Merci, madame la présidente, de nous accueillir à propos d'un accord que nous avons préparé et négocié trois mois durant, avec un enthousiasme que partageait Pierre Burban, secrétaire général de l'UPA – dont je regrette d'autant plus l'absence.
Je dirige aujourd'hui une PME industrielle du Massif Central, mais je suis née et j'ai grandi en Suisse, où la formation en apprentissage et en alternance constitue une voie d'excellence, de même que la formation continue. Aujourd'hui encore, il n'y a en Suisse romande que 30 % des jeunes à poursuivre des études à l'université ou dans une haute école, 70 % entrant dans la vie active par la voie de l'alternance ou de l'apprentissage. Autodidacte moi-même, je continue de me former en permanence. Je suis donc une militante de la formation professionnelle, convaincue de son rôle stratégique pour l'avenir de nos entreprises dans un monde en évolution auquel nous devons sans cesse nous adapter.
En négociant cet accord, le MEDEF a poursuivi deux objectifs : faire de la formation professionnelle, de la « montée en compétence » des hommes et des femmes de nos entreprises, un levier de compétitivité, et sécuriser leur parcours professionnel et leur mobilité. Nous y sommes d'autant plus déterminés que, selon les experts, 20 à 30 % des métiers qui seront exercés au sein de nos entreprises dans quinze ou vingt ans nous sont encore inconnus à ce jour, cependant que quelque 10 % du temps de travail de nos salariés sera consacré à la formation, sous une forme ou sous une autre.
Nous avons eu aussi deux obsessions : d'abord celle, partagée avec bon nombre de nos interlocuteurs, de placer les utilisateurs au coeur de notre réflexion et de nos propositions ; ensuite celle de simplifier drastiquement un dispositif dont la complexité et l'opacité sont apparues avec le recul comme les principaux obstacles auxquels se heurtaient les entreprises, surtout les TPE et les PME, lorsqu'il s'agissait de former leurs salariés. Sur ce dernier point, nous avons fait de grands progrès ; les précédentes auditions ont sans doute commencé de vous en convaincre.
Pour conférer à l'utilisateur – entreprise, salarié, demandeur d'emploi – un rôle central, nous nous sommes efforcés de lui donner à la fois plus de liberté et plus de responsabilité.
Aux yeux de l'entrepreneur, il fallait ainsi faire apparaître la formation non comme un étau de contraintes et de dépenses, mais comme un investissement d'avenir dans son capital le plus précieux : les hommes et les femmes de son entreprise. Nous avons donc proposé de le libérer de la « contribution obligatoire individuelle » – les 0,9 % de la masse salariale qu'il devait consacrer au plan de formation. En contrepartie, et pour donner corps à la responsabilité qui lui incombe de former ses collaborateurs, en fonction des besoins et de la stratégie de son entreprise, nous avons proposé d'instaurer une obligation d'entretien biennal dont le compte personnel de formation (CPF) sera le pivot, allant jusqu'à prévoir une sanction dans l'hypothèse où, par malheur, ni l'entretien ni la formation ne seraient au rendez-vous.
Pour simplifier la tâche des entreprises, les trois contributions à trois organismes différents seront remplacées par une seule. C'est à nos organismes, et non à l'entrepreneur lui-même, qu'il appartiendra de gérer la complexité résiduelle du système, irréductible car elle résulte de la grande diversité – de taille, de secteur, régionale – qui caractérise nos entreprises. Autre source majeure de simplification : la fin de l'imputabilité, qui représentait un véritable fardeau administratif. Enfin, le CPF sera géré à l'extérieur de l'entreprise, contrairement à ce qu'il en était pour le droit individuel à la formation (DIF).
Pour accroître la liberté du salarié, le MEDEF a souhaité que ce dernier puisse activer son CPF sans en référer obligatoirement à l'employeur lorsque la formation est dispensée en dehors du temps de travail. La mobilité étant appelée à se développer, il nous semble en effet essentiel de la sécuriser afin d'apaiser les craintes des salariés et, selon un cercle vertueux, celles qui retiennent l'employeur d'embaucher. Ainsi, le collaborateur d'un laboratoire qui ne posséderait pas la qualification de préleveur pourra activer son CPF afin de bénéficier d'une formation qualifiante en dehors de son temps de travail, dans l'hypothèse où son patron ne prendrait pas l'initiative de la lui proposer ; cela lui permettra de quitter son entreprise pour se faire embaucher par un autre laboratoire.
Afin de rendre le salarié responsable de sa formation, le CPF sera désormais entre ses mains, attaché à sa personne. S'il travaille deux ans dans une entreprise, puis trois ans dans une autre en ayant éventuellement connu une période de chômage entre-temps, son compte pourra être activé de la même manière, alors que les acquis du DIF étaient perdus lorsque l'on quittait son entreprise. Surtout, le CPF restera sa propriété – il pourra même, s'il le souhaite, garder le secret sur son utilisation. Ainsi, et grâce à l'entretien de compétence, le salarié deviendra coresponsable de son parcours professionnel, qui, jusqu'à présent, était surtout l'affaire de son supérieur ou du chef d'entreprise, du moins dans les PME et TPE.
Dans le même souci de responsabilisation, le CPF ne pourra être activé que pour des formations qualifiantes figurant sur des listes proposées par les branches ou par les régions, et destinées à développer des compétences dont les entreprises ou les territoires – et le « territoire France » lui-même – ont véritablement besoin. Il existe en moyenne 400 000 offres d'emploi non pourvues. Nous, organisations patronales, devrions être de bien meilleurs prescripteurs et, à cette fin, travailler avec les régions de manière beaucoup plus constructive.
La simplification bénéficiera aussi au salarié : il n'aura plus qu'un seul interlocuteur, le Fonds de gestion des congés individuels de formation (FONGECIF), et aura la possibilité de s'adresser à un conseiller en évolution professionnelle qui pourra lui-même mettre à profit tous les éléments disponibles dans les territoires.
Le même triptyque vaudra pour le demandeur d'emploi. Liberté : il pourra activer son CPF sans passer par les arcanes des autorisations de Pôle Emploi. Aujourd'hui, il lui faut attendre en moyenne sept mois avant d'accéder à une formation ; nous espérons diviser par deux ce délai, beaucoup trop long pour lui permettre de rebondir sur le marché du travail. Responsabilité : le demandeur d'emploi, comme le salarié, ne pourra activer son compte qu'afin de bénéficier de formations qualifiantes. Simplification : elle viendra également de l'unicité de l'interlocuteur – en l'occurrence Pôle Emploi.
L'accord responsabilise aussi les autres acteurs de la formation que sont les branches et les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA). Les branches deviennent de véritables prescripteurs, qui auront à s'ajuster aux besoins réels des entreprises et des territoires. Conscient du fait qu'il n'est pas encore assez performant de ce point de vue, le MEDEF a l'intention de consacrer à cet objectif les moyens nécessaires, sur tout le territoire et dans toutes les branches. L'ensemble des partenaires sociaux nous approuvent et estiment que les observatoires des métiers, bien pilotés, peuvent servir d'instruments stratégiques à cette fin. En outre, les branches devront veiller à la qualité et au suivi des formations proposées à leurs entreprises. Ce que nous faisons au sein de nos entreprises, nous devons, en tant qu'organisation, le faire aussi à leur service.
Quant aux OPCA, dont un certain nombre ne se considèrent encore que comme des collecteurs, ils devront devenir de véritables prestataires de services, des partenaires, voire des ingénieurs de formation, en particulier pour les TPE et les PME, les entreprises qui ont le plus de mal à s'organiser dans ce domaine. Ils pourront ainsi leur proposer des méthodes pédagogiques et, surtout, des programmes sur mesure, d'autant plus nécessaires que l'entreprise est plus petite. Pour ma part, je n'aurais pu permettre à tous les opérateurs de mon entreprise de plasturgie de passer un certificat de qualification professionnelle sans un OPCA qui a su ciseler une formation tenant compte de mes contraintes – il fallait dégager près de 170 heures pour 60 à 70 personnes. Voilà un exemple de ce à quoi l'on peut parvenir en développant la « culture client » au sein des OPCA.
Tel est le cadre général de la réforme, dont nous pourrons préciser la teneur en répondant à vos questions.