Intervention de Christophe de Margerie

Réunion du 15 janvier 2014 à 9h30
Commission des affaires économiques

Christophe de Margerie, président-directeur général de Total :

Je persiste. La SARA est prête à accepter une réduction de sa rémunération mais pas n'importe laquelle, d'où le débat actuel à propos des arrêtés. Je ne peux pas laisser croire que la position est tellement rentable que les compagnies se battent pour prendre notre place. D'accord, nous acceptons d'exercer un service public au titre des devoirs qui incombent à une société française, mais nous ne voulons pas être traités comme des gens pas convenables qui se feraient de l'argent sur le dos des populations. Je veux bien discuter sereinement des arrêtés avec le ministère de l'économie et les autres parties prenantes, mais nous aurions préféré éviter un décret qui n'a pas été négocié avec nous.

Le risque de rupture d'approvisionnement résulte seulement des menaces de représailles qui pèsent sur nous au cas où nous ne nous soumettrions pas à toutes les exigences du préfet ou de ceux qui imposent leur position sans aucune négociation. Nous voulons seulement faire prendre conscience de ce qui se passerait si nous n'étions pas là. Il n'est pas question d'assécher le pays, mais, oui, affréter un bateau coûte de l'argent.

Incidemment, l'un des problèmes majeurs de notre approvisionnement outre-mer vient de ce qu'il a été décidé, parce que la France était la France – donc l'Europe – partout sur son territoire, que le raffinage se ferait selon les spécifications européennes alors que tout autour, les Caraïbes raffinent selon des critères locaux, avec des normes environnementales beaucoup moins exigeantes. Nous reprocher ensuite d'être beaucoup plus chers que les voisins est proprement inadmissible. La teneur en soufre et la qualité ne sont pas les mêmes ! D'ailleurs, en Guyane, certains profitent des stations locales pour fourguer leurs produits sales qu'ils font directement venir du Brésil. On peut faire comme si de rien n'était ou bien se demander quels critères il faut en Martinique ou en Guadeloupe. Si vous voulez le niveau de prix des pays d'à côté, alors adoptez les mêmes règles. Si, par contre, elles doivent être les mêmes dans tous les départements français, acceptez-en les conséquences.

Nous sommes pour la transparence. Mais jusqu'où ? Nous admettons les références de marché, mais, si on nous impose de remonter l'intégralité de notre chaîne d'approvisionnement, jusqu'aux coûts de trading, nous ne pouvons pas, et aucune société ne le ferait. Nous nous basons sur les prix de marché et aller au-delà créerait plus de problèmes que cela n'en réglerait. C'est pourquoi nous suggérons de nous en tenir à des règles simples et à des références utilisées dans tous les pays du monde. Il n'y a pas de raison d'analyser le prix de revient de Total qui s'approvisionne à l'échelle mondiale et pour qui les Antilles ne représentent qu'une toute petite partie du marché. D'une part, vous n'auriez pas les moyens de traiter les données de notre système logistique mondial et la transparence n'y gagnerait rien ; d'autre part, cela rouvrirait le débat sur le trading. Nous acceptons la transparence, mais elle ne consiste pas à expliquer tout ce qui se passe à l'intérieur d'une entreprise.

Les énergies nouvelles vont créer des emplois, mais elles en détruiront aussi dans les filières traditionnelles. Les fleurons du secteur parapétrolier français, à commencer par Technip, sont parmi les plus actifs au monde et font travailler beaucoup de personnes en France dans le pétrolier conventionnel. Oui, l'énergie verte peut créer des emplois, mais, globalement, on n'a pas encore fait la preuve que les énergies nouvelles contribueraient à une création nette d'emplois.

Les gaz de schiste profitent au consommateur américain, et surtout à toutes les industries électro-intensives, qui bénéficient d'une électricité deux fois moins chère qu'en France et trois fois moins qu'en Europe. Sans l'avantage énergétique, la croissance américaine serait très faible. Alors, oui à la production de gisements qui contiennent du pétrole, mieux valorisé que le gaz, mais, aujourd'hui, les gisements de gaz « secs » ne sont pas rentables. Il y a tellement de gaz aux États-Unis que, comme les capacités à l'export sont insuffisantes, les prix ont considérablement baissé.

Je suis incapable de vous dire ce que les explorations vont donner en Grande-Bretagne car nous n'avons pas encore foré. Je vous répondrai dans deux ans.

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