Intervention de Pierre de Boissieu

Réunion du 15 janvier 2014 à 8h30
Commission des affaires européennes

Pierre de Boissieu, ambassadeur de France, ancien secrétaire général du Conseil de l'Union européenne :

Le traité représente, à mes yeux, l'essentiel. Son respect constitue la base du fonctionnement démocratique. Hors le traité, point de salut ! Même si on peut, bien sûr, le modifier. Au fil de mon parcours de trente ans au sein des instances communautaires, j'ai été frappé par une évolution : alors que, jusqu'à la fin des années 1980, les institutions considéraient le traité comme sacré, elles sont aujourd'hui les premières à s'en écarter lorsque cela les arrange. Or, si les institutions elles-mêmes ne respectent pas les règles, comme s'attendre à ce que des agents économiques, notamment par exemple les multinationales, le fassent ? Pour le Parlement européen notamment, le traité est devenu la base à partir de laquelle on peut négocier. C'est déplorable : les institutions devraient montrer l'exemple !

Le traité stipule que le Conseil européen statuant à la majorité qualifiée désigne le candidat à la fonction de président de la Commission, en tenant compte du résultat des élections européennes. Cette désignation aura sans doute lieu dans la première quinzaine de juin. Ensuite, le candidat est élu par le Parlement européen à la majorité des membres qui le composent.

Faisons abstraction des noms de candidats qui circulent. Selon moi, il faut absolument que tout le monde respecte la procédure prévue par le traité. Pourquoi ? Si vous observez les jeux politiques en cours au Parlement européen, vous constaterez qu'il n'y a aucune chance qu'un des groupes politiques désigne un candidat britannique pour la présidence de la Commission. Et surtout pas le PPE, puisque les conservateurs britanniques siègent dans un groupe politique distinct. Opter pour une procédure de désignation des candidats par les groupes politiques du Parlement reviendrait donc à exclure le Royaume-Uni avant même d'avoir commencé à négocier avec lui. Je souhaite bonne chance à celui qui s'engagera dans cette voie …

Je ne suis nullement opposé au Parlement européen et aux partis politiques, mais cette procédure me paraît très mauvaise pour une deuxième raison : un président de la Commission qui aurait été désigné, non pas par le Conseil européen mais par un groupe politique, comme on le propose actuellement, serait beaucoup plus dépendant du Parlement européen que ne l'est le président actuel. Or, compte tenu du poids des députés allemands au sein du PPE, cela reviendrait à le mettre dans les mains de l'Allemagne – je le dis avec toutes les précautions oratoires qui s'imposent, vous connaissez mon attachement au couple franco-allemand. Il ne faudra pas s'étonner alors des critiques que cela suscitera. Je le répète : nous avons tous intérêt à ce que la procédure prévue par le traité soit scrupuleusement respectée. La procédure alternative qui est proposée actuellement ne peut conduire qu'à une marginalisation accrue de la Commission.

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