Intervention de Alice Médeuf-Andrieu

Réunion du 15 janvier 2014 à 9h00
Commission des affaires sociales

Alice Médeuf-Andrieu, CGT-FO :

J'interviendrai sur les aspects de démocratie sociale et sur les points qui n'ont pas fait l'objet de négociations, à commencer par la représentativité patronale, au sujet de laquelle Force ouvrière et bien d'autres organisations syndicales ont demandé au Gouvernement l'ouverture de négociations, à l'instar de celles qui ont eu lieu sur la représentativité syndicale. Malheureusement, nous n'avons pas été entendus. Pourtant, nous avons des observations à faire en ce domaine.

La première concerne les critères liés au nombre d'adhérents. Nous constatons que les commissaires aux comptes, qui sont responsables du décompte du nombre des adhérents à jour de leur cotisation, ont, par voie de conséquence, le pouvoir de déterminer la représentativité des organisations patronales. Or, dans la pratique, les cotisations n'apparaissent pas distinctement dans les comptes des organisations patronales, et leurs montants ne sont pas fixes. Ces cotisations sont souvent négociées et varient selon les entreprises ou les fédérations concernées. Voilà pourquoi nous estimons que la question de la transparence et du montant des cotisations aurait dû être traitée dans le cadre de ce projet de loi.

Notre deuxième observation concerne les adhésions multiples. Dans les faits, une entreprise peut adhérer à plusieurs fédérations patronales. Le texte laisse aux organisations professionnelles le soin de répartir les entreprises adhérentes et leurs salariés entre les différentes fédérations. Nous pensons qu'un tel choix devrait être opéré par l'entreprise. Les entreprises adhérentes devraient au moins être informées de la répartition qui est faite en leur nom. Or le texte ne le prévoit pas.

Troisième observation, en raison du critère retenu de l'audience, qui s'apprécie uniquement à l'aune du nombre d'entreprises adhérentes, les entreprises n'ont pas d'autre choix que d'adhérer à une organisation professionnelle, faute de quoi elles se verraient privées de leur droit de participer à la désignation de leurs représentants. À l'instar du Conseil d'État, dans la position qu'il a adoptée pour les salariés des TPE en matière de représentativité syndicale, nous estimons qu'un dispositif particulier, ou tout au moins une élection, à destination des entreprises non adhérentes permettrait de garder un certain équilibre.

Notre dernière observation concerne le refus des extensions et des arrêtés de représentativité. Le projet de loi donne au ministre du travail la faculté de refuser l'extension et de décider d'un élargissement ou d'une fusion de branche dès lors que les adhérents des organisations d'employeurs représentatives comptent pour moins de 5 % des entreprises de la branche, quand bien même il existerait, dans ces branches, une volonté de négociation. Ce pouvoir lui est accordé alors que la représentativité des signataires n'est pas en cause, que l'accord qui est signé est valable, et que les conditions requises pour l'extension sont remplies. Il s'agit là d'une règle entièrement dérogatoire qui ne peut être laissée à la seule décision du ministre. Voilà pourquoi nous demandons l'avis conforme de la Commission nationale de la négociation collective.

Pour ce qui est de la représentativité syndicale, le ministre du travail a considéré que tous les points faisant consensus entre organisations syndicales patronales au sein du Haut conseil du dialogue social seraient repris dans le texte. C'est en effet le cas, même s'il en manque un. Nous remarquons que la question de l'invitation à négocier le protocole d'accord préélectoral, qui a été introduite dans le texte, n'y a pas été discutée.

Quoi qu'il en soit, nous sommes favorables à ce que l'on porte à quinze jours le délai requis entre l'invitation à négocier le protocole d'accord électoral et la première réunion de négociation. Toutefois, ce délai devrait s'apprécier, non pas à la date d'envoi, ainsi que le prévoit le texte, mais à la date de réception de l'invitation. Nous proposons de modifier la rédaction dans les termes suivants : « l'invitation à négocier est reçue au plus tard quinze jours avant la date de la première réunion de négociation ». De la sorte, les organisations syndicales ne seraient pas empêchées de participer à la négociation des protocoles d'accord à cause de l'arrivée des courriers postérieure à la date effective de la tenue de la réunion.

Nous avions déjà fait remarquer, dans le cadre du Haut conseil du dialogue social, que ce délai de seulement quinze jours n'avait de sens que si l'invitation à négocier était adressée à la structure syndicale à même de traiter la demande. Or, dans la réalité, les invitations arrivent souvent à la confédération ou à une fédération très éloignée plutôt que sur le lieu géographique de l'entreprise. Le délai nécessaire à leur réacheminement met les organisations syndicales dans l'impossibilité de participer à la négociation du protocole d'accord électoral. Pour pallier cette difficulté, nous avions formulé la proposition suivante : « Lorsque l'invitation à négocier est envoyée aux syndicats affiliés à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel, l'envoi est adressé aux structures syndicales dont le champ géographique et professionnel couvre l'entreprise ou l'établissement concerné par l'élection et dont la liste est disponible auprès de la DIRECCTE concernée. » Nous nous étonnons que cette proposition n'ait pas été reprise dans le texte, d'autant qu'elle semblait faire consensus au sein du Haut conseil.

Par ailleurs, nous nous interrogeons sur une modification législative, relative à la répartition des sièges entre les catégories de personnel dans les collèges électoraux et à la perte ou la reconnaissance de la qualité d'établissement distinct. Il semblerait qu'une décision administrative ne soit plus nécessaire en l'absence d'organisation syndicale dans l'entreprise. Or on ne peut laisser l'employeur décider unilatéralement dans des matières aussi importantes que la représentativité ou les mandats électoraux. C'est à l'autorité administrative de décider de la répartition des sièges, de façon que cela n'affecte ni les mandats ni le nombre de représentants des organisations syndicales. Nous remarquons que ces points n'ont jamais été abordés par le Haut conseil et donc qu'aucun consensus n'a pu être dégagé en la matière. En conséquence, il convient de lever toute ambiguïté en indiquant de nouveau clairement, dans chacune des dispositions concernées, que « ces éléments résultent d'une décision administrative ou d'un accord entre organisations syndicales ».

Sur la partie traitant du délégué syndical, nous nous contenterons de rappeler que le texte ne répond pas à la recommandation de l'Organisation internationale du travail (OIT).

Je passerai très vite sur la transparence des comptes des comités d'entreprise. Le texte, sur lequel toutes les organisations syndicales et patronales ont travaillé, a fait consensus et nous y sommes favorables. Nous nous arrêterons toutefois sur la commission des marchés, dont les membres sont désignés par le comité d'entreprise parmi ses membres titulaires. Compte tenu de la charge importante qui incombe aux élus du comité d'entreprise, nous suggérons que leurs suppléants puissent également faire partie de cette commission. Nous pensons, en outre, que le temps passé en réunion à la commission des marchés doit être assimilé au temps de travail et rémunéré comme tel.

Je terminerai sur les nouvelles modalités de désignation des conseillers prud'homaux, lesquels ont pour nous une importance capitale. Nous ne comprenons pas la méthode retenue, qui consiste à légiférer par ordonnance. La désignation n'est pas une démarche démocratiquement acceptable et nous nous interrogeons sur l'utilisation des votes des salariés dans les entreprises. Nous sommes d'autant moins favorables à cette disposition qu'est prévue la mise en place d'un groupe de travail sur lequel nous n'avons pas d'éléments. À ce stade, nous ne saurions donc nous prononcer.

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