Pour notre part, nous pensons que le législateur doit explicitement demander le respect du principe ALARA – mon anglais étant effroyable, je ne vous détaillerai pas ce que signifie ce sigle –, lequel vise à réduire les expositions à un niveau aussi faible que possible. En l’état actuel des connaissances, nous sommes favorables, madame, monsieur les ministres, à l’instauration d’un plafond d’exposition du public aux hyperfréquences de 0,6 volt par mètre. Du reste, ce seuil a été préconisé par le Conseil de l’Europe. Il figurait également dans une proposition de loi, déposée par notre ancien collègue Jean-Pierre Brard sous la douzième législature, cosigné par des représentants de tous les groupes – dont une future ministre de l’environnement, chers collègues de l’UMP : Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.
Compte tenu de la configuration des réseaux développés, c’est une part extrêmement importante de la population qui est concernée ou qui va l’être. Nous savons que les jeunes, à commencer par les enfants, sont particulièrement touchés par les ondes, du fait de l’utilisation précoce qu’ils font des nouvelles technologies. Je souhaite également que les lieux de travail, les transports en commun et les bâtiments universitaires puissent être mieux préservés, comme le demandent les associations spécialisées.
Il est donc plus que temps de légiférer. J’ai déposé un certain nombre d’amendements, pour prendre toute ma part dans le débat, mais aussi, et surtout, pour améliorer, autant que faire se peut, cette proposition de loi. Ce texte – faut-il le dire ? – ne peut être qu’un premier pas. D’autres suivront inéluctablement, tant nous sommes, sur ces questions, dans le temps des incertitudes.
S’agissant de l’électro-hypersensibilité, je regrette que nous nous en tenions à un simple rapport. Pour connaître les cas douloureux de plusieurs personnes accueillies dans mon village d’Auvergne, je crois que nous devons avancer, notamment au regard de l’urgence dans laquelle se trouvent ces personnes. Des cas nombreux ont été signalés dans tous les pays. Dans son rapport d’octobre 2009, consacré aux radiofréquences, l’ANSES reconnaissait l’existence de cette maladie. J’ai reçu des témoignages très étayés de personnes de tous âges qui décrivent la difficulté de vivre dans des lieux où les émissions d’ondes électromagnétiques, notamment via le wi-fi, sont fortes et persistantes, ou dans des villes où il est impossible d’échapper au rayonnement des antennes-relais. Cela nécessite des aménagements et suscite souvent l’incompréhension de l’entourage professionnel, mais aussi parfois familial, avec les drames que cela suppose, du fait de l’insuffisante prise en compte sanitaire de l’électro-hypersensibilité dans notre société.
Dès 2008, j’avais alerté la ministre de l’époque sur cette question. Il m’avait été répondu que l’ensemble des symptômes de l’électrosensibilité ne faisait partie d’« aucun syndrome reconnu ». Il est temps de permettre une caractérisation de cette pathologie, afin d’apporter une réponse adaptée, d’autant que celle-ci a fait l’objet de travaux de la part de la Commission européenne dès 1997 et de l’Organisation mondiale de la santé dès 1998.
Comme l’année dernière, je voudrais rappeler, en guise de conclusion, que, pour notre part, nous ne nous satisfaisons pas d’une approche qui se contenterait de limiter l’exposition aux ondes, sans réfléchir aux causes de cet accroissement du brouillard électromagnétique, à savoir la marchandisation des technologies de la communication. L’aménagement numérique et technologique du territoire devrait en effet relever du seul service public. De cette façon, au lieu de donner lieu à une prolifération de réseaux concurrents avec leurs propres antennes-relais, un accès égalitaire et sobre aux technologies serait possible. En effet, le déploiement et l’exploitation d’un seul réseau par la collectivité auraient permis d’éviter à la fois les déserts numériques et la surabondance des sources d’ondes électromagnétiques qui sont la conséquence d’une lutte terrible entre les différents opérateurs. Mais, ici comme partout, le néolibéralisme fait des ravages, dans les têtes comme dans les corps. N’est-il pas temps de faire un bilan exhaustif et impartial des privatisations successives et de l’ouverture à la concurrence dans le domaine des télécommunications ?
Quoi qu’il en soit, il faut ouvrir aujourd’hui un chemin, quand bien même ce ne serait qu’un sentier aux yeux de ceux qui attendaient bien davantage. Sans doute le texte final décevra-t-il ceux qui connaissent au quotidien une souffrance extrême.
J’avais cité René Char durant le débat sur la loi d’avenir pour l’agriculture : « L’inaccompli bourdonne d’essentiel. » Mais ce grand poète a eu aussi une très belle expression dans les Feuillets d’Hypnos : « L’impossible, nous ne l’atteignons pas, mais il nous sert de lanterne. » Eh bien, je voudrais dédier ces mots aux personnes dites électro-hypersensibles, qui sont en souffrance et qui attendent aujourd’hui que l’on prenne une décision. Certes, ce ne sera qu’un premier pas, mais il est prometteur.