Intervention de Jean-Michel Pottier

Réunion du 15 janvier 2014 à 17h45
Commission des affaires sociales

Jean-Michel Pottier, président de la commission « formation » :

Espérons que ce sera le cas… Mais vous allez me dire que mes propos sont anxiogènes !

Dans l'esprit du MEDEF, la mutualisation concerne les dispositifs qui sont en dehors du champ de décision du chef d'entreprise dans le cadre du plan de formation – je reparlerai tout à l'heure du compte personnel de formation.

Il y a une autre supercherie dans l'accord : ce sont les articles 36 et 38. La supercherie est d'ailleurs si flagrante que le Gouvernement n'a pas retranscrit l'intégralité du texte de l'accord dans le projet de loi.

L'article 36 détaille l'affectation des versements des entreprises par les organismes collecteurs paritaires agréés (OPCA). Avec quatre régimes et 16 taux, on ne peut guère parler de simplification, sachant que pour le même objet – qu'il s'agisse du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), du droit individuel à la formation ou de la professionnalisation –, les taux varient suivant la taille des entreprises. On nous a expliqué que ce n'était pas grave, puisque ce sont les OPCA qui s'en chargeront. C'est oublier que la réforme consiste justement – c'est en tout cas l'objectif du MEDEF – à anéantir les OPCA pour s'en remettre à la « main invisible » du marché. Pour notre part, nous pensons que ce n'est pas la bonne solution, et que la raison du plus fort n'est pas toujours la meilleure. C'est tout le sens de mon engagement syndical. Il serait tout de même un peu fort que ce soit le gouvernement actuel qui supprime la solidarité interentreprises et la mutualisation. En tout cas, nous ne le comprendrions pas.

Le dernier alinéa de l'article 36 n'a pas été repris dans le texte du Gouvernement. Nous avions « arraché » dans la négociation cet alinéa qui prévoit que les fonds versés au titre du compte personnel de formation par les entreprises de 10 salariés et plus, et non engagés au 31 octobre de chaque année, peuvent être affectés aux autres actions prises en charge par les OPCA telles que définies à l'article 37. En effet, le compte personnel de formation ne va pas « monter » à 100 % d'utilisation dès le premier jour. Nous souhaitons donc que ces sommes puissent être réorientées vers la mutualisation au titre du plan de formation. La mutualisation dont parle le MEDEF – le 0,8 % – concerne des objets autres que le plan de formation : on développe la mutualisation pour d'autres objets, mais on réduit à peau de chagrin la mutualisation du plan de formation. Vous le voyez, nous parlons de deux choses différentes. Il ne s'agit pas de dire qu'il ne fallait pas prévoir cette mutualisation développée sur ce qui ne concerne pas le plan de formation, mais que ce n'est pas une raison pour supprimer ce qui est mutualisé pour le plan de formation. En l'état, l'accord fait le jeu des grandes entreprises.

Avec l'article 38, la supercherie est double. Cet article donne en effet le mode d'emploi pour que les grandes entreprises puissent s'exonérer du 0,2 % – ce qu'elles peuvent faire dès lors qu'il existe un accord de branche ou d'entreprise. Par précaution, le Gouvernement n'a retenu que l'accord d'entreprise dans le texte – il n'a donc pas retranscrit intégralement le texte de l'accord.

Pour négocier un accord d'entreprise, il faut avoir des délégués syndicaux – ce qui exclut les PME et fait le jeu des grandes entreprises. Les entreprises de plus de 300 salariés ont de toute façon une obligation légale de passer un accord ; cela ne change donc rien à la donne pour elles.

Bref, les grandes entreprises vont pouvoir s'exonérer du 0,2 % et le passer dans les dépenses directes au titre du compte personnel de formation. Elles ont une masse de salariés qui leur permet de faire des formations courtes ou longues ; et lorsqu'elles auront dépensé l'équivalent du 0,2 % qu'elles dépensaient autrefois au titre du plan de formation, elles pourront néanmoins recourir, auprès de leur OPCA, aux 0,2 % qui ont été payés par les petites entreprises. Donc non seulement les petites entreprises se retrouvent dans l'obligation de faire sans en avoir les moyens, mais elles vont payer pour les grandes. C'est ce qui se passera en l'état actuel du texte, le ver étant dans le fruit.

Pour améliorer le texte, il faudrait que les fonds non dépensés dans le 0,2 % du compte personnel de formation puissent servir à financer le plan de formation, comme cela est prévu dans l'accord. Nous souhaitons également la suppression pure et simple de l'article 38 scélérat de l'accord – qui n'a été repris qu'à moitié par le texte.

Au final, les grandes entreprises ont gagné, puisqu'elles vont payer 0,8 %. C'est bien ce que souhaitait le MEDEF à l'origine.

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