Il est aisé de vérifier que Total paie énormément d'impôt, ce qui est logique puisqu'il travaille dans des pays où la fiscalité est élevée. Notre contribution se monte à 14 milliards, soit 56 % de nos résultats avant impôt, ce qui est très supérieur au taux du droit commun français. Cela dit, si nous produisions du pétrole en France, le législateur trouverait sans doute le moyen de nous assujettir à des impôts spéciaux, ce qui se fait dans tous les pays du monde. Entre l'impôt et les prélèvements directs de l'État, nous laissons à l'Angola 80 % de nos profits.
Nous payons nos impôts à l'étranger, là où nous faisons des bénéfices, en vertu du principe de territorialité. Où qu'elle soit, notre activité ne saurait échapper au fisc car une plateforme ou des tuyaux ne peuvent passer inaperçus. Le plus souvent d'ailleurs, la population ne les aime pas. Ce sont nos résultats qu'elle aime. Encore un problème de compréhension !
Nos rapports annuels certifiés recensent en toute transparence les sommes que nous versons aux impôts dans le monde. En France, compte tenu du périmètre de notre activité, nous sommes taxés selon notre résultat global. Dès lors que celui-ci est négatif, puisque le secteur du raffinage enregistre une perte de 500 millions nette et que celui de la pétrochimie est à peine plus brillant, il n'est pas étonnant que les montants d'impôt soient à due concurrence.
Faut-il rappeler que Total est constamment contrôlé ? Certains agents du fisc passent leur vie chez nous. Pour que nous payions plus d'impôt en France, il faudrait que nous gagnions plus. Au reste, nous acquittons nombre de taxes indirectes et, depuis l'an dernier, nous sommes taxés lorsque nous versons des dividendes. En 2012, notre contribution s'est montée à 1,2 milliard d'euros, sans parler de l'ancienne TIPP, que l'État récupère grâce à nous – ce qui ne l'empêche pas de se plaindre que nous soyons trop chers. Il ne fait pas autant pour nous, surtout que nous l'enrichissons encore par l'intermédiaire de nos salariés, de nos centres de recherche ou de notre siège social.
Ceux qui nous reprochent de verser des dividendes à nos actionnaires français savent-ils que nous faisons ainsi revenir en France l'argent investi à l'étranger par une société française, qui possède un savoir-faire français, élaboré par des ingénieurs français ? Verser des dividendes ou des revenus financiers n'a rien de blâmable. Je l'ai dit à l'Élysée, au début du mandat de François Hollande. Comment pourrait-on demander aux Français d'investir leur épargne, qui est une des richesses de notre pays, sans la perspective d'une rémunération ?
Loin de nous l'idée d'optimiser la fiscalité, au sens négatif du terme ! Si Total est imposé en Angola, c'est parce qu'il y produit du pétrole. Quelqu'un a assimilé la volonté de réduire ses impôts à un vol. Je veux croire que l'expression était maladroite, car il faudrait manquer gravement de bon sens pour renoncer à déduire un investissement de ses impôts, si on a le droit de le faire. Ce qui est choquant est d'agir de manière illégale, non transparente ou de déguiser ses résultats, ce qui risquerait en outre de ruiner l'image d'une société.
Toutes les agences de notation, qui suivent de près nos travaux, constatent que, sur tous les sites, nous consentons des efforts importants vis-à-vis à des communautés locales. Celles-ci se plaisent à les saluer, alors que les Français doutent de notre capacité à oeuvrer pour le développement durable. Quand Aung San Suu Kyi est venue en France, elle a reconnu qu'il existait en Birmanie – ou plutôt au Myanmar – un modèle social défendu par Total. L'affirmation, émanant d'un prix Nobel de la paix, mérite d'être soulignée.
Une industrie ne peut se comporter comme une société de services, qui peut partir ou de revenir comme elle l'entend. Pour elle, le vrai développement durable consiste à rester dans le pays et, grâce aux ONG, à lutter pour montrer l'exemple. Pour autant, je ne pense pas qu'il faille légiférer en la matière. À quoi bon expliquer depuis la France ce qu'il faut faire à l'étranger ? Ce serait prendre le risque de voter des lois qui ne seront pas appliquées. Je suis prêt à revenir vous expliquer preuves à l'appui, dans le cadre d'un groupe de travail, pourquoi certains règlements ne peuvent pas fonctionner. Je comprends que vous vouliez faire de la France un modèle, mais évitez de nous dire ce qu'il faut faire dans des pays que nous connaissons mieux que vous.