Intervention de Paul Molac

Séance en hémicycle du 23 janvier 2014 à 9h30
Encadrement de l'utilisation des produits phytosanitaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Molac :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui, portée par les groupes écologistes et adoptée au Sénat, est une première brèche dans le dogme du tout-chimique. Précisons que cette brèche est déjà largement ouverte dans les esprits, mais qu’il convient désormais de la concrétiser dans notre droit. Pour la première fois, avec cette proposition de loi, des produits phytosanitaires classiques seront interdits, et non plus seulement encadrés, dans le but de modifier les pratiques, en favorisant notamment leur remplacement par des produits de bio-contrôle.

Cela concerne spécifiquement l’utilisation et la vente des pesticides dont les usages sont non agricoles. C’est forts des conclusions du rapport Bonnefoy sur les dangers de la mauvaise utilisation des produits phytosanitaires, mais également de l’expérience de nombreux maires, dont notre collègue Joël Labbé, l’auteur de cette proposition de loi, que nous sommes aujourd’hui réunis. Il est vrai que 40 % des mairies sont déjà passées au « zéro phyto », mais la loi que nous proposons aujourd’hui fait un pas résolu en direction des consommateurs et des collectivités, qui sont plutôt demandeurs d’un encadrement.

Ce qui motive cette proposition de loi, c’est la lutte contre les impacts importants, et aujourd’hui avérés, des produits phytosanitaires sur la biodiversité, l’environnement, la qualité de l’eau et la santé publique. Les agents publics qui les manipulent quotidiennement sont évidemment en première ligne, de même que les agriculteurs, qui ne sont pas concernés par cette proposition de loi, et les citoyens, cela va de soi. Rappelons que la France est une championne, non seulement de l’usage des médicaments, mais aussi de celui des produits phytosanitaires. Or se passer de ces derniers ne coûte pas davantage. La plupart des collectivités concernées nous ont dit que cela aurait parfois même tendance à réduire leur coût à l’hectare. En effet, les produits sont coûteux, et les coûts induits, notamment en matière de traitement de l’eau, sont largement réduits.

Il faudra certes faire un effort de formation, mais des financements peuvent être trouvés auprès des départements et du Centre national de la fonction publique territoriale. Du reste, cet effort de formation est directement assuré par les jardiniers eux-mêmes, qui échangent de bonnes pratiques, après avoir vu leur métier se diversifier et être revalorisé. Il faudra, de même, informer le public et lui expliquer que quelques brins d’herbe sont souvent meilleurs pour la santé que le culte de la propreté absolue, où le moindre brin d’herbe est impitoyablement exterminé.

Le lien entre certaines pathologies et les produits phytosanitaires est désormais prouvé. Il ressort des données scientifiques publiées au cours des trente dernières années qu’il existe une corrélation entre l’exposition professionnelle à des pesticides et certaines pathologies chez l’adulte, qu’il s’agisse de la maladie de Parkinson ou de certains cancers, dont celui de la prostate, mais également chez l’enfant né ou à naître. Il convient donc de protéger la santé de toutes ces personnes : riverains, usagers privés, et surtout agents publics, notamment les jardiniers, qui ont à manipuler quotidiennement ces substances. Si le champ de cette proposition de loi, en excluant les usages agricoles, ne concerne qu’un faible tonnage de produits sanitaires – 5 à 10 % du total –, ils n’en ont pas moins un impact sur toute la population. Il s’agit bien là de l’un des enjeux essentiels de cette proposition de loi : les collectivités locales ne peuvent plus se permettre de laisser leurs agents manipuler des produits dangereux pour leur santé, et leurs administrés vivre dans les endroits traités. Les commerçants, quant à eux, ne peuvent plus laisser en vente libre à des particuliers des produits nocifs sur lesquels ils les informent mal, ou peu.

Les deux mécanismes prévus par cette proposition de loi jouent donc sur les collectivités locales, d’un côté, et sur les commerces de l’autre. S’agissant de la mesure prévue à l’article 1er, qui vise à interdire, à compter de 2020, l’utilisation des produits phytosanitaires, à quelques dérogations près, il convient de noter qu’elle vise surtout à amplifier et à renforcer des pratiques qui existent déjà. En effet, selon les propres termes utilisés par les représentants des collectivités locales déjà engagées dans des démarches « zéro phyto », une loi les encouragerait à poursuivre dans cette voie, qu’ils ont d’ailleurs tracée eux-mêmes de manière autonome, ce dont il faut les féliciter. Ce texte répond donc à une attente des collectivités locales, tout en constituant une reconnaissance du travail accompli par nombre d’entre elles. Ce qui les motive aujourd’hui, c’est l’obtention d’un label environnemental. Ces labels sont utiles et le demeureront, car ils ont beaucoup fait pour encourager des collectivités à aller encore plus loin dans leur démarche de responsabilité. Mais rien ne peut être comparé à la force de la loi, et c’est pourquoi le groupe écologiste vous propose d’adopter aujourd’hui cette proposition de loi.

Ce que nous vous proposons est un dispositif réaliste, dont l’efficacité a déjà été prouvée par les nombreuses collectivités qui mettent déjà en place le « zéro phyto » – 40 % d’entre elles. Elle encadrera mieux leurs pratiques et les incitera à aller encore plus loin, sachant que certaines d’entre elles atteignent déjà des seuils proches de 95 %. Mais cette loi cible surtout les 60 % de collectivités locales qui n’ont pas encore adopté de plan « zéro phyto ». Elle incitera les élus à franchir le pas, mais de manière raisonnée, puisque la date butoir est fixée au 1er janvier 2020.

Certains trouveront peut-être cette date encore un peu trop lointaine. À l’origine, la proposition de loi avait proposé la date butoir du 1er janvier 2018 pour les communes et les particuliers. Mais les dates d’application retenues dans notre version du texte sont le fruit d’un consensus et doivent permettre que les communes, qui sont les collectivités les plus nombreuses et les plus concernées, aient le temps d’un mandat pour modifier leurs pratiques. Elles nous ont d’ailleurs confirmé qu’elles considéraient cette date comme tout à fait raisonnable. Il convient dès lors d’enclencher dès aujourd’hui ce processus de mutation dans les pratiques, afin que les conseils municipaux élus puissent s’atteler dès le mois d’avril prochain à former du personnel, informer la population, changer leurs pratiques et procéder, dans leurs services, à la réorganisation que cela induit.

Certains se sont interrogés sur les dérogations étendues aux cimetières et aux terrains de sport. Le droit, dans le domaine dont nous parlons, est amené à évoluer, et les législateurs que nous sommes y prendront leur part à travers d’autres textes. Reste qu’aujourd’hui, l’opinion n’est pas prête à voir appliquée l’interdiction des produits phytosanitaires sur les terrains de football ou dans les cimetières. Certaines collectivités ont trouvé des solutions dans le cadre du plan « zéro phyto » : il leur faudra les appliquer sur tous les types de terrains. Mais pour rendre cette proposition de loi acceptable pour le plus grand nombre de communes, il convient de rester sur une mesure de consensus. Bien sûr, rien n’empêchera les collectivités qui le souhaitent d’aller plus loin et de faire du « zéro phyto » y compris dans les cimetières et les terrains de sport.

La mesure contenue à l’article 2 vise à interdire la mise sur le marché, la délivrance, l’utilisation et la détention de produits phytosanitaires pour un usage non professionnel et à instaurer un dispositif de sanctions en cas de non-respect de cette interdiction. Cette mesure ne s’appliquera pas aux produits de bio-contrôle, aux produits « à faible risque » selon la définition de la législation européenne, ni aux produits dont l’usage est autorisé dans le cadre de l’agriculture biologique. Il semblerait toutefois que les critères de définition des catégories précitées, notamment des préparations, soient encore fluctuants et nécessitent d’être stabilisés à l’épreuve de la pratique dans les prochains mois. Le rapport demandé au Gouvernement à l’article 3 pourrait ainsi utilement faire le point sur le régime juridique de ces produits et substances.

La mesure d’interdiction de vente de produits phytosanitaires aux particuliers, contenue dans l’article 2 de cette proposition de loi, permettra surtout de répondre à une attente forte des consommateurs. En effet, à l’heure actuelle, les magasins ne fournissent aucun conseil sur les produits de bio-contrôle ou les produits naturels. Les personnels ne sont pas formés et les informations et communications ne sont pas bonnes.

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