Il faut bien reconnaître que les annonces du Président de la République nous ont un peu pris de court et que cette audition, prévue de longue date, acquiert de ce fait une autre dimension. Quand un budget se trouve amputé de 60 % de ces recettes, cela pose nécessairement de nombreuses questions.
Il est vrai qu'un tel scénario était dans l'air. Voilà déjà quelques années que les entreprises contestent la légitimité de leur participation au financement de la branche famille, alors que, à l'origine de la sécurité sociale, elles demandaient que la dimension familiale de la vie de leurs salariés soit prise en compte.
Cette annonce intervient en outre à un moment où les conditions de l'équilibre budgétaire de la branche sont bouleversées par les efforts d'économie qui nous ont déjà été demandés, puisque nous devons accélérer le rythme de réduction du déficit de la branche. À cela s'ajoute la perte de 0,15 point de cotisations patronales transféré vers le financement de la branche vieillesse. À ce propos, le débat reste ouvert quant à la légitimité de transférer à la branche famille une charge relevant initialement du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), aggravant de ce fait les difficultés financières de la branche.
S'il existait des recettes idéales, je pense qu'on les aurait déjà trouvées ! Au vu de la créativité qui a été déployée pour compenser, par le biais de l'affectation du produit de taxes sur les véhicules de société, sur les paris en ligne ou sur les jeux télévisés, la perte de la part de CSG qui a été transférée à la Caisse d'amortissement de la dette sociale et du 0,15 point de cotisations patronales, je ne doute pas qu'on saura trouver des dispositifs compensatoires. Quant à savoir s'il s'agit d'un mode de financement idéal, c'est une autre question.
L'intérêt du mode de financement actuel, assuré à hauteur de près de 80 % par la CSG et des prélèvements assis sur les revenus du travail, c'est son dynamisme, qui équilibre celui de nos dépenses, la revalorisation des recettes venant compenser l'évolution du coût de la vie. Ce dynamisme fait défaut à une dotation budgétaire. C'est pourquoi nous souhaiterions qu'un véritable débat soit engagé sur les moyens à mettre en oeuvre pour retrouver des recettes dynamiques, via notamment la CSG, puisque celle-ci a été conçue à l'origine pour contribuer au financement de la sécurité sociale.
Nous ne pouvons que nous interroger, quand on nous annonce d'un côté que le budget de la branche sera amputé de 60 % de ses recettes, tout en assurant de l'autre que le niveau des prestations sera maintenu – Mme Marisol Touraine l'a encore répété hier lors de ses voeux aux forces vives. Nous avons du mal à convaincre nos allocataires que de tels miracles sont possibles. Il est vrai que 10 milliards par an, cela ne se trouve pas sous le sabot d'un cheval !
La solution de la fiscalisation du financement de la branche a déjà été débattue, pour être généralement écartée. Si le Premier ministre a demandé au Haut Conseil du financement de la protection sociale de réfléchir sur l'opportunité de continuer à asseoir le financement de la branche famille sur les revenus du travail, il lui demande aussi de réfléchir aux moyens de maintenir un haut niveau de protection sociale. Voilà une équation quelque peu complexe.
On voit bien, par ailleurs, qu'un financement assuré exclusivement par dotation budgétaire serait susceptible de remettre en cause la légitimité d'une gestion paritaire de la protection sociale. En tout état de cause, l'intérêt d'une gestion de la branche par toutes les parties prenantes me paraît indéniable en ce qu'elle lui permet de bénéficier de l'éclairage, tant des bénéficiaires des prestations que des entreprises. Comme vous l'avez rappelé, la Cour des comptes a mesuré le retour sur investissement de la cotisation patronale à la branche famille. Des prestations comme les aides à la garde d'enfant ou au logement, par exemple, assurent aux salariés les conditions de travail les plus favorables possibles.