Vous nous avez interrogés sur le compte personnel de formation. Nous allons bien sûr participer à la gouvernance. Mais le compte personnel de formation ne sert qu'à financer des actions certifiantes en tout ou partie. Or toutes les formations mises en oeuvre dans le développement des entreprises ne sont pas certifiantes. Dans une PME, le passage à une nouvelle technologie est souvent l'occasion de former le personnel pour lui permettre de la mettre en oeuvre. Mais lorsque la technologie est nouvelle, il n'y a pas de certification existante. J'emploie moi-même 17 salariés ; lorsque mon entreprise est passée à l'impression numérique sur textile, ma branche professionnelle ne m'a été d'aucun secours – elle ne s'occupe que de la fermeture des entreprises. Il n'existait pas de formation qui puisse entrer dans le cadre du compte personnel de formation.
C'est moi qui ai proposé le premier le principe de convergence. Il s'agit de faire converger le besoin en formation exprimé par l'entreprise avec celui exprimé par le salarié, dans un principe de convergence qui mobilise le compte personnel de formation. Mais en l'état actuel du projet de loi, il y a double punition : la PME paye le 0,2 % à l'OPCA, mais le recours au compte personnel de formation ne financera pas 100 % de la formation au moment où elle voudra y recourir : elle devra donc abonder, autrement dit payer une deuxième fois. Il y a d'un côté les grandes entreprises qui peuvent dépenser le 0,2 % dans le cadre de leurs dépenses habituelles, et de l'autre les petites qui, elles, ne peuvent s'exonérer du 0,2 % et devront en outre payer un complément sur leurs deniers lorsqu'elles voudront former leurs salariés, alors qu'elles ont déjà payé. Le système est profondément inégalitaire ; la dérive inscrite dans l'accord est patente. On fait semblant de considérer qu'il y a là une grande victoire, une baisse des charges, alors qu'en réalité, il s'agit d'arrêter de dépenser pour la formation professionnelle ! J'avoue avoir du mal à comprendre.
Pour notre part, nous allons réagir. Nous vous laisserons d'ailleurs un document dans lequel nous faisons un certain nombre de propositions – dans le cadre actuel. Nous n'allons pas demander de revenir à 1,2 % ou 1,4 % : ce serait irréaliste. En revanche, nous demandons qu'il y ait une meilleure utilisation des fonds dans le cadre du 1 %, afin que l'on trouve un rythme de croisière qui ne « casse » pas la formation professionnelle des salariés.
Nous sommes aujourd'hui dans une dynamique qui permet à la PME de devenir vertueuse. Or nous allons la perdre. Vous savez que nous gérons directement, avec les partenaires sociaux, le plus important des OPCA. La raison de mon engagement personnel, c'est que nous sommes dans un système vertueux, avec un accompagnement sur le terrain, des conseillers qui vont voir les entreprises, essayent de trouver des solutions aux problèmes, et peuvent aussi proposer un financement qui mobilise divers acteurs – conseil régional, État, voire Union européenne. Ce travail d'ingénierie financière va permettre d'inoculer la formation professionnelle dans une PME ou une TPE. Si on réussit à créer une appétence, c'est gagné : l'entreprise a pris goût à la formation professionnelle. On a tendance à se représenter les salariés des TPE et des PME comme très demandeurs de formations. Mais en tant que chef d'entreprise, ma première difficulté est précisément le plus souvent de convaincre mes salariés de l'intérêt d'aller se former ! Bref, cette vision de longues files d'attente devant les organismes de formation est sans rapport avec la réalité d'une PME.
Nous ne voulons donc pas perdre ce dynamisme et cette possibilité de développer l'appétence pour la formation professionnelle dans les entreprises. Nous avons aujourd'hui une obligation de dépense qui a le mérite d'être mutualisée, les fonds versés à l'OPCA par les entreprises étant ensuite répartis. Certes, il y a des OPCA qui ne jouent pas le jeu ; mais d'autres parviennent à engager les entreprises dans ce principe vertueux. Si l'on « casse » ce dispositif et qu'on supprime l'obligation de dépense, la formation professionnelle risque de faire les frais des difficultés conjoncturelles des entreprises.