Chef de file de la négociation pour la CGPME, l'ayant donc suivie de très près, je vais essayer de vous expliquer nos réticences vis-à-vis de cet accord.
Son objet principal, la mise en oeuvre du compte personnel de formation (CPF) issu de l'accord signé en janvier 2013, ne nous pose pas de problèmes particuliers : nous avons même été parmi les premiers à faire des propositions, que l'on retrouve d'ailleurs largement dans l'accord.
Mais nous n'avons pas signé l'accord. En effet, tout d'abord, la réforme déporte les dispositifs de formation, et leur financement, hors de l'entreprise : ils échappent ainsi à la décision et à l'initiative du chef d'entreprise. Il était pourtant essentiel de préserver un système qui avait fait ses preuves depuis plus de trente ans, celui de la mutualisation, qui permettait de financer les actions de formation au bénéfice des salariés dans le cadre du plan de formation, en particulier dans les entreprises de 10 à 299 salariés. Or ce dispositif se réduit, avec ce projet de loi, comme peau de chagrin, ce qui nous pose vraiment problème.
Le système fonctionne aujourd'hui un peu à la façon d'une assurance – beaucoup d'OPCA (organismes paritaires collecteurs agréés) étaient d'ailleurs, à l'origine, des fonds d'assurance-formation. La formation est évidemment un élément essentiel de compétitivité, et seul un énorme effort de formation a permis la diffusion des progrès technologiques fulgurants que nous avons connus ces dernières décennies. Mais toutes les entreprises n'organisent pas la formation de leurs salariés au même moment : la mutualisation de leurs contributions permet aux entreprises qui utilisent les fonds de la formation professionnelle d'organiser celle-ci au moment le plus opportun pour elles.
Or cet accord fait disparaître l'égalité d'accès aux fonds de la formation professionnelle au titre des actions du plan de formation au bénéfice des salariés des PME : la contribution est réduite de 0,9 % à 0,2 % pour les entreprises de 10 à moins de 50 salariés, et à 0,1 % pour celles de 50 à 299 salariés. C'est pour nous un problème majeur.
La deuxième raison pour laquelle nous ne pouvons pas approuver cet accord, c'est le problème de la solidarité inter-entreprises – celle-ci, et notamment la solidarité des grandes envers les plus petites, ayant pourtant constitué une demande de l'État lors des précédentes négociations ; il y a eu de nombreuses tentatives pour l'organiser. Ici, elle est tout simplement réduite à néant ! C'est un peu fort de café, quand on sait que les grandes entreprises sont souvent pour les PME des donneurs d'ordre très exigeants, et que les premières viennent souvent puiser dans les compétences des secondes ! Rappelons que ce sont majoritairement des PME qui emploient et forment des jeunes en contrat d'apprentissage, en alternance, en contrat de professionnalisation…
L'abandon complet de la solidarité inter-entreprises est donc tout à fait inacceptable : l'accord prévoit en effet non plus une obligation de dépense, mais une obligation de faire – en retirant aux PME les moyens de faire.
En refusant de signer un tel accord, nous sommes fidèles aux valeurs que la CGPME a toujours défendues : liberté de choix du chef d'entreprise pour le plan de formation ; égalité d'accès des entreprises aux fonds de la formation professionnelle, quelle que soit leur taille, et solidarité.