Intervention de Anne Eydoux

Réunion du 16 janvier 2014 à 9h30
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Anne Eydoux, chercheuse au Centre d'études de l'emploi :

Je n'en ai pas et préfère donc ne pas commenter.

J'en viens aux trente-cinq heures. Il a fallu attendre 2005 pour disposer d'un bilan : mitigé sur les conditions de travail, il est plutôt favorable en termes de création d'emplois.

La France a très bien résisté, notamment en matière d'emploi, au ralentissement des années 2000 qui n'a pas donné lieu à une récession, alors que ce fut le cas en Allemagne. Il est possible que les trente-cinq heures aient joué un rôle en la matière. Si l'Allemagne a si bien résisté à la crise de 2008, selon l'économiste du travail Steffen Lehndorff, ce n'est pas grâce aux « réformes Schröder », mais à ce qui restait du modèle allemand : la cogestion, la flexibilité interne qui a permis d'éviter le licenciement des salariés par le biais du chômage partiel. Or les trente-cinq heures sont aussi un dispositif de flexibilité interne : on agit sur le temps de travail pour préserver l'emploi.

L'histoire montre que le financement de la branche famille par la cotisation donne des marges de manoeuvre ; il a permis une socialisation de la reproduction sociale, mais aussi ce que Gøsta Esping-Andersen appelle une « démarchandisation du travail », c'est-à-dire le fait de soustraire les travailleurs à la concurrence sur le marché dans leurs moyens de survie. Avec une branche famille largement financée par la cotisation, nous avons un budget relativement autonome par rapport à celui de l'État, et peut-être, donc, à certains moments, protégé des coupes. Surtout, à partir des années 1950, ce financement par la cotisation a permis de dégager des excédents, sauf dans les périodes de crise, comme en 2008-2013, et lorsque des dépenses familiales nouvelles ont été engagées, comme avec la montée en charge de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE) au début des années 2000. Cette série d'excédents a permis soit de financer d'autres besoins sociaux, maladie ou vieillesse, soit de financer de nouvelles dépenses familiales.

En outre, puisque les prestations familiales sont indexées sur les prix alors que les cotisations évoluent avec la masse salariale, le pouvoir d'achat des prestations familiales a baissé par rapport à l'évolution des salaires. Comment compenser aujourd'hui la baisse des cotisations sociales des employeurs ? Depuis les années 2000, la branche famille est déficitaire du fait de dépenses combinées à une hausse de la natalité. Certaines coupes dans les prestations n'ont pas suffi dans un contexte de crise et on peut penser qu'à législation constante les dépenses devraient croître.

Comment envisager l'avenir du financement de la branche famille ? La suppression des cotisations sociales des employeurs fait suite à une baisse de la CSG affectée à cette branche. Allons-nous passer à des impôts et taxes affectés ? Ces prélèvements sont d'une autre nature et, souvent, ne sont pas pérennes. Si les financements sont fragilisés, s'ils se réduisent, va-t-il falloir couper dans les prestations familiales ? Le débat sur la mise sous conditions de ressources des allocations familiales est peut-être annonciateur. Reste que la politique familiale française est un de nos points forts si, de nouveau, on établit une comparaison avec l'Allemagne.

L'idée que les cotisations sociales employeur pour la branche famille n'ont plus de raison d'être n'a pas de fondement économique solide. Il n'y a pas de raisons d'éliminer toute contribution des entreprises à la reproduction sociale. La baisse du coût du travail et, a fortiori, celle des cotisations sociales famille ne peuvent tenir lieu de politique industrielle et de politique de compétitivité. La suppression de ces cotisations soulève donc davantage de problèmes qu'elle n'en résout : elle fragilise le financement de la branche famille ; les impôts et taxes affectés destinés à compenser les baisses de ces cotisations sont soumis aux décisions de l'État et à la conjoncture – or nous nous trouvons dans un contexte qu'il faut bien qualifier de rigueur budgétaire sinon d'austérité –, davantage que les prélèvements assis sur les salaires. L'inscription de la branche famille dans le budget de l'État, déjà envisagée par plusieurs rapports, pose problème ; selon Antoine Math, « elle viendrait altérer la capacité de la branche à dégager des ressources autonomes, pérennes et dynamiques, ce que sont les cotisations sociales employeur et la CSG, qui ont permis dans le passé d'opposer une meilleure résistance face à la concurrence des autres besoins sociaux et aux difficultés budgétaires de l'État ».

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