Intervention de Michel Lesage

Séance en hémicycle du 23 janvier 2014 à 9h30
Encadrement de l'utilisation des produits phytosanitaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Lesage :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, je me sens doublement concerné par ce texte : tout d’abord, parce qu’en tant qu’élu local de terrain, je n’ai eu de cesse de travailler à l’amélioration de la qualité des cours d’eau dans ma région, la Bretagne ; ensuite, en tant que député, car j’ai travaillé ces derniers mois sur la problématique spécifique de l’évaluation de la politique de l’eau en France dans le cadre de la mission qui m’a été confiée par M. le Premier ministre.

Cette complémentarité entre vision locale et réflexion nationale, riche de rencontres, d’idées et de propositions concrètes, me permet de saluer les objectifs de cette proposition de loi que nous examinons aujourd’hui : interdire aux collectivités l’usage des pesticides dans les espaces verts d’ici à 2020 et aux particuliers, l’achat de produits phytosanitaires pour un usage dans leur jardin d’ici à 2022.

Pour agir, nous avons besoin de leviers comme cette proposition de loi pragmatique et progressive. Celle-ci couvre plusieurs aspects essentiels comme les enjeux de santé humaine et les enjeux environnementaux. Mais vous l’avez compris, je m’exprimerai maintenant sur le lien étroit entre utilisation de produits phytosanitaires et qualité de l’eau.

Aujourd’hui, les constats sont là : je pense aux dernières données issues du réseau de suivi CORPEP sur la contamination des eaux superficielles bretonnes par les pesticides. Elles révèlent, entre autres, une forte proportion de molécules retrouvées issues des désherbants. Oui, les produits chimiques ont un impact sur notre environnement, même lorsqu’ils sont utilisés de manière raisonnée. Et on les retrouve dans les cours d’eau et les nappes phréatiques. C’est la raison pour laquelle les communes, les acteurs du territoire et les citoyens doivent agir au quotidien en limitant l’utilisation des produits phytosanitaires et en recourant à des pratiques alternatives.

C’est un travail de longue haleine auquel nous nous sommes attelés. C’est également un travail de sensibilisation, pour faire évoluer les pratiques des collectivités mais aussi des citoyens.

L’utilisation des produits phytosanitaires est liée à plusieurs usages : les activités agricoles constituent le principal facteur impactant la qualité de l’eau. Cet aspect est traité dans le projet de loi d’avenir sur l’agriculture, l’agroalimentaire et la forêt que nous avons examiné ici même il y a quelques jours. Cette utilisation est aussi liée aussi aux usages domestiques, à hauteur de 7 %.

Dans un processus de limitation du recours aux pesticides, nous nous devons d’avoir une vision globale et de traiter tous les aspects.

J’ai bien compris, monsieur le ministre, que la pause fiscale annoncée par le Gouvernement concernera aussi le plan Écophyto 2018 et les taxes sur ces produits. Il faudra donc sans doute attendre. Mais je pense que la fiscalité est aussi un levier pour agir dans le sens de la limitation des produits dangereux.

Formation, accompagnement, ingénierie publique sont aussi à développer.

En fait, nous nous apprêtons à légiférer sur ce qui devrait être une évidence : plutôt prévenir que guérir ! L’anticipation est la véritable avancée de ce texte car, concernant la pollution de l’eau, nous aurions peut-être pu éviter une telle dégradation. Aujourd’hui, nous sommes à mi-chemin de la reconquête de la qualité de l’eau et beaucoup reste à faire.

D’une part, le constat est unanime concernant cette qualité de l’eau : les objectifs fixés à 2018 par le plan Écophyto, comme ceux fixés au niveau européen du reste, ne seront pas atteints. Ces retards ont d’ailleurs un coût très élevé : le traitement curatif coûte deux fois et demi plus cher au mètre cube que la prévention ! Au total, ce sont des milliards qu’il nous faut affecter à ce traitement curatif.

D’autre part, avec cette loi et toutes les initiatives locales que je vois se développer depuis quelques années sur le terrain, je me dis que nous pouvons parier sur la prévention pour espérer reconquérir la qualité de l’eau. Certes, les délais sont courts mais, en tant que législateurs, nous devons faire notre possible pour aider la nature, qui a besoin de temps pour pallier les difficultés qu’elle rencontre.

Fort heureusement, quelques indicateurs, dans tout le pays et en particulier en Bretagne, montrent que les choses évoluent positivement. C’est en fédérant les actions de chacun dans une véritable stratégie de territoire, formalisée et partagée par tous les acteurs, que nous réussirons.

En complément de l’objectif fixé de réduction des produits phytosanitaires, je suis convaincu que nous devons également miser sur des préparations naturelles peu préoccupantes, dites PNPP. Nous attendons d’ailleurs avec impatience la remise du rapport prévu à l’article 3 de cette proposition de loi : je souhaite qu’il nous permette d’agir davantage car le cadre juridique actuel n’est pas entièrement satisfaisant dans ce domaine. En effet, la mise sur le marché de ces produits est une procédure très lourde et coûteuse alors que ces produits sont considérés comme ayant un impact positif sur l’environnement, ou du moins peu dommageable. La France est en retard puisqu’elle n’en autorise qu’une seule ; à titre de comparaison, en Allemagne, plus de quatre cents substances de ce type sont enregistrées.

Mes chers collègues, le 19 novembre 2013, cette proposition de loi a été adoptée au Sénat à une très large majorité, par 192 voix pour et 4 contre. J’espère qu’il en sera de même aujourd’hui à l’Assemblée nationale.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion