Intervention de Jean-Paul Tran Thiet

Réunion du 14 janvier 2014 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Jean-Paul Tran Thiet, membre du comité directeur de l'Institut Montaigne :

À quoi sert le débat sur la fusion de la présidence de la Commission européenne et du Conseil européen ? Outre que nous n'avons guère de chances de voir cette fusion à échéance prévisible, cette question préoccupe-t-elle les citoyens ? À quoi bon incarner une Europe si on ne lui transfère pas de compétences en matière de politique diplomatique, fiscale, économique ou budgétaire ?

Les projets évoqués, en revanche, sont intéressants. L'Europe de l'énergie, par exemple, a bien évidemment une dimension internationale. Vouloir la faire sans savoir qui négocie avec qui alors que le principal fournisseur de gaz est aux portes de notre territoire ne sert à rien. Cela ne signifie pas qu'une seule personne à Bruxelles aurait le monopole de la discussion avec M. Poutine, mais qu'il faut coordonner nos politiques énergétiques et nous efforcer de définir nos intérêts communs et de jouer le jeu d'une politique articulée pour les dix à vingt prochaines années : c'est le contraire de la réaffirmation d'une décision entièrement autonome de chacun des États membres.

Quant à l'ouverture évoquée à propos des traités, de l'OMC, des accords avec la Corée et du pacte transatlantique, elle est indispensable, mais doit aussi s'accompagner d'une revendication forte en termes d'égalité d'accès au marché : l'Europe ne doit pas s'ouvrir à des partenaires qui resteraient fermés et il faudrait être naïf pour ne pas voir que les politiques commerciales des grands pays partenaires de l'Europe sont axées sur leurs intérêts nationaux.

Je ne sais pas plus que quiconque ce que Mme Merkel et M. Hollande avaient à l'esprit lorsqu'ils ont parlé d'union politique, mais il n'est déjà pas si mal qu'ils en parlent. Définissons des thèmes et décidons de faire des choses en commun : le mouvement se prouve en marchant.

En matière de conflits internationaux, l'Europe ne peut pas tout. Je souscris à l'idée que la compétence en la matière n'est pas une souveraineté transférée – mais il s'agit néanmoins d'une souveraineté partagée : on ne saurait demander des investissements dans les industries de défense sans accepter de faire des efforts communs et de les imposer à nos industriels ni sans instaurer un juste partage des tâches, des responsabilités et des charges budgétaires en cas d'interventions entreprises au nom de l'Union européenne dans le cadre des Nations Unies ou de l'OTAN. Les projets en ce sens doivent être développés rapidement, quelles que soient les contingences institutionnelles que nous avons évoquées.

Il n'est pas vrai, enfin, que l'Europe soit responsable des politiques d'austérité et des politiques budgétaires : elle est un révélateur de quarante ans de laxisme, où nous avons vécu à crédit. Que l'union monétaire nous impose un minimum de rapprochement et de rigueur peut être salvateur : il n'est pas mauvais que les institutions européennes nous imposent en commun un peu de discipline.

Je conclurai en observant que le rapport intitulé L'Europe présence, publié par l'Institut Montaigne voilà une douzaine d'années, n'a hélas guère pris de rides : peu des projets proposés ont été mis en oeuvre et tous sont aussi nécessaires aujourd'hui qu'ils l'étaient alors.

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