Le challenge était osé : offrir un outil au service de la compétitivité des entreprises grâce à un système d'encadrement des formations éligibles dans le cadre de listes fixées préalablement par les partenaires sociaux, tout en répondant aux préoccupations des salariés, notamment à ceux de l'encadrement. À ce propos, nous veillerons à faire en sorte que ces listes comportent des formations de tout niveau de qualification – ce que nous n'avons pas retrouvé dans le projet de loi – afin d'assurer au compte personnel formation (CPF) un caractère réellement universel.
Le recours gratuit à un conseil en évolution professionnelle constitue pour nous une avancée majeure, dans la mesure où il favorisera l'élaboration et la conduite d'un projet professionnel pour le salarié. En outre, la mise en place d'un entretien professionnel tous les deux ans permettra à celui-ci d'obtenir une reconnaissance de sa qualification et favorisera sa promotion. Cela méritait d'être souligné. Pour la CFE-CGC en effet, valoriser le capital humain que constituent les femmes et les hommes de l'entreprise est fondamental. Cet accord permet d'y parvenir tout en garantissant la compétitivité des entreprises.
Nous avons souhaité répondre aux difficultés de financement en créant une contribution dédiée spécifiquement au CPF, à hauteur de 0,20 % de la masse salariale de l'entreprise. La CFE-CGC a obtenu le maintien de la contribution unique « formation » à 1 % au lieu du 0,8 % proposé par le MEDEF et l'UPA, afin de garantir la mutualisation pour les petites entreprises. En contrepartie de la contribution unique, nous avons demandé un certain nombre de garanties. De fait, l'accord prévoit le développement du dialogue social dans l'entreprise sur les questions de formation et d'évolution professionnelle des salariés.
Nous sommes, bien évidemment, conscients des risques que comporte cette évolution, notamment dans les petites et moyennes entreprises. Si les grandes entreprises investissent bien souvent au-delà de leur obligation légale dans la formation de leurs salariés, de nombreuses entreprises de taille plus modeste ne dépassent pas ce plafond. C'est pourquoi notre confédération suivra très attentivement l'évaluation des impacts de cette réforme structurelle, et n'aura de cesse de rappeler, dans les entreprises et dans les branches, que la diminution de la contribution obligatoire ne signifie pas la disparition des obligations de l'employeur en matière d'adaptation au poste de travail. La CFE-CGC veillera au maintien de l'employabilité des salariés.
De la même façon et comme nous l'avons répété tout au long de cette négociation, la CFE-CGC est profondément attachée au principe de mutualisation, favorable aux petites et moyennes entreprises. Le taux de mutualisation prévu par l'accord ne constitue qu'un minimum garanti. Nous avons laissé la possibilité aux branches, en fonction de leurs besoins, d'augmenter ce taux pour répondre aux attentes de leurs entreprises.
D'autres points relatifs à la formation professionnelle sont abordés dans le cadre du projet de loi. Je pense notamment à l'apprentissage et à la gouvernance, dans le cadre de l'acte III de la décentralisation. Nous n'avons jamais caché nos craintes face à un processus de décentralisation toujours plus poussé qui, s'il peut permettre de répondre plus finement aux besoins exprimés dans les territoires, soulève des interrogations sur la place des partenaires sociaux dans la définition et la mise en oeuvre des politiques de formation, et sur les outils qui seront à notre disposition pour évaluer, au niveau national, les actions menées. De même, si les dispositions relatives à l'apprentissage comportent des avancées importantes – création d'une période d'apprentissage dans le cadre d'un CDI, renforcement du rôle des centres de formation des apprentis (CFA) dans l'accompagnement des jeunes, réduction du nombre d'organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage (OCTA) –, des incertitudes demeurent sur le risque de creusement des inégalités territoriales lié au renforcement de la décentralisation. Nous rappelons notre volonté de conserver un pilotage national des politiques menées tant en matière de formation professionnelle que d'apprentissage.
Nous nous inquiétons également de l'impact qu'aura cette réforme sur les formations en apprentissage dans le supérieur, ainsi que sur le financement des formations hors apprentissage, dispensées par les lycées d'enseignement technologique et les écoles de commerce ou d'ingénieurs, qui bénéficiaient jusqu'à présent d'une partie importante du produit de la taxe.
En conclusion, le vote de la loi relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, qui doit intervenir avant la fin du mois, ne sera que la fin d'une première étape. De nombreux chantiers restent encore devant nous pour l'année 2014 : la mise en oeuvre opérationnelle du système de gestion du CPF et du conseil en évolution professionnelle ; la négociation dans les branches et dans les entreprises pour adapter les accords en vigueur aux nouvelles dispositions de l'ANI. Enfin, une réflexion générale devra être engagée sur la qualité de l'offre de formation. Autant de sujets sur lesquels la CFE-CGC sera mobilisée pour accompagner et faire vivre cette profonde et ambitieuse réforme.