Monsieur le président, madame et monsieur les ministres, chers collègues, l’Assemblée nationale est appelée à examiner la proposition de loi relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques.
À ma collègue Laurence Abeille, rapporteure et auteure de cette proposition de loi au nom du groupe écologiste, je reconnais l’immense mérite de la ténacité. Alors qu’un précédent texte s’était heurté à une motion de renvoi en commission, Mme Abeille s’est saisie de cette infortune pour remettre l’ouvrage sur le métier. Un an presque jour pour jour après cette motion de renvoi, et à l’issue d’un travail minutieux et complet, composé d’échanges et de nombreuses auditions, il nous est proposé un nouveau texte renforcé qui nous permet enfin de nous prononcer sur cette question de l’exposition aux ondes électromagnétiques, qui préoccupe la plupart de nos concitoyens.
Je tiens également à remercier M. Philippe Martin, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, et Mme Fleur Pellerin, ministre de l’économie numérique, qui ont suivi avec attention l’évolution des travaux relatifs à cette proposition de loi. Nous ne pouvons que nous réjouir lorsque s’établit un lien de travail constructif et rigoureux entre le pouvoir exécutif et la représentation nationale, comme ce fut le cas avec vos ministères sur ce texte. Enfin, je remercie M. le président Brottes d’avoir permis que le sujet des ondes électromagnétiques ne soit pas délaissé en commission.
Je crois, avec le groupe écologiste, que nous avons aujourd’hui l’occasion d’adopter un texte équilibré, qui répond aux inquiétudes légitimes des Français et qui anticipe l’avenir, tout en permettant – sans aucun frein – l’innovation et les progrès techniques. Voilà bien, en effet, le fond de la question qui nous anime ; autant l’aborder franchement. Il s’agit d’élaborer la loi dans une situation que certains qualifient d’« incertitude scientifique ».
Certes, la mode est aujourd’hui de réduire bien trop souvent le débat politique à des anathèmes. N’opposons pas le camp des tenants de la modernité à celui de ses contempteurs. Il n’existe pas des inconscients du progrès d’un côté et, de l’autre, des élus avisés et responsables. Ne comptez pas sur nous pour nous associer au choeur de ceux qui abaissent le débat démocratique, car il va de soi que nous sommes tous ici soucieux des enjeux de santé publique, et tous attentifs aux inquiétudes légitimes de nos concitoyens.
J’entends parfois dire que ce débat poserait un problème philosophique : voulons-nous, oui ou non, vivre dans une société qui honnit la moindre prise de risque, annihilant ainsi toute dynamique et paralysant le progrès ? Laissons donc la philosophie aux philosophes ; il y a d’ailleurs bien longtemps qu’ils ont tranché la question, d’Aristote à Camus en passant par Rabelais. Il me semble qu’il n’appartient pas au Parlement de se prononcer sur la réalité des risques sanitaires liés à l’exposition aux ondes ; ce rôle incombe aux hommes de science.
C’est là tout mon propos : je crois en vérité que notre débat est tout simplement politique, au sens noble du terme. Il est vrai qu’il soulève des questions passionnantes, mais en tant que législateur, nous devons aussi – et surtout – penser aux implications pratiques de nos choix. C’est sur ce plan que le groupe écologiste continuera de se situer en respectant les arguments des uns et des autres.
De quelles informations fiables disposons-nous pour légiférer correctement ? Quelles sont les conséquences d’une exposition de la population aux ondes électromagnétiques ?
Les études scientifiques que j’évoquais à l’instant, et dans le détail desquelles il ne s’agit pas d’entrer aujourd’hui, font état soit d’un risque avéré, soit d’un risque potentiel. En tout état de cause, une chose est sûre, c’est qu’elles s’accordent toutes sur un point : on ne saurait exclure totalement le risque. Les signaux d’alerte existent ; il nous appartient donc à nous, législateur, d’en tenir compte et d’y répondre de manière proportionnée, par de justes mesures préventives, et j’ajoute – car ce point a son importance – sans susciter de peurs inutiles. De surcroît, le fait que les Français nous fassent régulièrement part de leurs inquiétudes à ce sujet devrait suffire à ce que nous nous en saisissions.
Il s’agit enfin d’assurer le respect des principes constitutionnels de notre pays, au premier rang desquels celui de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, comme le rappelle l’article premier de la Charte de l’environnement, constitutionnalisée en 2005.
Le groupe écologiste a la certitude que la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui répond à ces enjeux sans freiner le développement de nouvelles technologies, ni même le déploiement du réseau numérique. Le texte permet de tendre vers un objectif, celui de la modération de l’exposition aux ondes électromagnétiques, et prévoit pour ce faire d’agir grâce à plusieurs leviers adaptés et proportionnés.
En amont, il s’agit d’informer la population, car une grande part de la crispation et des inquiétudes actuelles s’expliquent par l’opacité qui entoure le sujet. Mieux informé, le citoyen pourra se forger un jugement plus sûr, tandis que les industriels auront l’occasion de faire connaître leurs services en toute transparence.
Les articles 4, 5 et 6 de la proposition de loi répondent à ces objectifs. Ainsi, l’article 4 prévoit notamment l’indication du débit d’absorption spécifique et la mention des précautions d’usage du téléphone portable. L’article 5 permet quant à lui d’encadrer la publicité pour les téléphones mobiles et autres terminaux connectés. L’article 6 vise enfin à confier à l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES, une mission de prévention sanitaire en vue d’une utilisation plus responsable des téléphones mobiles.
Si l’information est capitale, l’anticipation ne l’est pas moins, compte tenu notamment de l’incertitude scientifique qui nous impose d’y voir plus clair. C’est l’objectif principal qui est visé par une partie de l’article 1er et par l’article 3 de la proposition de loi. Ainsi l’article 1er prévoit-il de simuler les niveaux d’expositions générés par une antenne relais, et ce avant même son installation. L’article 3 confie à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, la mission d’évaluer périodiquement les risques sanitaires de l’exposition aux ondes électromagnétiques. Qui pourrait s’en plaindre ?
En outre, l’article 1er prévoit une procédure de concertation et de transparence au niveau local et départemental lors de l’installation de nouvelles antennes. Les élus locaux sont en effet les premiers concernés par l’aménagement, même numérique, de leur territoire.
Pour vous épargner le commentaire du texte article par article, je me contenterai d’évoquer l’article 7, qui nous tient particulièrement à coeur car il protège les populations les plus vulnérables : nos enfants. Cet article prévoit une limitation des installations de boîtiers internet sans fil dans les espaces fréquentés par des enfants en bas âge, qu’il faut sanctuariser. A-t-on franchement besoin, en maternelle, de la dernière tablette numérique connectée en réseau ?
Les enfants sont par nature plus vulnérables aux ondes, du fait de leur boîte crânienne moins calcifiée. Il était donc logique d’aller au-delà de la simple information et de prendre des mesures préventives et proportionnées d’interdiction. Si le monde adulte peut s’autoriser une certaine prise de risque, et sans doute même le doit-il, nous nous accorderons tous ici pour dire que nous devons préserver nos enfants, même face à un risque infime. Nous proposerons d’ailleurs quelques amendements visant à affiner l’excellent travail déjà effectué en commission.
Le groupe écologiste, auteur de la présente proposition de loi, demande à l’Assemblée de bien vouloir l’adopter !