure limité. Alors que, selon l'OCDE, dans de nombreux pays, la majorité des diplômés de l'université sont des jeunes femmes, ce sont les hommes qui dominent largement la production scientifique dans la plupart des pays, et notamment dans les pays les plus influents et les plus prolifiques en science. L'étude publiée par Nature, le 11 décembre 2013, qui se penche sur l'ampleur des inégalités entre les femmes et les hommes dans la recherche, conclut que « Chaque pays devrait attentivement identifier les micro-mécanismes qui contribuent à reproduire ce schéma ancien. Aucun pays ne peut se permettre de négliger les contributions intellectuelles de la moitié de sa population ». C'est pourquoi nous recommandons aux acteurs d'intéresser davantage les filles aux CSTI, d'introduire dans le cahier des charges des éditeurs de manuels l'obligation de s'abstenir de clichés sur les femmes et les hommes ou encore de conditionner une partie de la dotation aux universités et aux organes de recherche à la prise de mesures en faveur de l'égalité femmes-hommes les universités et les organes de recherche devant, à cette fin, présenter un rapport annuel.

Améliorer le partage des savoirs passe ensuite par le développement d'une culture du dialogue apaisé sur la science, la technologie et l'industrie, responsabilité que doivent assumer ceux qui détiennent le pouvoir – décideurs, médiateurs de la science et industriels – mais aussi les citoyens. À cette fin, les actions de médiation doivent obtenir une reconnaissance institutionnelle dans la carrière des chercheurs. Par ailleurs, nous proposons d'impliquer davantage les doctorants dans la médiation scientifique ou encore d'assortir toute subvention versée à un établissement d'enseignement supérieur et de recherche de l'obligation d'en affecter une fraction au financement de telles actions.

Concernant les médias, nous préconisons qu'un lieu ressource puisse être développé pour faire le lien entre les journalistes et les chercheurs, par exemple dans le cadre de l'Institut des hautes études pour la science et la technologie (IHEST). Par ailleurs, un portail Internet spécialisé regroupant l'ensemble des émissions scientifiques diffusées par les chaînes publiques pourrait par exemple être créé. Il serait également nécessaire que les futurs journalistes soient mieux formés aux spécificités des CSTI, et que dans cette perspective des modules de méthodologie et d'histoire des sciences et des techniques puissent être intégrés aux cursus des écoles de journalisme.

Il nous apparaît également important de réfléchir à ce que l'OPECST réitère et développe son expérience d'organisation des conférences de citoyens. Pour la participation du public, le niveau régional nous semble être un bon échelon. Nous proposons d'inciter les régions à instituer un lieu de débat permanent et un observatoire des sciences et des technologies.

S'agissant de la gouvernance, il importe de renforcer la coordination des politiques au plan national notamment en conférant désormais un rôle pilote au ministère en charge de la recherche, conformément au souhait – exprimé par de nombreux acteurs – de voir s'affirmer un État stratège. Par ailleurs, ce dernier doit s'appuyer sur les ressources et besoins locaux. Pour cela, nous proposons qu'une conférence annuelle rassemble l'Etat et les acteurs locaux afin de débattre des questions touchant à la stratégie des CSTI et d'échanger sur les bonnes pratiques.

Il faut également simplifier la gouvernance en séparant la présidence du Conseil national de la CSTI de la présidence d'Universcience et prévoir au sein de ce conseil une représentation plus importante des régions, des musées et du monde associatif. Il nous semble également important de conforter financièrement les têtes de réseaux, notamment dans leur rôle de coordination des acteurs et de mutualisation de leurs actions.

Par nos recommandations, nous avons tenté de répondre à la demande des acteurs d'une gouvernance nationale forte qui respecte leur autonomie et leur diversité, mais qui favorise la cohérence de leurs actions en leur permettant de mutualiser leur travail.

Nous avons aussi voulu insister sur le fait que faire connaître et partager les cultures scientifique, technique et industrielle constituait un objectif politique majeur, dont on ne pourra faire l' économie sous peine de vider la notion de société de la connaissance de toute substance et de prendre le risque de mettre en péril l'impératif de cohésion sociale en creusant davantage le fossé entre sachants et non-sachants.

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