Je vous accorde, chers collègues écolos, le bénéfice du doute, même si la proximité des échéances électorales n’en laisse aucun sur le but de la manoeuvre.
Mais, voyez-vous, comme disait Walter Lippmann, « quand tout le monde pense la même chose, c’est que personne ne pense beaucoup ». Je suis persuadé qu’en matière législative, le mieux est parfois l’ennemi du bien : c’est encore le cas concernant cette proposition de loi. Je veux donc, mes chers collègues, appeler votre attention sur quelques aspérités du texte que nous examinons.
L’article 1er prévoit l’interdiction du recours aux produits phytosanitaires pour les personnes publiques mentionnées à l’article L. 1 du code général de la propriété des personnes publiques. Cette définition est, à mon sens, trop large ; pour ma part, j’aurais apprécié qu’en soient exclus les établissements publics. Dans son rapport, Brigitte Allain nous assure que cette interdiction n’aura pas d’impact sur leurs activités : elle précise que, dès lors que la sécurité des personnes est en cause, on tombe sous un régime d’exception. Malheureusement, je ne vois rien de tel dans le texte : en matière d’exception, il n’est question que de la lutte contre les organismes nuisibles, ce qui n’est pas la même chose, juridiquement parlant, que la notion de risque pour les personnes – vous en conviendrez.
Probablement conscients de cet excès de zèle, vous avez pris soin de préciser que les seuls terrains concernés par l’interdiction sont ceux accessibles au public : les espaces verts, les promenades et les forêts. Sage restriction, mais est-elle suffisante pour sécuriser les établissements publics tels que l’ONF – M. Caullet a posé la question en commission –, RFF ou VNF, qui ont la responsabilité de gérer des ouvrages linéaires ?
Justement, les nombreux canaux qui sillonnent la France sont autant de lieux de promenade très appréciés du public. Faut-il en déduire que VNF doit renoncer à l’utilisation de produits phytosanitaires pour l’entretien des berges et ouvrages, au risque de faire exploser ses charges de fonctionnement ? Monsieur le ministre, je vous rappelle que, suite à la suspension de l’écotaxe, cet établissement public n’a pas pu adopter son budget pour 2014. Il y a donc un problème de cohérence entre les objectifs et les moyens dont disposent ces établissements publics.
Si tel est le cas, je crains que nos campagnes ne voient fleurir une multitude de panneaux d’avertissement portant la mention « interdit au public ». Ainsi, les joggeurs, randonneurs, cavaliers et autres cyclistes risquent tout simplement de se voir privés de leur lieu favori d’exercice.