Intervention de Philippe Bies

Séance en hémicycle du 23 janvier 2014 à 9h30
Encadrement de l'utilisation des produits phytosanitaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Bies :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, la loi a souvent vocation à soutenir les professionnels, les territoires vertueux, dans leurs démarches innovantes, ou encore les citoyens sensibles à l’impact de leurs comportements individuels sur les autres et sur la planète et à inciter, voire obliger les plus récalcitrants à améliorer leurs pratiques, notamment dans le domaine environnemental.

Ainsi que vous l’avez souligné à maintes reprises ce matin, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui va dans le sens de l’action menée par un grand nombre de collectivités en pointe dans ce domaine, que ce soit pour des raisons environnementales, sanitaires ou même, et cela pourra étonner certains de nos collègues, pour des raisons économiques.

Ainsi, selon une enquête menée par l’INRA et par Plante & Cité en 2009, les villes de plus de 50 000 habitants étaient à 60 % entrées dans une démarche « zéro phyto ». C’est notamment le cas de grandes villes comme Nantes ou Strasbourg qui furent pionnières en la matière – je me permets de les citer puisque des communes plus petites et même des départements l’ont déjà été.

L’article 1er de la proposition de loi vise à reconnaître par la loi ces pratiques déjà courantes et d’encourager d’autres à les appliquer avant cette date butoir, assez éloignée, et qui exige donc que les territoires s’engagent dès à présent.

Comme d’autres, je tiens d’ailleurs à saluer le caractère pragmatique de cette proposition de loi, notamment pour ce qui concerne ces délais d’application. Notre collègue Brigitte Allain indique dans son rapport que la loi laisse ainsi aux professionnels et aux particuliers le temps de s’adapter à la nouvelle interdiction, aux industriels de proposer des alternatives et aux collectivités de mettre en place des plans de formation et de gestion différenciée des espaces.

C’est un point important, car cette proposition de loi nécessitera de mobiliser des moyens considérables. Ainsi, pour la ville et la communauté urbaine de Strasbourg, que je connais bien, près de neuf cents agents, soit plus de 10 % de l’effectif total de la collectivité, ont été formés.

Autre élément démontrant que cette proposition de loi tient bien compte des réalités de gestion : le périmètre des espaces publics et de nature concernés. Le texte ne comprend ainsi ni les cimetières, ni les terrains de sport ni, de manière générale, les espaces pour lesquels les solutions alternatives ou l’acceptation des citoyens ne sont pas acquises.

Mais cela ne doit pas empêcher, dans ces territoires, d’intégrer ces espaces dans une démarche de réduction de l’usage des produits phytosanitaires. À Strasbourg, que je cite une dernière fois, l’application du « zéro phyto » a permis de créer 6,5 hectares d’allées enherbées, soit l’équivalent en surface d’un parc urbain.

Mais je suis conscient que, sur ce point, nous avons encore une bataille culturelle à gagner. C’est ce que nous avons réussi à faire, je crois, dans les territoires qui ont choisi depuis longtemps de sortir du « tout phyto » : appliquant aujourd’hui le « moins de phyto possible », ils passeront demain, nous l’espérons tous, au « zéro phyto ».

Il s’agit au bout du compte de passer du concept de « nature en ville » à celui de « ville en nature ». Dans le premier cas, on utilise les espaces libres qui restent entre les bâtiments, plus communément appelés « espaces verts », pour introduire ou réintroduire de la nature ; dans le second cas, on considère que la ville doit s’insérer et s’intégrer dans la nature, dont elle préserve et renforce les richesses naturelles.

L’idée est d’agir pour la biodiversité ordinaire ou la nature spontanée en tout lieu. De ce principe découle la nécessité de ne plus penser la nature en zonage, de ne plus uniquement la raisonner en réserves ou en trames. Il ne doit plus y avoir la nature d’un côté et la ville de l’autre.

Oui, il s’agit de ce point de vue d’opérer un véritable changement culturel du rapport avec la nature, un des moyens de réaliser la transition écologique dans nos villes.

L’examen du projet de loi ALUR a été une première occasion d’introduire des amendements permettant la prise en compte de cette biodiversité ordinaire en milieu urbain. La loi sur la biodiversité que nous devrions examiner dans les prochains mois, monsieur le ministre, doit nous permettre d’aller plus loin encore sur les espaces de continuité écologique ou, mieux encore, sur le coefficient de biotope par surface.

La proposition de loi de nos collègues écologistes est donc une charnière entre ces deux moments législatifs importants. La transition écologique doit se construire aussi au travers des différentes occasions et initiatives législatives qui nous sont données, car elle n’est pas un domaine à part : c’est un enjeu transversal qui traverse toutes les politiques publiques.

Chers collègues, contrairement à ce que certains collègues de l’opposition ont pu insinuer ce matin, cette proposition de loi n’a aucune vocation électoraliste : elle constitue simplement un pas de plus vers la transition écologique de nos territoires et du pays.

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