Quand nous avons choisi de fermer la raffinerie de Dunkerque – qui produisait 5 millions de tonnes de CO2 – et de la transformer en site industriel, des élus écologistes ont protesté. Afin d'expliquer cette attitude pour le moins paradoxale, ils m'ont dit qu'une société qui fait des profits comme les nôtres et travaille en Birmanie ne peut pas avoir raison. Vive le débat de fond sur la transition énergétique !
Il faut savoir si la France doit posséder des raffineries ou si elle doit limiter la production de gaz carbonique. La seule chose à souhaiter est que la baisse de la consommation d'énergie provienne non d'une chute de la croissance économique mais d'une réduction de l'usage des produits pétroliers, l'idéal étant que le consommateur puisse parcourir plus de kilomètres avec la même quantité d'énergie. Nous devons nous préparer intelligemment à une baisse des capacités.
Le prix du baril n'a pas augmenté depuis trois ans, puisqu'il est passé de 110 dollars en 2011, à 111 en 2012, puis à 109 en 2013. Si vous étudiez son évolution sur vingt ans, vous constaterez que le prix du pétrole a moins augmenté que celui de la plupart des autres produits. Pour qu'il baisse, il suffirait que l'euro soit plus fort. Mais en France, nous voudrions deux euros : un euro faible, pour exporter, un euro fort, pour importer. Plus sérieusement, à l'heure où notre balance extérieure est déficitaire, c'est une piste à explorer, d'autant que l'euro se situe aujourd'hui à 1,37 dollar, après être déjà monté à 1,58. Il n'est donc pas à son plus haut niveau.
La transition énergétique doit être préparée au niveau mondial, ce qui revient à dire qu'elle n'appelle pas un travail législatif en France. Ce n'est pas chez nous que vivront les 2 milliards d'habitants supplémentaires. En revanche, l'Afrique verra sa population passer de 1 à 2 milliards. Ce continent, que les Français réduisent à tort au Mali, au Rwanda ou à la République centrafricaine, se développe. Sa croissance moyenne atteint 6 % à 7 %. Nous continuons à y travailler et à y apporter nos savoir-faire, notamment pour réduire les émissions de gaz carbonique. D'ailleurs, les usines récentes étant moins polluantes que les anciennes, celles d'Afrique sont plus performantes que celles de France. Nous cherchons à présent le moyen de moderniser de l'intérieur les raffineries en service.
Quand Total contribue à réduire les émissions de gaz carbonique à l'étranger, on peut mettre ce progrès au bénéfice de l'industrie française. Je m'étonne qu'on reproche aux groupes qui travaillent à l'international de payer peu d'impôt en France. C'est en exportant l'activité qu'on réduit l'impôt ici. Les PME devraient nous imiter. En revanche, si l'on nous taxe davantage, on diminuera nos capacités à investir et à innover.
Sur les 880 sociétés que nous possédons, 300 viennent de Sunpower, simplement parce que, dans le système contractuel américain, il faut créer une société pour pouvoir vendre à un client de l'électricité photovoltaïque. Nos véritables filiales ne sont pas nombreuses. Nous ne les utilisons pas pour payer moins d'impôt en France, et nous avons conservé nos raffineries sur le sol national.
Mais là encore, on se heurte à un paradoxe. Quand j'ai formé le projet de créer une raffinerie en France, un ancien ministre de l'écologie, actuellement dans l'opposition, s'y est opposé, au motif que les écologistes y seraient hostiles. Car on veut toujours que les raffineries soient situées loin de chez soi. Not in my backyard ! Ce genre de comportement fait perdre un temps précieux.
Récemment, en raison d'un accident survenu à Donges, nous avons dû faire arrêter un train, avec l'aide d'EDF, pour prévenir un risque majeur. Heureusement, le trafic a été rétabli avant six heures du matin. Que faire quand une ligne ferroviaire passe à côté de la raffinerie ? S'il est normal que Total s'implique dans les problèmes de sécurité, est-il responsable quand un train passe à proximité de ses installations, surtout lorsque celles-ci étaient antérieures au tracé ferroviaire actuel ?
Une fois de plus, j'appelle à la cohérence. On ne peut pas à la fois réduire les émissions de CO2 et conserver des raffineries. Et les élus ne peuvent se plaindre quand elles ferment mais refuser qu'elles s'implantent dans leur circonscription !
Les stocks stratégiques de Total représentent trois mois de consommation. Le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie contrôle régulièrement que nous remplissons nos obligations. S'il nous arrive d'être en défaut parce qu'un produit vient à manquer, nous payons des pénalités, ainsi que le prévoit la loi.