Il n’en demeure pas moins que votre initiative appelle plusieurs remarques de notre part. Nous considérons que l’enjeu principal du combat contre les produits nocifs pour la santé en matière agricole est de trouver le juste équilibre entre protection de la santé publique, obligation écologique et maintien d’un rendement agricole suffisant pour garantir à la France, et aux agricultures, une indépendance alimentaire pérenne ainsi qu’une économie agricole viable.
À ce titre, l’innovation et la recherche doivent être privilégiées pour trouver des solutions alternatives. Nous avons donc regretté que la loi d’avenir agricole adoptée la semaine dernière en première lecture n’ait pas mis pas suffisamment l’accent sur ces deux enjeux majeurs pour faire évoluer les pratiques dans l’agriculture.
Il est également regrettable qu’aucun élément ne permette d’appréhender l’impact économique de votre proposition de loi, notamment sur la recherche et développement des fabricants à qui l’on demande par ailleurs de trouver des solutions alternatives efficaces et compétitives.
Cette question n’est pas neutre car certains professionnels estiment à 12 000 le nombre d’emplois directs et indirects touchés par votre proposition. Nous tenons aussi à souligner que de nombreuses dispositions de ce texte relèvent de la réglementation européenne et du pouvoir réglementaire français, et non du Parlement français.
L’échelle européenne nous semblerait la plus adaptée pour édicter de nouvelles obligations, afin de ne pas creuser la différence normative entre la France et les autres États membres de l’Union, différence qui porte trop souvent atteinte à notre compétitivité : dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, la voie de l’harmonisation européenne doit donc être privilégiée.
C’est d’autant plus important que la jurisprudence communautaire est constante s’agissant des interdictions faisant exception au principe de libre circulation des marchandises : celles-ci doivent être nécessaires et proportionnées. En l’espèce, on peut s’interroger sur la proportionnalité des interdictions prévues dans ce texte, et nous souhaiterions savoir si le Gouvernement s’est assuré de sa compatibilité avec le droit européen.
Le texte initial, trop contraignant, a opportunément été modifié lors de son examen au Sénat, et nous ne pouvons que nous féliciter de l’adoption de plusieurs amendements prévoyant notamment une exception à l’interdiction pour les produits de bio-contrôle, ainsi qu’une possibilité de dérogation en cas de danger sanitaire lié à la propagation d’organismes nuisibles.
S’agissant des dates d’application des articles 1er et 2, le choix a également été fait de les repousser respectivement à 2020 et 2022, ce qui représente des reports de deux et quatre ans par rapport à la version initiale.
C’était un aménagement nécessaire, ne serait-ce que pour faire bénéficier les personnes publiques du temps nécessaire pour former le personnel et convaincre les usagers de la nouvelle façon de concevoir l’entretien des espaces publics. Ce délai est également nécessaire à l’adaptation de la population à la nouvelle gestion des espaces verts. Cela impliquera de la pédagogie notamment de la part des élus.
Il faudra également veiller, dans les prochaines années, à ce que ces nouvelles obligations soient effectivement applicables à l’approche des échéances prévues, et adapter la législation le cas échéant.
Enfin, le rapport prévu à l’article 3 sur les freins juridiques et économiques empêchant le développement des substances et préparations alternatives aux produits chimiques de synthèse permettra d’étudier les moyens les plus efficaces et les plus sûrs de faire pénétrer sur le marché des produits de bio-contrôle ; c’est une bonne chose car il faudra assurer le développement de produits de substitution. Là encore, il sera indispensable de mener un travail d’éducation pour permettre l’aboutissement de ce projet.
En conclusion, le groupe UDI considère que cette proposition de loi répond à des enjeux environnementaux qui avaient été identifiés par la précédente majorité, mais qui nécessitent aujourd’hui une nouvelle réponse, sans doute plus forte. Ce texte y contribue, même si nous appelons le Gouvernement à poursuivre le travail d’harmonisation des règles relatives à l’encadrement des produits phytosanitaires au niveau européen.
Nous aurions également préféré que ce texte s’appuie sur un travail d’évaluation plus approfondi des outils que nous avions mis en place, ainsi que sur une étude d’impact évaluant sa faisabilité, notamment en termes de respect des délais prévus à l’article 4.
À ce titre, il est dommage que la majorité fasse ainsi le choix d’adopter ce texte encore perfectible sans la moindre modification, même si nous comprenons l’intérêt qui pourrait en être tiré à l’approche des échéances électorales.